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Full text of "MIFAO 57.3 Foucart, George; Baud, Marcelle; Drioton - Tombes thébaines Nécropole de Dirâ Abû'N-Naga Le tombeau d'Amonmos (1935)"

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B 



MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE 

MÉMOIRES PUBLIÉS PAR LES MEMBRES DE L’INSTITUT FRANÇAIS D’ARCHÉOLOGIE 
ORIENTALE DU CAIRE, SOUS LA DIRECTION DE M. PIERRE JOUGUET. — TOME LVII 



TOMBES THÉBAINES 

— -- 

NÉCROPOLE DE DIRÂ ABÛN-NÂGA 



LE TOMBEAU D’AMONMOS 

(PREMIÈRE PARTIE) 

* PAR 

GEORGE FOUCART 




LE CAIRE 

IMPRIMERIE DE L’INSTITUT FRANÇAIS 

à 

D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE 
1935 

Tous droits de reproduction réservés 





MÉMOIRES 

PUBLIÉS 

PAR LES MEMBRES 



L’INSTITUT FRANÇAIS D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE 

DU CAIRE 



TOME CINQUANTE-SEPTIÈME 



MINISTÈRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-ARTS 



MÉMOIRES 

PUBLIÉS 

PAR LES MEMBRES 

DE 



L’INSTITUT FRANÇAIS D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE 

DU CAIRE 

SOUS LA DIRECTION DE M. PIERRE JOUGUET 



TOME CINQUANTE-SEPTIÈME 




LE CAIRE 

IMPRIMERIE DE L’INSTITUT FRANÇAIS 

6 

D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE 



1932 

Tous droits de reproduction re'servés 



TOMBES THÉBAINES 

PAR 

M. GEORGE FOUCART 

AVEC LA COLLABORATION 
DE 

MARCELLE BÀUD ET ÉTIENNE DRIOTON 

* 

— »*=*=*> 



NÉCROPOLE DE DIRA' ARÛ’N-NÂGA 

— — «ra O I g - .I 

LE TOMBEAU DE ROŸ 
(TOMBEAU N° 255) 

LE TOMBEAU DE PANEHSY 
(TOMBEAU N° 16) 

LE TOMBEAU D’AMONMOS 
(TOMBEAU W 19) 

LE TOMBEAU D ’ A M O N - A M - A N 1 T 



(TOMBEAU ÎN° 277) 



PROQEMIUM. 



i 

Des circonstances on ne peut plus indépendantes de ma volonté ont 
retardé de quatre années les lignes qui vont suivre. 

En décidant, en 1927, de reprendre la publication des Tombes Thé- 
baines, auxquelles notre ancienne «Mission française du Caire» avait 
consacré jadis plusieurs volumes de ses Mémoires, je déférais à un des 
vœux que Maspero m’avait exprimés dès le début de ma direction à l’Ins- 
ti tut du Caire. 

Vœu bien tardivement réalisé. La guerre et ses trop longues consé- 
quences — budgétaires et autres — en avaient retardé d’année en année 
la réalisation. Il avait fallu aller d’abord au plus pressé. Et avant tout 
reprendre pied à Tlièbes, où trop longtemps, la France fut le seul des 
pays possédant en Égypte une Mission archéologique, et n’ayant à Thèbes 
même ni terrain de fouilles ni entreprise scientifique que ce fût. 

L’installation successive des chantiers de Deir-el-Médineh et de Méda- 
moud vint parer, dans la mesure du possible, aux conséquences désas- 
treuses d’une carence de près d’un quart de siècle. Entre temps, les copies 
des nécropoles Thébaines avaient bien été reprises; mais les moyens finan- 
ciers trop limités, la pénurie des effectifs comme celle des crédits empê- 
chèrent toute édition. -Le budget suffisait à peine à entretenir — et bien 
pauvrement — les travaux des fouilles. Impossible de songer à rien publier, 
une fois que les crédits disponibles avaient assuré l’édition des rapports 
annuels de nos chantiers. Dans les nécropoles situées hors de notre con- 
cession, il fallut bien se résigner à la simple accumulation des documents, 
en prévision de jours meilleurs. Les dessins, les aquarelles et les calques 
de Lecomte-Dunouy et de Boussac y pourvurent tout d’abord, soit pendant 



VI 



la période même de la guerre, soit durant l’immédiat après-guerre. Deux 
attachés temporaires à notre Institut, MM. Février et Parain, y joignirent 
leurs relevés. Les missions de M lle Baud (sans parler ici de ses beaux tra- 
vaux de Karnak, au Temple de Khonsou et au petit Temple de Ramsès III) 
vinrent ensuite enrichir de plusieurs tombes notre documentation de la 
Thèbes Occidentale. Il faut y joindre encore les carnets de notes de MM. 
Gauthier, Kuentz, de Bisson de la Roque et les miens. Je n'ai pas à men- 
tionner les copies et les éditions des tombes et monuments des chantiers 
de Deir-el-Médineh, sinon pour exprimer encore mes remerciements à 
Bruyère et à ses collaborateurs annuels. Grâce à leur zèle et à leur dé- 
vouement, le sort de ces publications est désormais assuré. Mais l’édition 
des Tombes de Deir-el-Médineh est, en quelque sorte, une annexe du tra- 
vail de chantier; et ce dont je me préoccupe ici même est ce qui regarde 
l’édition des tombes situées dans les nécropoles de Thèbes, et hors de notre 
concession française de Deir-el-Médineh. Là, il s’agit non plus de fouiller et 
de trouver, mais de copier et de publier. Et il résrüte de ce que je viens 
de dire que l’Institut possède, dès aujourd’hui, une réserve documentaire 
assez importante, sous forme d’aquarelles, de dessins et de calques. Les 
tombes de Roÿ et de Panehsy avec celles d’Amonmos, ne représentent 
qu’une fraction de nos disponibilités. On peut joindre à celles-ci mes 

notes descriptives de six autres monuments : les tombes de Houy II, 

\ 

d’Amouamanit, de Nofir Abit, d’Ioumadouaït, de Khonsou et de Khonsou- 
mosou — et en laissant de côté mes cahiers du Temple de Goiirnah. 

Sur la nécessité même de l’œuvre de la publication des Tombes Thé- 
baines, il est à peine besoin d’insister. Toutes les découvertes possibles 
encore dans la Vallée du Nil ne changeront jamais ce fait que Thèbes 
représente et représentera toujours les quatre cinquièmes du trésor de 1 ar- 
chéologie égyptienne, sous toutes ses formes. Maspero l’avait ainsi apprécié 
dès la fondation de la Mission française du Caire. A bon droit, il avait 
jugé que c’était là que devait porter tout d’abord le principal effort de la 
nouvelle école d’archéologie. 



VII 



On sait de quels moyens il pouvait disposer alors, et comment, en. ma- 
tière de fouilles proprement dites, il lui fallut de bonne heure renoncer à 
explorer les sites thébains ( l) . En revanche, le premier fascicule du premier 
tome des Mémoires débuta par la publication d’une tombe thébaine; les 
Hypogées Royaux absorbèrent ensuite toute l’activité de Lefébure, de 
Bouriant, de Loret et de leurs collaborateurs étrangers, tandis que l’énorme 
tome V tout entier, avec ses quatre fascicules — en fait quatre volumes 
véritables — groupa , sous les signatures de près d’une dizaine d’archéo- 
logues, le texte ou les dessins d’une bonne quinzaine de tombeaux privés. 
Et c’est encore par une tombe thébaine que se clôt, au tome XVIII, la 
série des Mémoires consacrés à l’égyptologie. 

Puis survint soudainement la grande, l’inexplicable période où il sembla 
que l’Institut du Caire eût délibérément renoncé à s’intéresser à la Thèbes 
occidentale. Ce fut un des grands regrets de Maspero. Sa tâche de Direc- 
teur général du Service des Antiquités ne lui permettait plus de contrôler 
la poursuite d’une tâche où il avait pourtant montré ce qu’il y avait à faire. 
Lorsqu’en fin de 191 û, il fut décidé que j’irais au Caire, un des premiers 
désirs exprimés par* Maspero fut donc, comme je l’ai dit en commençant, 
que l’Institut du Caire reprît enfin à Thèbes la place qui lui revenait et 
qu’il y avait jadis si bien tenue. 

Il 11e pouvait trouver un auditeur plus convaincu, ni plus enthousiaste 
du travail à accomplir. Je viens d’expliquer comment j’avais dù aller ce- 
pendant au plus pressé et quelles difficultés s’étaient présentées au début. 
Et ce que je viens de résumer justifie du même coup, j’espère, le but que 
se propose cette nouvelle série de nos publications. 



Assurément quelques modifications s’imposaient sur la façon de publier 
une tombe. Le moyen qu’il en fût autrement? Les fascicules de la Mission 

W Mémoires t. I, fasc. 2 (188/1)* 



vin 



avaient été conçus il y a tantôt un demi-siècle, et sur un plan qui remontait 
en fait à plus haut. La description, comme l’exposition des sujets, procé- 
dait encore, à y bien regarder, de l’esprit des excerpta. Des Missions tem- 
poraires, étendues à toute l’Égypte, avaient inspiré jadis aux Notices ou 
aux Notes d’un Champoilion, d’un Rosellini, d’un Lepsius ces abrégés des- 
criptifs, où l’on avait eu juste le temps de signaler les points les plus im- 
portants et les plus nouveaux, dans un domaine immense où tout était à 
découvrir. Et l’on reste confondu de voir l’œuvre géante accomplie sur 
la rive Ouest de Tlièbes par Champoilion pour l’investigation d’un pareil 
champ d’exploration, en plein été du Saïd, quand on lit dans l’édition des 
Notices (t. I, p. Ù77) ce simple intitulé : Thèbes, Hypogées, de la fin de 
juillet au 10 août 182g. 

Mais les circonstances ont trop changé depuis et les besoins de l’archéo- 
logie, à mesure quelle aborde de plus près les subdivisions de son do- 
maine, réclament à présent une présentation exhaustive du document. Per- 
sonne aujourd’hui ne se satisferait d’un texte qui réduirait à trois ou quatre 
pages la monographie d’une tombe, ou qui résumerait la description d’un 
registre (par ailleurs non reproduit) à trois ou quatre lignes d’indications 
extrêmement générales et, par là même, extrêmement vagues aussi. Ainsi, 
qui songerait donc à présent à abréger en huit pages et demie, munies 
de cinq petits croquis dans le texte et de deux planches, le tombeau d’un 
Apoui? Personne non plus ne penserait qu’ayant huit jours de travail 
devant soi, c’est deux fois de plus qu’il n’en faut pour éditer une tombe de 
l'importance de Neferhotep. «Le relevé de Neferhotpou II, écrivait en ce 
temps-là Bénédite (Mission du Caire, Mémoires, t. V, p. Û89), est affaire 
de deux à trois jours; j’avais devant moi une semaine, c’est-à-dire le 
temps de m’attaquer à un autre monument. » 

Aussi bien, d’ailleurs, la publication des Mémoires avait-elle souvent 
adopté — par nécessité d’alors — des groupements un peu factices, un 
peu trop à la manière des miscellanea, et sans qu’on y pût discerner l’exis- 
tence d’un plan préconçu. On y employait simultanément tontes les bonnes 



9 



IX 



* volontés — sinon toutes les compétences. 11 en résultait des séries assez 
disparates, allant jusqu’à 8 ou 10 tombes à la fois, où ne s’harmonisaient 
ni l’économie générale du plan, ni les méthodes descriptives; encore moins 
les directives de la partie concernant l’illustration; et beaucoup moins encore 
la synrythmie dans les présentations du texte. De cruelles inégalités de 
valeur ressortaient trop clairement, à quelques pages d’intervalle, entre la 
monographie d’un Montouhikhopshouf, par exemple, et celle d’Apoui; ou 
entre l’excellente et si pénétrante analyse de Bénédite, à propos de la tombe 
de Neferhotep, et le groupe des «Sept Tombeaux Thébainsw. Si bien qu’en 
fin de compte, l’archéologie égyptienne a dû réclamer pour certaines de 
ces tombes une révision et une réédition. Ceux qui s’en sont chargés n’ap- 
partenaient plus à notre Institut; et le contraste entre les deux éditions a 
été parfois apprécié en termes pénibles. 

Contraste, soit. Mais non comparaison. Il serait bien injuste d’y sou- 
mettre les anciens Mémoires de notre Mission, et de les mettre en regard, 
comme on l’a fait cependant à l’occasion, de publications du type du Bobb 
de Peyster Tytus Memorial Sériés, ou des Fine Theban Tombs, des Mémoires 
de Y Archaeological Survey ou encore de la plus récente série des Tlieban 
Tombs. Circonstances, besoins scientifiques, crédits et personnel qualifié 
surtout, tout a changé entre les deux époques. S’aviserait-ori de comparer 
le Médinet Habou de Lepsius avec celui de Breasted? Et le seul point à 
retenir de tout ceci est l’évidente nécessité qu’il y avait de rajeunir désor- 
mais les méthodes d’édition des Tombes Thébaines de notre Institut. 

Ceci m’amène donc à la présentation matérielle de notre nouvelle série. 
Quelques mots de justification m’ont paru nécessaires. 

On contesterait difficilement que le type le plus parfait de reproduction 
des Tombes Thébaines soit, pour le présent, celui qu’ont adopté les édi- 
teurs des Bobb de Peyster Tytus Memorial Sériés. Le luxe des planches 
phototypées en noir, éclairées, là où le requiert l’intelligence du sujet, par 
des duplicata au trait; l’irréprochable fidélité des tons dans les planches 
en couleur : tout y constitue une présentation qu’il paraît difficile de 



surpasser d’ici longtemps. Et nous voilà loin des procédés qui ont tant gâté 
— et si longtemps — l’aspect véritable de cet art thébain. Surtout quand 
il s’agissait de la traduction des couleurs. On n’avait eu de ce côté, jusqu’à 
présent, que de véritables caricatures. En sorte que les cinq volumes 
de cette publication (chiffre malheureusement définitif de l’édition totale) 
constituent, à cet égard au moins, un répertoire sans rival d’un choix fort 
judicieux de spécimens types des différents ateliers qui se sont succédé à 
Thèbes durant le second Empire Thébain. D’autre part, la toute récente 
publication du Tombeau n° 93 (Ken-Amon), et celle annoncée de Rekh- 
mara, par les soins du New York Muséum, nous permettent d’espérer la 
continuation, sous une forme un peu différente, de ce type d’éditions, 
luxueusement exhaustives. Au moins pour quelques-unes des tombes. Un 
tel ensemble accroît noire regret que le reste des nécropoles ne puisse 
nous être révélé avec le même luxe et la même sincérité. 

Mais ces mérites exceptionnels sont justement, je le crains, ce qui em- 
pêchera qu’il puisse jamais en être ainsi. Nul n’ignore quelles dépenses 
peuvent représenter aujourd’hui de telles éditions. Il a fallu, pour réaliser 
le Tytus Memorial, la trop rare fortune d’une noble initiative, fondée sur 
des motifs d’un ordre intime aussi touchants qu’exceptionnellement élevés. 
Une pareille perfection ne permet guère non plus d’aller vite. Dans les 
circonstances ordinaires, il faudra se résoudre, en matière de reproduction 
matérielle, à de beaucoup plus modestes visées. 

Celles qui ont dirigé la présente publication ont été de donner, bien 
entendu, la reproduction intégrale et fidèle de tout le monument; mais 
en la mettant, et comme format et comme prix, à la portée de chacun : 
tout au moins dans la mesure de ce qu’il est possible dans les conditions 
actuelles. 

La reproduction parle dessin linéaire répond à ce double but. 11 a fallu, 
en règle, s’en tenir à ce type de reproduction, (pie le tirage de clichés 
photomécaniques aurait chargé de frais excessifs, sans rien ajouter à la 
garantie scientifique de l’exactitude. La fidélité des calques de M lle Baud a 



XI 



été soumise — sans qu'on put s’y attendre — à une épreuve décisive. Je 
veux dire qu’ils ont été confrontés avec les copies du manuscrit de Hay que 
garde aujourd’hui le British Muséum. Leur parfaite similitude dans les plus 
petits détails fait autant d’honneur à l’actuelle copie française qu’au dessi- 
nateur du vénérable document anglais. 

Il a fallu, d’autre part, se résigner à supprimer, en règle, les reproduc- 
tions en couleurs. Et c’est là qu’il faut déplorer les nécessités budgétaires 
qui peuvent imposer de telles mesures. A plusieurs reprises, la tombe 
d’Amonmos en particulier a été signalée — et à juste titre — pour la 
finesse de certaines de ses parties et pour la valeur de ses coloris. La déco- 
ration des trônes portatifs des statues d’Amenhotep I er , le dais de la Reine 
Alimos, le goût et l’harmonie des teintes, pour des scènes telles que celle 
où le défunt se présente devant les triades d’Harmachis et d’Osiris, tout 
cela, je le sais, réclamerait des fac-similés en couleurs. Et le cas de la 
tombe d’Amonmos est loin d’être unique pour l’époque. On peut s’en assu- 
rer en feuilletant , dans le volume V de la fondation Tytus, les planches où 
Davies a si heureusement fait revivre les fresques d’Ousirhati et d’Apoui. 
Qu’il me soit permis — en guise de consolation — d’espérer que les 
crédits indispensables nous permettront peut-être quelque jour, et pour 
les fascicules à venir, de donner au moins quelques spécimens en couleur 
d’un art ramesside à la fois si mal connu encore, et à tous les égards si 
intéressant. 

Sur le mode scientifique de la présentation documentaire, on sera peut- 
être surpris du petit nombre relatif des références comparatives. C’est 
qu’ici également, comme pour l’édition matérielle, il y avait à choisir entre 
deux partis : ou l’édition exhaustive ou la monographie, qui n’est qu’un 
numéro dans une série. Et comme il m’a paru que le second parti corres- 
pondait bien à notre cas, c’est là-dessus que je me suis réglé. Une belle 
publication comme celle de Gardiner fait voir combien de problèmes, com- 
bien de questions soulève la reproduction d’une tombe thébaine de quelque 
étendue. Elle embrasse toute une partie de legyptoiogie : religion, mœurs 



B. 



XII 



et coutumes, chronologie, religion, philologie aussi. Mais une publication 
ainsi conçue correspond plutôt, m’a-t-il semblé, «à un ouvrage qui, à pro- 
pos d’un tombeau et en s’appuyant sur sa documentation particulière, se 
proposerait de traiter, à ce propos, de la connaissance totale du sujet. G’est 
en quelque sorte prévoir qu’il n’y en aura plus d’autres, et que l’unique 
tombe publiée constitue une publication finale. Car autrement, la plupart 
des questions se représenteraient à nouveau lorsqu’on éditerait la tombe 
suivante, et tout aurait été si bien et si complètement étudié auparavant 
qu’il faudrait ou se répéter ou se borner à renvoyer au fascicule précédent. 

C’est pourquoi je n’ai pas cru devoir faire usage de tout ce que beau- 
coup d’années de nécropoles thébaines m’avait permis d’amasser de notes, 
de croquis, ou de photographies. Il s’agit présentement d’une série de mo- 
nographies que j’espère devoir être la plus longue possible, et l’étude com- 
parative se fera d’elle-même au fur et à mesure. Là où j’ai cité d’autres 
documents pour compléter une documentation ou pour rectifier une inter- 
prétation que je crois erronée, je ne l’ai fait que dans la mesure où la 
comparaison tenait directement et exclusivement au point traité. Par 
exemple, je ne me suis pas cru autorisé à dire, à propos d’un seul tom- 
beau, ce que je pense et ce que j’ai pu réunir de notes sur le culte d’Àhmos 
et d’Amenhotep I er en général. Pas plus qu’à traiter de la Fête de la Vallée 
ou même de la reconstitution de son itinéraire, à propos du registre de 
YOusirhati. J’ai tenté seulement de dégager dans les deux cas que je viens 
de citer, comme pour les autres, ce qui permettait de présenter l’intelli- 
gence de la scène examinée, de façon à en faire un document à joindre 
aux autres, et de manière à permettre, quand leur nombre total sera suf- 
fisant, d’aborder le sujet synthétiquement. 

II 

A présent , je voudrais dire pourquoi mon premier choix s’est porté sur 
les tombes de la période dite ramesside. 




XIII 



Jusqu’à présent, à l’encontre, on constate que des tombeaux publiés, 
ceux de la XVIII e dynastie constituent la grosse majorité; aussi bien s’il 
s’agit des excerpta des vieux recueils d’antan, ou que ce soit des réper- 
toires généraux, à la façon de l'Atlas de Wreszinski; ou bien enfin des 
monographies proprement dites, telles qu’on les a publiées depuis un 
demi-siècle environ. 

Les raisons d’une préférence aussi marquée apparaissent à l’évidence. 
Éclat et fraîcheur des coloris, souvent servis par les qualités matérielles 
des surfaces qu’elles décorent; clarté et harmonie simple de registres bien 
équilibrés : les scènes thébaines de la XVIII e dynastie séduisent à première 
vue, mieux — et surtout plus vite — que celles des âges qui les ont 
suivies. Elles ont initié la première égyptologie au charme souriant de la 
vie agricole des campagnes thébaines; elles ont fait revivre l’amusante 
activité des corps de métier d’alors. La somptuosité de certains défilés 
de funérailles; l’intérêt d’épisodes où interviennent, avec les Rois et les 
Princes de l’Égypte, les questions de la chronologie ou de l’histoire poli- 
tique : en voilà plus qu’assez pour justifier les préférences de tant d’auteurs 
ou d’éditeurs. Est-il besoin d’ajouter que la XVIII e dynastie détient seule 
jusqu’ici le privilège de certaines tombes aux architectures grandioses, où 
la technique, comme la noblesse des ordonnances, s’élève au-dessus de 
ce que l’on attend à l’ordinaire d’un monument privé? Les sépultures 
d’un Pou-Am-Rà ou celle d’un Souroro, avec ses colonnades imitées de 
celles de Luxor; le vestibule et l’hyposlyle ou le pronaos d’un Ramos, — 
j’emploie à dessein ces termes réservés aux temples à l’ordinaire — ne 
sont que trois exemples pris ici entre bien d’autres. Que peuvent, à pre- 
mière apparence, leur opposer les chapelles ramessides, de règle plus 
petite, leurs pisés si maltraités par les siècles, leurs cours dont les py- 
lônes et les portiques de briques crues ne révèlent plus que des arase- 
ments, quand ce ne sont pas de presque informes tas de limon? 

Et cependant, il m’a paru que le moment était venu de faire une place 
plus large, et méritée, aux spécimens de cet art ramesside dans les 



XÏV 



monuments privés; et que, ce faisant, nous contribuerions plus utilement 
à la connaissance générale de l’archéologie thébaine qu’en continuant à ac- 
croître la documentation, déjà fort abondamment pourvue, de la XVIII e 
dynastie. Geci pour une double raison : l’une ressort de l’histoire de l’art; 
la seconde de l’archéologie religieuse. 

Et quelques mots seulement sur la première. 

Il ne peut s’agir, à propos d’une monographie, d’instituer un débat, 
— encore moins d’esquisser un jugement motivé — sur l’art ramesside 
de la fresque ou du bas-relief dans les sépultures privées. Mais ma con- 
viction personnelle est qu’il ne le cède à aucun autre, et je m’assure que 
mieux connu, il sera jugé de même par de plus compétents. Or ceci sup- 
pose précisément que nous aurons présenté d’abord aux archéologues un 
nombre adéquat de documents probants. Et c’est pour ce moment-là qu’il 
convient de réserver toute appréciation d’ensemble. 

Je crois d’ailleurs que le mouvement est déjà esquissé, et que bien des 
jugements jadis trop sommairement rendus sont dès à présent en instance 
de révision. Ils s’étaient fondés jusqu’ici sur une série de reproductions 
aussi insuffisante dans la forme que dans les choix. Un exemple suffira : 
le texte et les planches que N. de Garis Davies a consacrés au tombeau 
d’Apoui. Nous voici pourvus à présent d’une véritable publication de ce 
monument. Nous en ignorions jusqu’ici les scènes les plus remarquables 
et les épisodes les plus curieux. Et pourtant, la tombe d’Apoui n’est 
pas une manifestation exceptionnelle de l’art ramesside. Il en est un bon 
nombre, parmi les sépultures inédites du temps, qui ne le lui cèdent 
en rien; aussi bien à Sheikh Abd-el-Gournah qu’à la Khokha ou à Dira' 
Abû’n-Nàga. 

Et dernièrement, sur cet. art des XIX e et XX e dynasties, et sous une 
forme impeccable, Davies, — pour l’instant le spécialiste le mieux informé 
de la technique des nécropoles thébaines — a donc pu signaler, en maître 
du métier, quelques-unes des caractéristiques les plus évidentes de l’épo- 
que. Il en a lait ressortir les qualités si évidentes du dessin, de la couleur, 



XV 



(le la composition. Je trouverais pour ma part qu’il s’est tenu plutôt en 
dessous qu’au-dessus de la vérité dans le bien qu’il en dit. Et quand il 
passe à la critique de ses parties faibles, je crois même qu’il a été parfois 
un juge bien sévère. Il n’a pas non plus assez insisté, à mon gré, et 
comme il pouvait le faire en connaisseur dûment qualifié, sur la grâce 
extrême des compositions florales, non plus que sur les qualités, parfois si 
extraordinaires, de la liberté individuelle dans la composition et sur la 
verve véritable dont témoignent certains épisodes. J’ai déjà parlé du tom- 
beau d’Àpoui. Les mêmes mérites signalent ceux «des Deux Sculpteurs »; 
d’Ousirhati, de Khonsou, de Khonsoumosou , son voisin, d’Àmonamanit, 
d’Àmonamapit, au moins de vingt autres encore, ceux-ci tous inédits. 
Jamais les artistes égyptiens ne s’étaient libérés à ce poinl (je parle ici de 
certains tombeaux et non du total) des conventions si rigides qui ont tou- 
jours réglé ailleurs l’art de la tombe égyptienne — Tell el-Amarna excepté, 
bien entendu. 

Un seul exemple encore, en passant : chacun a pu noter parfois, dans 
les Temples Ramessides, certaines compositions à personnages multiples 
— surtout dans les'scènes de guerre — où il n’est plus question de la sage 
et traditionnelle disposition du registre classique, celle où l’alignement, 
rigoureusement horizontal, évoque un peu trop la pellicule cinémato- 
graphique. Ici l’artiste, affranchi à l’improviste des règles séculaires, et 
comme livré soudain à lui -même, a superposé et enchevêtré à son gré 
les acteurs de son épisode. Et l’on se prend à noter alors d’étranges et. 
fugitives ressemblances avec les procédés du vieil art persan ou avec les 
perspectives des plus anciennes tapisseries de notre Occident. Le vieil 
Orient est-il venu jusqu’à nous — par Byzance? Ou, mieux peut-être, 
par la tapisserie espagnole d’influence arabe? Mais voici qui nous entraî- 
nerait trop loin. 

Or il arrive parfois que ces procédés ne se cantonnent plus dans les 
tableaux des Temples. L’art privé ramesside les pratique également en 
certaines occasions. Je me hâte de dire que la tombe d’Amonmos, comme 



XVI 



ses trois contemporaines ici publiées, ignorent, pour leur part, ces cu- 
rieuses initiatives, et qu’elles présentent partout l’honnête règle du registre 
à personnages alignés, sans dépasser le procédé classique de la décompo- 
sition en deux sous-registres. C’est par d’autres mérites techniques que 
ces tombeaux se recommandent; et plusieurs ont été à juste titre déjà 
vantés (cf. e. g. Weigall , A guide, éd. 1913, p. 177). Enfin l’un des points 
dont je signalerai seulement dès à présent l’intérêt — j’attendrai la fin de 
la partie descriptive de ce texte pour en résumer les caractéristiques et 
pour en donner alors les raisons, s’il m’est possible — c’est la persistance, 
chez Amonmos, de certains procédés tenant encore très nettement des ate- 
liers de la XVIII e dynastie, mais se combinant avec des innovations fort 
intéressantes, et qui, elles, appartiennent en propre à l’art de la période 
postérieure à Séti I er . 

Sur cette question du style ramesside dans les monuments privés, je 
veux donc espérer que ces quatre tombes apporteront leur petite part 
d’enseignement utile; je laisserai à M lie Baud, quia su en traduire si fidè- 
lement le style, le soin de nous en expliquer, avec sa compétence habi- 
tuelle, les particularités de dessin, de couleur, de procédés techniques, ou 
de composition. Et je passe à ma seconde raison. 

III 

Pour avoir guidé mon choix , il était en effet d’autres raisons que celle 
des mérites d’ordre purement plastique que peut posséder l’art des tombes 
ramessides; ou que l’occasion, en soumettant au jugement de la critique 
un document de plus sur l’art de cette période, d’apporter à l’histoire de 
l’art égyptien quelques nouveaux éléments du détail. Plus important de 
beaucoup, ce semble, est qu’il s’agissait par là de mieux connaître la vie 
égyptienne et, singulièrement, celle qui touche aux cultes, aux sacerdoces 
et à l’archéologie générale des Temples funéraires. En ce domaine, et sans 
conteste, le premier rang revient aux tombes de la période ramesside. 



XVII 



Lorsque nous avons procédé jadis à la reconnaissance préliminaire de 
nos champs de fouilles, en jetant çà et là des coups de sonde, les tombes 
découvertes alors se révélèrent, naturellement, appartenir tantôt à la XVIII e 
dynastie, tantôt à l’époque Ramesside. Oserais-je avouer aujourd’hui que si 
ta tombe qui venait d’être trouvée s’avérait appartenir à la XVIII e dynastie, 
mon impression première était plutôt une légère déception? J’appréhendais 
beaucoup les redites et je craignais d’avoir à renoncer par avance à faire, 
cette fois-là, toute acquisition vraiment nouvelle en matière d’archéologie 
générale ou surtout de religion. Et de fait, rien n’y a jamais donné, quand 
il s agissait de chapelles de ce temps-là, quelque chose qui ressemble, un 
moment, comme intérêt ou comme nouveauté, à la tombe d’Amonamanit à 
Gournet-Murrai, aux deux chapelles de Khïïbakhit, ou à ce que l’on peut 
encore distinguer de celle du n° 216. Je ne parle même pas des caveaux 
décorés des Ramessides et de leurs scènes religieuses. Ici , la XVIII e dynastie 
na rien qui puisse leur être opposé. Une demi-douzaine de caveaux de 
la XIX e ou de la XX e , à Deir-el-Médineh, contient plus d’enseignements ou 
soulevé plus de problèmes religieux nouveaux que tout ce que peut révéler 
la colline entière de Sheikh Abd-el-Gournah. 

Si Ion se place un moment à ce point de vue, on me concédera bien 
que si la monotonie indéniable du plus gros des scènes memphites ou 
protothebaines ne domine plus autant dans le bas-relief ou la fresque des 
débuts du second empire thébain, ceux-ci procèdent encore en mainte 
occurrence des thèmes que leur ont légués les ateliers de ses devanciers. 
Sinon pour la facture, au moins pour les données typiques de la décoration 
et leurs modes quasi mécaniques de développement. 

Reprenons un moment par la pensée l’ensemble des thèmes consacrés 
de l’art memphite. Leur corpus régulier n’est pas celui de ces éclatantes 
exceptions que constituent à Saqqarah le mastaba d’un Ti, d’un Merou, 
d’un Phtahhetep, d’un Kagimni, de la te Rue de Tombeaux» de Gapart; ni 
celui de cinq ou six des tombes encore inédites découvertes par Reisner 
et Junker a Gizeh. Si l’on veut se faire idée du répertoire moyen de 



C 



XVIII 



cette époque, il convient d’examiner sur place les trois cents et quelques 
tombes ou parties de tombes accessibles de la région memphite, entre 
Abou Roash et Méidoum. Ou, faute de mieux, de feuilleter ces notes 
descriptives, réunies sous le titre « Mastabas », et où Mariette notait rapide- 
ment l’inventaire de ses fouilles. C’est là qu’apparaît mieux la série typique 
des thèmes élaborés par les ateliers memphites. 

Au premier abord, elle nous conquiert directement par ses séductions. 
L’éloignement dans le temps, la perfection de la technique, l’amusement 
du détail imprévu, la fidélité et la minutie de la description par l’image 
de l’existence ou de ses travaux quotidiens; l’impression, aussi, que bruit 
soudain sous nos yeux tout un peuple séparé de nous par des millénaires; 
maintes autres raisons encore contribuent au charme et au prestige de 
cet art memphite. 

A y bien regarder, ce n’est pourtant que le décor de la vie qui nous est 
ainsi révélé. Ou, si l’on préfère, la connaissance de la vie purement maté- 
rielle — ce qui est tout un. Et presque toujours, par surcroît, la donnée 
initiale de la décoration — préparation de l’entretien physique des défunts 
dans l’outre-tombe — vient réduire trop exclusivement cette connaissance, 
à une vie agricole ou pastorale, à la lingerie, à l’orfèvrerie, à la pêche, a 
la danse ou à la chasse. Les charges, les dignités des morts y introduisent 
bien, çà et là, par souci d’une biographie trop ramassée, des scènes 
abrégées qui nous les présentent en extrême raccourci. De leur côté les 
services du tombeau et les rites religieux se condensent également en des 
transports de statues, en quelques actes de l’ofiice, et surtout en porteurs 
d’offrandes aux lignes infiniment longues. De la vie spirituelle ou morale 
de l’Égypte, il n’est même pas question ici de chercher ni les mythes, 
ni les dogmes; et bien encore moins leurs symboliques, pas plus que 
leur enseignement. C’est de leur pure et simple figuration plastique que 
je veux parler ici. Où sont donc les figures des dieux de l’Égypte? Partout, 
c’est le même silence sur les croyances ou sur les dogmes qui les expri- 
ment. En vérité, s’il n’v avait pas les textes des Pyramides et le corpus 



XIX 



religieux dont les sarcophages protothébains nous ont transmis les formu- 
laires, lame memphite nous resterait étrangement inconnue. A ce point, 
que jadis, les plus autorisés de l’Égyptologie ont pu, sur le vu de toute 
cette belle imagerie de la tombe memphite, nous présenter le tableau 
d’une singulière Égypte d’alors. Quelque chose comme les Grecs de Renan, 

« ces gais et robustes adolescents ». Une Égypte ignorante encore des mys- 
tiques et de leurs inquiétudes, libre des affres de 1 au-delà. G étaient les 
âges thébains qui, en matière de religion, auraient élaboré les compli- 
cations et les inquiétudes, les sombres terreurs qui avaient envahi l’âme 
égyptienne. Pour le Memphite, une humanité d’âge d’or, une civilisation 
heureuse, comme proche encore de ses débuts, étaient en quelque sorte 
invinciblement suggérées. La supputation de la chronologie de celte docu- 
mentation venait y aider davantage, à une époque où, malgré tout, cinq 
ou six mille ans semblaient mener aux frontières de l’histoire humaine — 
un peu comme à ces limites de Yoixovpévrj que l’on imaginait pour notre 
terre au temps de Ylmperium. 

Après Memphis, les ateliers protothébains qui ont décoré les tombes de 
la Thèbes occidentale ne se sont guère révélés à cet égard comme des créa- 
teurs. Les parois qu’ils ont décorées n’abondent pas précisément en sujets 
sensationnels ou simplement inattendus. Et si l’art féodal ou provincial du 
temps présente ailleurs un intérêt plus direct, il le doit surtout à la qualité 
des titulaires des tombes, et aux scènes plus ou moins biographiques 
qu’elle entraînait. 

Après eux et après un long intervalle, l’art de la XVIII e dynastie, en 
reprenant pour son compte la décoration des nécropoles thebaines, nous 
a délivré des interminables et trop peu imprévus défilés de « Domaines », 
ainsi que des marches convergentes et indéfinies des oblations et de leurs 
porteurs vers la «Table d’offrandes «, avec sa pancarte-menu placée au 
fond de la chapelle. Seule, la chambre réservée au culte d’Hatshopsitou 
les perpétue au temple hathorique de Deir-el-Bahari. Et si lart île ces 
bas-reliefs est exquis, il ne sauve pas le thème initial de 1 impression de 



XX 



monotonie qu’il dégage. On s’y rend compte de ce qu’il peut en rester, lors- 
que l’exécution matérielle descend de qualité et qu’il ne s’agit plus que de 
tombes privées de style moyen. Et s’il a su éliminer ce que je viens de dire, 
l’art thébain de cette époque maintient par contre traditionnellement, dans 
leur économie générale , les scènes de la vie agricole ou pastorale , celles de 
la pêche aussi, au point qu’elles n’ont plus de secrets pour nous, après une 
pareille série, dont les débuts nous ramènent à la fin de la III e dynastie. 
Bien trop souvent, encore, cet art a gardé les épisodes successifs, déroulés 
horizontalement, à la façon d’un film, et qui traitent, parfois si copieu- 
sement, de l’inévitable immolation du bœuf sacrificiel. Il a recopié en même 
temps les redites beaucoup trop attendues, les jovialités évonymes des bou- 
chers et l’eutrapélie sans nouveauté de leurs dialogues. Également les. féli- 
cités moyennes de l’au delà, sous la forme vraiment un peu simpliste de 
la chasse au boomerang ou de la pêche à la sagaie, ont continué à y tenir 
une place d’honneur. Les interminables théories des porteurs d’offrandes 
se sont bien abrégées , mais trop souvent au profit de non moins intermi- 
nables défilés de porteurs de mobilier funéraire, où nous n’avons plus 
beaucoup de chance de trouver désormais du nouveau. Les « agapes v ont 
pris la place que l’art memphite réservait traditionnellement à une prépa- 
ration alimentaire quelconque; mais ceci fait, la tradition les a fidèlement 
répétées, sans grand changement, de génération en génération. Les scènes 
de la moisson, du vin, de la bière, ont pu être abrégées, par comparaison 
avec les minutieuses longueurs du détail memphite. Mais ce qui en a été 
gardé ressemble vraiment beaucoup à ce que nous avait appris, pour 
l’essentiel, l’art d’une bonne dizaine de dynasties. Où est le plus nouveau 
comme apport au corpus canonique — et ici l’art de la XVIII e dynastie se 
révèle remarquablement fécond — c’est dans les scènes de métier : me- 
nuiserie, boisselleries, fabrication des vases, des meubles, des chars, des 
coffres, etc. Elles remplacent avantageusement les perpétuels fondeurs, 
orlèvres, bijoutiers et les nains gardiens de coffres ou de coffrets des Mem- 
phites. Là est le trésor de la documentation sur la civilisation matérielle 



XXI 



des Thébains. Champollion, Lepsius, Wilkinson, Prisse, Nestor Lhôte, 
Hay, témoignent assez de tout ce qu’ont fourni les tombes de la XVIII e 
dynastie à cet égard. 

Cependant tout ceci peut être tenu pour acquis aujourd’hui. Et peut-on 
dire que chaque tombe de la XVIII e dynastie nouvellement exhumée vient 
accroître ce trésor? Certes non. En fait, assurément, il y aura presque tou- 
jours à glaner quelque détail nouveau dans une quelconque de ces scènes. 
Fût-elle même la cinquantième répétition d’une moisson , ou d’une fabrica- 
tion, d une menuiserie. Car si quelque légende doit être détruite en archéo- 
logie, c’est bien celle des prétendus «cahiers de poncifs » des dessinateurs 
thébains. Cahiers modèles de sujets — oui. C’est une autre affaire. Les 
« arpenteurs » de Menna ne sont pas ceux de Khâ-m-hati ; et deux scènes de 
chasse au désert, à première vue identiques, se révèlent, au détail, détenir 
chacune leurs particularités. Ces réserves concédées, convenons toutefois 
que pour l'intelligence et la connaissance du plus essentiel, les publications 
actuellement existantes nous ont très abondamment pourvu aujourd’hui en 
matière d’agriculture ou de métiers, et que la fabrication d’un char, la pré- 
paration du vin, l’art de la pêche et la technique de la brasserie n’ont plus 
beaucoup de révélations à nous faire. Vraiment, nous aimerions en savoir 
autant, et avec un luxe de détails aussi précis, pour les techniques simi- 
laires de nos ancêtres de la Grèce ou de Rome. Un « Daremberg et Sagiio", 
une «Vie Privée» romaine et grecque de Gustave Fougères montrent assez, 
je crois, que sur ce point au moins, l’archéologie égyptienne est munie 
d’un luxe de références partout ailleurs inégalé. 

Le temps serait donc venu, ce semble, d’arriver à mieux connaître d’au- 
tres aspects encore de la vie égyptienne; et là, les tombes ramessides me 
paraissent de beaucoup les plus instructives. Car après être parvenu à con- 
naître à ce point la technique de la fabrication d’une roue de char, nous 
aimerions à connaître aussi quelque peu la construction d’une vie religieuse. 
Et si les variantes des chapelles de la XV1IL dynastie sont inlinies, il faut 
bien connaître que, pour le gros, l’ensemble présente d’une tombe à 



XXII 



l’autre une trop grande proportion de choses déjà vues et connues pour tout 
l’indispensable. Nous sommes riches à miracle en scènes publiées sur la vie 
des champs, des vignobles, des pâturages, ou des ateliers; nous le sommes 
beaucoup moins, quand il s’agit de la vie judiciaire, militaire ou adminis- 
trative, sacerdotale ou religieuse de toute cette civilisation. Mais ce genre 
de documentation-là — j’entends ici la documentation picturale, — on 
ne l’a que par les scènes biographiques des tombeaux. 

Cependant, à l’heure présente, que savons-nous de la vie thébaine à 
cet égard, comparée à ce qu’a donné, pour un seul règne, la necropole 
d’Amarna? L’unique raison en est que pour les dignitaires qui y reposent, 
le récit biographique des fonctions a tenu la première place dans la déco- 
ration de leur chapelle. Sur les sujets que je viens de citer, la XVIII e dy- 
nastie, il faut bien le dire, ne fournit que par exception, à Thèbes, la 
scène biographique pourvue de quelques détails. Le Monna qui inspectait 
le domaine d’Amon vers le temps de Thotmès IV nous a raconté comme il 
avait fait entrer ses filles dans le sacerdoce féminin de Karnak. Une scène 
à quatre personnages y a suffi, et sans le moindre décor. S’il eût vécu sous 
les Ramsès, nous aurions eu un paysage en raccourci du Temple et de ses 
annexes, voire le récit pictural d’un épisode de la vie sacerdotale. Et cela, 
l’art ramesside de Thèbes l’a fait, et beaucoup plus fréquemment que n’im- 
porte quel autre. 

Par ailleurs, si les artistes de la XVIII e dynastie nous ont parfois présenté 
des scènes du Soudan, de tributs étrangers, de recrutement militaire, 
d’administration royale, etc., c’est infiniment plus rarement qu’ils se sont 
occupés de la vie religieuse des Temples ou de leur personnel. Or, sur ce 
point, ce n’est pas dans les bas-reliefs des Temples que l’archéologue 
pourra constituer sa documentation; c’est par les représentations des lom- 
bes que pourra se faire la reconstitution de ce qui était la vie véritable du 
Temple, et plus spécialement du Temple de la Thèbes occidentale. Nulle 
part cependant en procédant par ensemble. Pour des raisons très spéciales 
— il faudrait les justifier pour chaque cas particulier — les détails sont 



XXIII 



dispersés, et en apparence an hasard, à travers toute la série des tombes 
ramessides. 

Mais si, avant d’en arriver à la vie du clergé, des bureaux, des ateliers 
ou des magasins du temple, où les bas-reliefs des maisons des Dieux 
11e pouvaient rien donner, l’on se place en face des grandes cérémonies 
du culte, telles que les imposantes 'zrofXTrcti des Memnonia, on se rend 
compte assez vite que là non plus, les bas-reliefs des Temples ne sauraient, 
sur ce point, fournir autant que la décoration de la tombe privée. Ceux de 
la rive Est ne traitent, naturellement, que leurs propres cérémonies : les 
grandes « Sorties » du Dieu ou leurs abrégés; la fondation, la réfection ou 
la consécration de la Demeure Divine; ou encore le voyage par le Nil de 
Karnak à Luxor, au Tapi Ronpit. Et quant aux Memnonia eux-mêmes, ils 
ont surtout représenté les cérémonies auxquelles participe — ou bien où 
est censé assister — leur royal fondateur : ce sera, par exemple, dans la 
seconde cour péristyle de Médinet Habou, la fête de la Nuit de Sokaris — 
ou celle de Mîn et des moissons; ce sera encore, à Médinet Habou égale- 
ment, comme à Gournah, ou au Ramesseum, un seul des épisodes mar- 
quant de la «Fête de la Vallée»; ou encore, à Deir-el-Bahari, deux ou trois 
des grands actes de la visite d’Amon. 

Mais vainement chercherait-on, en tout cet ensemble, le détail spéci- 
fique de la vie locale des Sanctuaires thébains, celui de leurs rapports avec 
les peuples des Nécropoles, morts ou vifs. À peu près rien non plus de 
cette existence si active, si remplie qui, aux dates du calendrier sacerdotal, 
fait mouvoir par terre ou par eau, fait tirer à la cordelle, haler sur des 
traîneaux, ou porter sur des «sediæ» d’apparat la foule des «images vi- 
vantes» des rois. Images de toute espèce et de tout costume, dont chacune, 
par son habillement spécial, ou par ses accessoires traditionnels, signifie 
un rôle, une fonction, une activité, une survivance, un «aspect » particulier 
des vieux Souverains de Thèbes divinisés, en même temps qu’elle con- 
stitue la commémoration rituelle d’un fait historique, légendaire ou my- 
thique qui lui est propre. 



XXIV 



Par surcroît on trouvera encore moins, dans ces bas-reliefs des Temples, 
la vie propre du clergé, son association si «vivante» au propre du temps 
du Sanctuaire, celle de ses familles et celle de ses morts. Et, de fait, il est 
logique qu’en dehors des figurants de rigueur, des acteurs nécessaires aux 
défilés processionnels, le bas-relief du Temple ait exclu «à priori de tels' 
sujets; la décoration du Memnonium royal a pour but exprès de tout rap- 
porter à la divinisation de son fondateur, ou à la glorification soit de sa 
piété, soit de ses largesses envers les Dieux. Comme il sera tout aussi 
logique que la décoration de la tombe privée, de son côté, rapporté tout à 
la biographie et aux titres de son possesseur ou à ceux de sa famille. Et 
c’est justement là que nous avons le plus de nouveau à attendre des tombes 
ramessides. 

Enlin, et pour les mêmes raisons, si nous étudions le corpus de la déco- 
ration murale du Temple, nous n’v découvrirons pas davantage ce qui 
constitue un des chapitres les moins étudiés encore de l’archéologie thé- 
haine : je veux dire ce qui nous initie à la «vie pieuse» du Temple : non 
plus seulement à celle de ses bureaux, de ses magasins, de ses annexes, 
mais à l’histoire de ces grands accessoires que sont les pièces du mobilier 
sacré ou celle du trésor. Cette histoire-là nous est fort mal connue encore. 
Et ici, telle tombe nous montre les différentes sortes de statues portatives 
des vieux rois, les plus petites transportées à bras d’homme, d’autres sur 
des traîneaux, avec ou sans dais. Ailleurs, on les porte en grande pompe, 
trônant sur des palanquins magnifiques ou bien debout sous des balda- 
quins; on les met à bord de navires spéciaux que l’on haie de la berge 
ou que l’on remorque à la felouque. Plus loin, voici les canaux qui 
joignent les Memnonia au Nil, et leurs bassins d’évolution; voici, à côté 
des pylônes des Temples funéraires, les kiosques des reposoirs pour les 
cortèges, et les chapelles secondaires de l’enceinte des «Demeures de Mil- 
lions d’années». D’autres fois, ce sont des scènes où le clergé et les corpo- 
rations féminines du Temple accomplissent un des rituels d’une des grandes 
fêtes du calendrier de la Thèbes d’Occident; alors apparaît le grand Vase 



XXV 



d’Amon, on le Nofirtoumou, ou la Sédia d’Amenhotep I er escortée de ses 

flabellifères Quand une quinzaine de tombes ramessides bien choisies 

auront fourni les premiers éléments d’une bonne série comparative, il y 
aura certainement pas mal de points renouvelés dans ce chapitre de l’ar- 
chéologie thébaine. 

Un dernier exemple encore, et pour entrer dans les précisions : on sait, 
en gros, par quelques bas-reliefs des Temples, et par quelques textes ou 
par quelques inscriptions encore trop rares (celle de Montoumihaït, par 
exemple) que les sanctuaires égyptiens ont possédé d’immenses trésors. Ce 
qu’on sait moins, je crois, c’est comment les objets précieux, les chefs- 
d’œuvre de l’orfèvrerie ou de la statuaire mi-métallique de ces temples 
étaient gardés, enrichis ou restaurés pendant des séries de siècles dans 
chaque temple, à la façon dont se sont comportés, ou se comportent encore, 
les trésors de nos cathédrales ou de nos grandes Abbayes : emblèmes 
divins, vases géants plaqués d’or ou d’électrum, et écussonnés au nom des 
donateurs; statues de bois revêtues de métaux précieux avec incrustations de 
pierres rares; dressoirs, torchères, statues votives, orantes ou glorifiantes, 
et jusqu’à des sortes de reliquaires véritables. Si les temples alignent par- 
fois, en leurs scènes descriptives, les magnificences des donations de tel ou 
tel règne; ou si, à la rigueur, ils nous font apparaître épisodiquement, au 
cours d’un défilé processionnel, l’image isolée de tel ou tel de ces objets, 
ils ne nous apprennent rien sur leur histoire. C’est par les publications des 
tombes privées — et singulièrement des Ramessides, — - ajustées plus tard 
aux textes des ostraca et de la papyrologie, qu’apparaîtront les annales, les 
restaurations et les avatars de ces grandes reliques de la gloire égyptienne. 
Je veux parler, notamment, du Vase Gigantesque revêtu d’or, que consacra 
Amenhôtep I er en Karnak; de l’Insigne du Rélier d’Amon; des Palanquins 
d’Amenhotep et d’Ahmes Nofritari, avec leurs statues interchangeables, et 
que l’on habillait aux fêtes à la manière des images saintes des églises espa- 
gnoles; je songe aussi aux petits esquifs des processions; ou encore à ces 
grands «surtouts» d’or à incrustations du tribut d’Éthiopie; à ces torchères 



I) 



XXVI 



d’or avec leurs images royales agenouillées et leurs « Anges n — si je 
puis dire; au grand « Insigne « de Nofîrtoumou, couché sur ses multiples 
chevets dans les resserres du Temple ... Y a-t-il un Temple de Thèbes 
qui ait donné, à ce point de vue, autant d’aperçus sur la somptuosité du 
matériel sacré de Karnak que les fresques de ce grand tombeau de Iouma- 
douaït, toujours si inexplicablement resté inédit? ou qui ait fait revivre, 
comme en ce même tombeau, encore toute vibrante de couleur, l’ordon- 
nance de la « Grande sortie d’Âmon n , avec son orchestre , ses chanteurs , les 
différentes classes du sacerdoce? Puis, plus loin, voici la figuration des 
Magasins du Temple, l’inventaire illustré des différentes statues d’Amon, 
et enfin le Trésor du Temple, avec ses monceaux d’anneaux ou de lingots 
d’or et ses corbeilles de pierres précieuses, ses entassements d’ivoire, d’é- 
bène, de plumes d’autruche, de pelleteries, et ses ex-voto magnifiques. 

Aujourd’hui les merveilles de la cachette de Tout-Ankh-Amon nous per- 
mettent de contrôler les assertions de figures à première apparence trop 
grandiloquentes. Elles nous permettent aussi de. mettre en regard des objets 
réels une partie des figurations de ces objets, simulées dans nos tombes 
ramessides. On établira par là, avec une sûreté progressive, les procédés 
conventionnels des dessinateurs d’alors; et on arrivera peu à peu à la «tra- 
duction v archéologique assurée pour presque tous les objets représentés. 

Mais élevons-nous plus haut un moment. Et laissons ici les comparaisons 
entre plastiques, ou entre exécutions matérielles. Cherchons au delà le 
concept du beau immatériel qu’elles enferment, la substance, au sens pla- 
tonicien, ou l’idée. Qui ne verra, à tout moment, en ces tombes rames- 
sides , à quel point l’idée , dégagée des « espèces n , s’avère commune à ces 
gens et à nous? L’idée, ou son intention. Celle qu’un peu de pratique 
nous rend si vite familière pour les œuvres de notre passé, parce que 
leur patrimoine est encore le nôtre; légende ou hagiographie, mystique 
ou symbolique. Ici, à Thèbes, la langue peut être autre. Ce qu’elle veut 
exprimer, une fois traduit, signifie cependant des choses si proches de 
notre intelligence, de nos inquiétudes ou de nos consolations, qu’un lien 



XXVII 



de plus — et non un des moins forts qui puissent être — s’établit entre 
ces vieilles gens et nous. La recherche des traductions n’en vaut-elle pas 
la peine? Et je dis que la tombe des Ramessides, plus que les autres, de 
par le choix de ses sujets, se prête mieux que jamais à ces essais de rap- 
prochements si noblement émouvants. 

Veut-on que je sorte du vague des assertions générales? Je ne m’aven- 
turerai ici qu’à proposer les indices les plus élémentaires, à la manière 
dont on fait d’abord épeler les syllabes, avant d’aborder la lecture cou- 
rante. Si un des nôtres, agenouillé, tient en main la réduction d’un édi- 
fice, nous savons qu’il a été fondateur ou bienfaiteur d’une église, d’une 
abbaye, d’un hospice dont voici l’image en miniature, rt Et cela lui sera 
utile, en vérité, dans l’autre monde» : voici que je reprends pour une 
seconde les mots égyptiens. Pourquoi n’apprend rions -no us pas qu’un 
Thébain peut placer en sa tombe, le grand vase à libations, le meuble 
ou l’insigne divin qu’il consacra ou qu’il embellit, et cela dans la même 
intention de commémorer sa piété? Au volet intérieur d’un triptyque, nos 
consacrants ont associé à leur prière au Saint protecteur les images de 
leurs enfants bien-ahnés. Ils les ont placés entre eux. N’est-ce pas dans la 
même pensée qu'arrivés au delà de la tombe et de cette vie terrestre, 
devant la divine protection d’Haïthor, Amonmos et sa femme ont voulu 
placer leur fils entre eux deux? Ioumadouaït arrive dans l’au delà devant le 
Tribunal Suprême : les siens sont venus à sa rencontre; ceux qui, en celle 
vie d’ici-bas, avaient cherché à acquérir les mérites qui achètent la vie 
éternelle. Ils étendent leurs mains, le bénissent, le protègent, intercèdent 
et tous, en cortège, l’accompagnent devant celui qui juge. Est-ce donc là 
notion pour nous bien obscure? 

Ou bien encore, venue du Temple, la procession Thébaine s’avance 
vers la terre des Nécropoles et les Memnonia des rois défunts; les statues 
saintes approchent; sur la berge, la troupe des « Servantes d’Amenhotep » 
vient à sa rencontre, en psalmodiant des cantiques. Or leur Supérieure 
voulut, pour le temps de sa vie éternelle, que l’on représentât en peinture 



XXVIII 



les images de celles de sa confrérie, comme elles étaient en ce jour. Avons- 
nous rien là qui nous soit étranger? Toute l’histoire de notre peinture est 
prête à nous répondre. Puis cette fête d’un Patron vénéré qui groupe, en un 
même épisode, sur les murs de la chapelle, et pour une même famille, les 
figures associées de vivants et de ceux qui ne sont plus. Voici qu’en l’église 
Saint- Bavon de Gand, resplendit le Triomphe de l’Agneau. Au front de cer- 
tains brille une petite croix. Elle marque ceux qui déjà avaient quitté cette 
vie, au temps où les Van Eyck achevèrent le triptyque. Et nous connaissons 
ce que veulent dire ces signes. Mais l’Égypte, elle aussi, a connu des indi- 
cations qui s’y apparentent. Et cet anniversaire des Trépassés, où la famille 
célèbre l’office des défunts, où se fait l’effusion «l’eau de renouvellements, 
où les gerbes de fleurs remplissent la chapelle du tombeau : voilà, ce 
semble, des idées qu’il n’est guère difficile de transposer pour nos besoins. 

Il en est d’autres, je le sais, où l’appareil externe est tout entier si 
différent du nôtre en ses apparences que la traduction demande un plus 
sérieux effort pour remonter aux idées directrices, à la « Substance n. D’au- 
tres encore, où, comme chez nous, l’allusion au fait connu, à une croyance, 
à une légende, à une protection divine s’établit en signes conventionnels, 
en abrégés par objets matériels : un accessoire tenu à la main, un insigne, 
une pièce de costume, le détail d’un ornement, le geste initial d’un rituel. 
Mais nous ne lisons plus bien que les nôtres. Ne chercherons-nous pas à 
lire les leurs aussi, à ceux d’Egypte, pour mieux retrouver l’unité dV es- 
sence v qui s’affirme par les premiers comme par les seconds? Là-dessus, je 
soutiens une fois de plus qu’en une telle recherche, les tombes ramessides 
conduisent au but mieux et plus vite que les autres. Je dis encore que, par 
cette voie, les résultats obtenus s’élèvent, cette fois-là, bien au delà et bien 
au-dessus de la connaissance des civilisations matérielles. 



Sed paulo minora Revenons à notre Amonmos et à ses compagnons 

d’édition. Je voudrais espérer que la présentation de ces tombes constituera, 



XXIX 



pour commencer, une première démonstration pratique de tout ce qui 
précède, et quelle prouvera tout d’abord combien de petites questions 
nouvelles se posent à propos des scènes de ces parois; ou combien, à l’in- 
verse, sur nombre de points déjà tenus pour acquis, elle peut apporter sa 
part de petites solutions nouvelles. Voilà de petits matériaux, et je n’ai pas 
répété l’adjectif par inadvertance. C’est ainsi, on le sait de reste, que doit 
se faire la construction archéologique, par la collation de mille fragments 
dûment classifiés. 

Pourtant, tout d’abord, il semblerait que le temps n’a guère épargné la 
tombe d’Amonmos; et de fait, des abords, delà façade à portique de jadis, 
de la chapelle et du couloir, tout ce qu’il peut proposer à notre attention 
fait aujourd’hui le total de quatre parois (souvent gravement mutilées), et 
les vestiges d’une cinquième. La seule chose utile à faire, semblerait-il, à 
première vue, serait donc de lever seulement les scènes importantes et de 
négliger le reste, qui a physionomie de pure répétition de choses maintes 
fois vues. A les mieux regarder toutefois on voit quelle serait l’erreur de 
négliger les prétendues redites, s’agît- il même de la scène, si banale en 
apparence, d’un convoi funèbre, ou de la figuration du tombeau, ou de 
celle de la montagne d Occident avec son Haïthor. Chacune de ces images 
contient en fait, on le verra, quelque enseignement nouveau. Et aussi bien 
pour les panneaux de droite qui représentent, tout simplement, les épi- 
sodes ordinaires les plus marquants du culte funéraire du défunt. 

Il s’agit cependant de faire mieux que de fournir, à propos d’Amonmos, 
une série de contributions à l’établissement des variantes secondaires. Je 
crois que rien qu’en ces quatre parois, les représentations fournissent ma- 
tière à des questions d’un haut intérêt, — peut-être à sept ou huit, au 
bas mot. Gomme il en sera parlé au cours de la notice analytique qui dé- 
taillera les représentations, registre par registre, je me bornerai ici même 
à signaler brièvement les plus marquantes par leur simple énoncé : le culte 
et les têtes de l’Image Noire de la Reine Ahmos-Nofritari; celui et celles 
des cinq ou six statues, tout à fait distinctes entre elles, d’Amenhotep I er ; 

t • . 



XXX 



ie culte de Thotmès III sur la rive Ouest; l’association des cultes des fon- 
dateurs de la XVIII e dynastie à ceux qui créèrent, avec la XI e dynastie, un 
premier Empire Thébain; l’identification des Memnonia figurés ici et la 
question de l’emplacement de deux d’entre eux; la série chronologique des 
cultes funéraires des ancêtres royaux, telle que la reconnaît le canon rames- 
side; enfin, dans le domaine de l’archéologie, je citerai aussi la question des 
itinéraires des processions royales, celle des canaux qui reliaient les. Mem- 
nonia au grand Canal parallèle ou au Nil; les embarcations d’apparat des 
Temples funéraires; et surtout l’arrivée du fameux vaisseau d’Àmon, YAmon- 
Ousirhati, venant en toute sa gloire, avec ses dorures, ses mâts à bande- 
roles, ses obélisques de bois doré, s’amarrer sur la berge occidentale pour 
la « Fête de la Vallée». Sur ce point, ni les scènes de Deir-el-Médineh, 
trop mutilées W, ni le fragment d’Amonamanit, du Musée du Caire, trop 
abrégé (2) ne présentent rien de pareil comme luxe de détails. 

Voilà ce qu’on peut trouver, en gros, dans les quatre parois actuelle- 
ment gardées de la Chapelle d’Amonmos. On pense bien que son cas est 
celui, dans les Nécropoles Ramessides, de vingt autres demeurées encore 
inédites. Mon plus grand désir serait donc que les présents fascicules pus- 
sent contribuer à bien convaincre le lecteur de la nécessité qui! y a de 
publier, sans plus tarder, tant de précieux documents. Lorsque l’on se 
décidera enfin à présenter aux archéologues une série continue des tombes 
de cette époque, on n’y trouvera pas seulement les éléments d une nouvelle 
opinion, désormais étayée, sur l’art ramesside , sur le renouvellement qu’il 
a fait de nombre de thèmes anciens, sur la variété insoupçonnée des 
thèmes nouveaux qu’il a introduits, ou sur la liberté remarquable dont 
son dessin a fait usage si souvent. On y trouvera ce faisceau compact de 

d) Tombeaux de Khâbakhit, d’Apoui, de Nofirhotep III. Le fragment de bas-relief sur cal- 
caire au nom d’Amondzai provient vraisemblablement d’une chapelle de Deir-el-Médineh. Je 
l’ai acquis d’un antiquaire de Luxor, en i 932, et publié peu après dans les Monuments Piot, 

t* XXV. Un Temple flottant, . . . fig. 7 • 

(2) Publié ibicl , fig. 6 (Musée du Caire). 



1 



XXXI 



renseignements nouveaux , dont j’ai essayé de présenter ici quelques exem- 
plaires. Si je m’en fie à mes carnets de note, il y a, chiffres ronds, une 
centaine de tombes ramessides demeurées inédites. Accordons qu’une bonne 
cinquantaine puisse attendre , insignifiante ou trop ruinée. Réduisons encore, 
le reste de moitié. Croit-on que vingt-cinq bons documents, bien étudiés, 
ne constituent pas un gros appoint de connaissances en archéologie égyp- 
tienne, et qu’ils ne peuvent rien révéler de susceptible de modifier, sur 
nombre de points, notre connaissance de l’Égypte? Que l’on commence 
donc par publier les chapelles de Khonsou et d’Amonamanit, dans la 
plaine de Gournah, puis deux ou trois de la Khokha, et la démonstration 
commencera à prendre figure. Elle la prendra tout à fait lorsqu’on publiera 
enfin la tombe d’Ioumadouaït et une ou deux de Dira' Abu n-Naga, le 90 
par exemple, le 1 58 ou surtout le 1 k , un peu plus loin que notre Amonmos. 

IV 

Mais il faut bien se persuader qu’en toute cette matière une condition 
sine qua non est une publication intégrale, et qu'il ne peut plus être ques- 
tion de la méthode des excerpta qui continue à sévir. 11 n’y a pas de 
chapitre de l’histoire des tombes thébaines où elle puisse causer plus de 
malentendus et être la source de plus d’erreurs. Et si j’insiste sur ce point, 
c’est que, malheureusement, il semble que si cette méthode pouvait se 
justifier, il y a un siècle, par le manque de temps et de ressources, et 
devant l’immense terra incognita qu’était la Thèbes d’alors, on la voit per- 
sister encore trop souvent. Ces excerpta ne permettent aucune recherche 
générale, aucun travail systématique. Même les recueils les plus amples, 
et les plus étendus, — ceux de Wreszinski, par exemple, — ne permet- 
tront jamais ce genre d’enquêtes. Le luxe si abondant de ces séries artifi- 
cielles fait d’abord illusion. Dès que l’on aborde un sujet déterminé les 
déceptions s’accumulent vite. D’abord le choix est nécessairement limité 
— toujours — et dans chaque catégorie. Puis il obéit, malgré tout, aux 



XXXIÏ 



préoccupations personnelles à celui qui l’a effectué. Il s’ensuit qu’à tout 
moment, on le \oil omettre, comme négligeable ou trop connue déjà par 
ailleurs, la variante qui permettrait précisément de fixer un point douteux, 
et que vingt autres scènes, jugées par l’auteur toutes pareilles, avaient 
laissé insoluble jusqu’à cette fois-ci. Oserais-je ajouter que les méthodes de 
classement de 1 Atlas de Wreszinski ne facilitent pas beaucoup la tâche, et que 
le mode d édition des fascicules n’a pas contribué davantage à la simplifier? 
Les divisions théoriques de ces genres de recueils factices peuvent constituer 
une sorte de belle encyclopédie, très richement illustrée, de la vie égyp- 
tienne. Mais je me préoccupe ici de la documentation propre à permettre 
aux travailleurs de s’attaquer monographiquement à telle ou telle section de 
l’archéologie égyptienne. Et qu’il s’agisse de mobilier funéraire, d’architec- 
ture simulée, de jardins, de vie religieuse, de mobilier sacré, de fêtes, 
biel de tout ce que Ion voudra imaginer, je soutiens que de tels recueils 
ne font rien avancer avec surete et que, bien au contraire, ils présentent 
de jour en jour plus d’inconvénients. 

En voici d’ailleurs d’assez bons exemples, je pense, sans aller plus loin 
que la tombe même d’Amonmos. Au cours des vingt dernières années , elle 
a été citée à maintes reprises dans les publications archéologiques de Petrie, 
de Weigall, de Wreszinski, de Davies. Tantôt seulement en quelques lignes, 
et en manière de comparaison; tantôt par description d’une grande page; 
ailleurs par simples fragments de scènes reproduits sur planches composites; 
ou encore à pleines planches, avec commentaire explicatif W. Je ne voudrais 
pas énumérer ici tout ce qu’il a pu s’accumuler à ce sujet, et par la faute du 
système des excerpta, de notions erronées ou de renseignements inexacts 
et contradictoires. Et pourtant force m’est bien de citer au moins quel- 
ques cas. Ainsi sur la date de la découverte du Monument. Elle a été 
donnée comme datant de 1908 Konly recently excavatedv , dit Weigall en 
son Guide (éd. de 1 9 1 3 ) , alors que des « extraits v en étaient donnés dans 

^ Voir à la Bibliographie du Tombeau n° 19. 



XXXIII 



Champollion, Rosellini, Wilkinson et que les papiers de Hay en gardaient 
la copie presque entière. Puis, sur son âge, Petrie le place au temps 
d’Amenhotep II ( Qurneh , p. 1 1) ; et il s’étonne (à juste titre!) de trouver 
des types de vases inusités pour cette époque, ou, dans les colonnes à ban- 
deroles, un style déjà semblable à l’art amarnien; l’inventaire officiel de 
Gardiner hésite entre Ramsès I er et Séti I er ; pour Weigall et Davies, le pre- 
mier le place sous le règne de Ramsès I er , et le second, au cours des cinq 
volumes de sa publication, semble avoir maintes fois hésité avant d’en faire 
un contemporain d’Apoui. Alors que dans un coin de la paroi D', sans 
doute tenu par chacun pour trop banal, figurait un officiant qui se dit 
«Administrateur du Temple funéraire de Ramsès II». Des scènes parti- 
culièrement importantes comme l’arrivée de l’Escadre divine de Karnak 
à la région des Memnonia, ou la «Grande Sortie» de la Statue d’Amen- 
hotep au jour de la Fête des Morts, ont été ou passées sous silence, ou 
totalement méconnues quant à leur signification. Pour le Vaisseau Ousirhali 
et son escorte, Weigall y verra que les «sacred barques of Amenhotep /(sic) 
are seen taking part in some festival in honour of the God». Ou bien encore, 
Wreszinski, ayant découpé dans l’ensemble des scènes la matière de trois 
planches d 'excerpta, est obligé de les interpréter dans son texte telles 
quelles se présentent dès lors ainsi isolées. Et les résultats seront que la 
«Sortie du Temple» de la Statue d’Amenhotep est présentée (pl. 118) 
comme sortant «aus dem Grah des Amenmos»; ou bien que la «Statue 
Noire» de ThotmèsIII est donnée comme celle d’Amenhotep, et la chapelle 
hypèfhre du premier de ces deux rois comme un édifice placé entre deux 
Pylônes d’un même Memnonium; ailleurs, la plate-forme du Quai de 
débarquement du Temple et le Canal quelle domine deviennent un quai 
aboutissant au Nil lui-même, et le Temple funéraire d’Amenhotep est 
donné comme «Eingang des Empfangsgebàude am Nil». La reproduction 
intégrale des scènes du Tombeau d’Amenhotep et de trois on quatre des 
chapelles voisines contemporaines aurait suffi pour donner à l’auteur, sur 
chacun de ces points, la signification véritable. Et si Garis Davies, en 



e 



XXXIV 



publiant la tombe d’Apoui, avait pu disposer d’une série de variantes 
convenables, il n’aurait pas, dans sa restauration de l’arrivée des Trois 
Vaisseaux de la Triade Thébaine aux Memnonia, placé au pointillé des 
obélisques sur le pont des navires de Maut et de Khonsou. Il aurait vu qu’à 
Thèbes, un seul vaisseau porte, en proue et en poupe, l’insigne du Bé- 
lier, et que, seul aussi, ce navire comporte des obélisques. Ou bien Petrie, 
nous montrant un objet de culte portatif à brancards ( Qurneh , p. 12), 
une sorte de sedia, que domine à barrière une image dorée d’Épervier, en 
fait une «shrine of Horusw. C’est qu’il l’a découpée, comme objet remar- 
quable, dans la tombe de Piaav où, nous dit-il, «two parts were selected 
for copying». Juste le système d’où vient toujours tout le mal. S’il avait, 
non pas écrémé, mais étudié entièrement la seule tombe d’Amonmos, il 
aurait reconnu de suite, chez Piaay, le fameux « palanquin n d’Amen- 
hotep I er . Et d’ailleurs, ainsi isolé du reste de la scène, ce palanquin de 
Piaay, eût-il été interprété correctement, n’aurait rien appris pour l’histoire 
des cultes funéraires. C’est éclairé par le reste tle la scène que cette image 
prend sa valeur, que l’on sait pourquoi Piaay l’a fait ainsi représenter 
dans sa biographie illustrée, et pourquoi cet accessoire du culte est repré- 
senté sans l’image portative qu’il contient à l’ordinaire. Tout cela contribue 
à la fois à dénaturer l’histoire des cultes, et à empêcher l’archéologie de 
traiter l’histoire de ces pièces du Trésor des Temples. Rien n’est plus utili- 
sable si l’on se borne à nous découper ainsi des images isolées. 

J’arrête ici mes exemples. Personne ne voudra penser que si j’ai dû me 
résoudre à citer des faits précis et des titres d’ouvrages, ce puisse être pour 
la bien pauvre satisfaction de relever des renseignements ou des interpré- 
tations erronés. Je devais bien essayer de convaincre de la nécessité de re- 
noncer à la funeste méthode des excerpta et fournir des exemples. Car d’où 
proviennent, en tin de compte, autant d’erreurs si évidemment établies 
rien que par les faits matériels, sinon encore et toujours, de la méthode 
des excerpta! Des Egyptologues de valeur et de notoriété semblables n’ont 
pu se tromper que tout simplement parce qu’ils détachaient d’un ensemble 



XXXV 



un épisode qui, ainsi isolé du reste, ne se prêtait plus qu’à une interpré- 
tation également «isolée». 

Mais le mal ne s’arrête pas là. Une explication ou dix explications inex- 
actes, ne portant que sur un point secondaire d’archéologie, présentent déjà 
un inconvénient relatif. Où le préjudice devient autrement sérieux, c’est 
quand abrégées à leur tour, et sous forme d’extraits, elles vont, de citation 
en citation, grossir la masse documentaire des manuels de seconde main; 
alors le contrôle devient impossible des assertions erronées et de leur 
origine. Et ainsi se crée peu à peu, sous les apparences de faisceaux de 
preuves, une série de propositions ou d’aperçus de caractères généraux sur 
l’archéologie thébaine, où entre une somme toujours croissante d’inexacti- 
tudes, et où la recherche des sources devient plus que difficile. Pour con- 
trôler, il faut avoir la patience de remonter à ces sources, et de réviser les 
documents un à un. Mais que de temps perdu à ce travail, un temps que 
d’autres méthodes auraient pu réserver à de meilleures tâches! 

Qu’il me soit pardonné d’insister à ce point : jamais on ne dira assez le 
mal qu’ont fait sous ce rapport les selecta ou les excerpti, et les centaines 
d’assertions ou d’opinions conlrouvées qu’ils ont contribué à fortifier depuis 
un siècle et plus. Tout concourt à présenter de faux résultats apparents, 
quand on essaie de grouper et de serier comparativement des documents 
obtenus de pareille façon. Un auteur qui, en archéologie thébaine, voudrait 
prendre factuelle documentation, telle quelle se présente pour les quatre 
cinquièmes des monuments, pour édifier là-dessus une synthèse mono- 
graphique, — et cela dans n’importe quelle section de l’archéologie, — - 
risque, dès l’entrée en matière, d’arriver aux conclusions les plus fausses, 
et de s’exposer, par la suite, aux démentis matériels les plus irréfutables. 
Ou bien, mis en présence d’un problème dont les excerpta ne lui fournis- 
sent décidément aucun éclaircissement, il lui faudra se donner un mal 
infini, tenter laborieusement, et par raisonnement, de trouver une solu- 
tion, forcément hypothétique autant que fragile. Et tout cela alors que 
cette solution est souvent à deux mètres du document tronqué qu’il utilise, 



XXXVI 



ou à quelques pas de là, dans une tombe encore inédite. Il n’y a plus 
alors qu’une ressource : aller s’installer à Thèbes, et y récolter soi-même 
sa documentation. Ainsi a dû faire récemment M Ue Werbrouck. Ceci à titre 
d’exemple en passant — et certainement pas comme un cas exceptionnel. 
Passe encore s’il s’agissait de quelque archéologie toute neuve, ou d’un 
site secondaire. Mais Thèbes! Voit-on l’archéologie latine obligée d’aller 
camper à Pompéi, faute de publications adéquates? 



Aux raisons qui m’ont déterminé à choisir aujourd’hui, parmi ces sépul- 
tures ramessides, celles de Roÿ, d’Amonmos, de Panehsy et d’Amonamanit 
de préférence, j’en ajouterai enfin une dernière : le lien qui rattache les 
scènes de ces chapelles aux résultats généraux dégagés progressivement par 
les fouilles françaises du chantier de Deir-el-Médineh. La publication des 
Tombeaux n 015 1 6 et 19 est, à cet égard, une sorte d’annexe à l’histoire du 
culte d’Amenhotep I er , telle qu’elle ressort mieux chaque année des monu- 
ments déblayés ou découverts par notre Institut. 

Amonmos et sa femme étaient attachés au culte funéraire d’Amenhotep 
I er ; e L singulièrement, à l’un des édifices lui appartenant en propre (on 
me permettra de discuter à sa place la question encore si complexe de son 
Memnonium et du nom de celui-ci). Et j’ai dit, il y a quelques instants, 
tout 1 intérêt que présentait la connaissance graduelle des cultes et des 
cérémonies de la Thèbes Occidentale pour l'intelligence de cette religion 
des Memnonia et pour celle de ses rapports avec les cultes privés. Sur 
ce dernier point, il suffit de se reporter aux Rapports annuels de Bruyère, 
et aux monographies parallèles qui les accompagnent à l’occasion (le 
tombeau d’Arinofir, le sanctuaire de Marit Sogar, etc.). On s’y rend 
compte aussitôt que le site de Deir-el-Médineh, son petit temple, ses cha- 
pelles, ses stèles, son village de gens de métier groupés en corporations 
mi-laïques et mi-confréries, son cimetière, enfin, aux caveaux si particu- 
liers, constituent un quartier tout à fait à part du territoire funéraire de 



XXXVII 



Thèbes, et le plus intéressant, le plus original à tous égards qu’il puisse 
être. 

Or parmi les traits spécifiquement distinctifs de cet ensemble figurent 
en premier rang les cultes d’Amenhotep I er et de sa divine mère Ahmès No- 
fritari. Et ce sont ces cultes qui constituent précisément l’économie essen- 
tielle, l’armature, peut-on dire, de la décoration de la tombe d’Amonmos, 
comme celle du Tombeau n° 16. Mais ces cultes, ici, se distinguent pro- 
fondément de ceux de Deir-el-Médineh. L’Amenhotep I er d’Amonmos et ses 
statues ne sont pas l’Amenhotep et la statue du Djema, dont la substan-’ 

v 

tielle étude de Cerny vient de dégager, pour la première fois, la curieuse 
physionomie : celle d’un culte et d’un rôle actif liés tout spécialement à la 
vie et aux besoins des corporations ouvrières de Deir-el-Médineh. A Dira' 
Abû’n-Naga, ce sont l’Amenhotep des Memnonia et celui de Karnak. Mais 
qui ne verra combien ces différences mêmes rattachent étroitement les 
deux recherches l’une à l’autre, la connaissance des tombes d’Amonmos 
et de Panehsy h celle des chapelles de Deir-el-Médineh; associant ainsi 
le présent volume à l’œuvre générale entreprise à Thèbes par l’Institut 
français? 



Voilà certes un bien long plaidoyer «pro domo»! J'ai peut-être cette 
excuse que les tombes memphites, comme les protothébaines ou comme 
les plus anciennes du Second Empire Thébain , ont trouvé les plus éloquents 
des panégyristes, et que même les froids et élégants pastiches des scènes 
archaïsantes des Saïtes ont eu les leurs. Voire, avec G. Lefébure, l’art hel- 
lénisant des tombes de l’Age ptolémaïque. Il est accoutumé jusqu’ici de 
juger beaucoup moins favorablement les Ramessides. J’ai voulu soutenir 
qu’il y avait là, à mon sens, beaucoup d’immérité, et que cela pouvait bien 
résulter du trop petit nombre des documents publiés; pour tenter de le 
justifier dès à présent, j’ai dû donner, chemin faisant, quelques-unes de 
mes raisons. Qu’on tienne cependant pour assuré qu’il en est bien d’autres; 



XXXVITI 



et je souhaite que la suite de ces fascicules les fasse mieux apparaître à 
ce moment-là. 



Y 

Mais i! faut absolument faire vite. Pour deux raisons principales : la 
première, c’est l’énormité de ce qu’il reste encore à faire; et la seconde est 
que nous n’avons pas devant nous le temps illimité que l’on s’imaginerait. 

Quand on examine la liste des tombes publiées par Gardiner et com- 
plétée par Engelbach en 1925, et qu’on y ajoute toutes les sépultures 
officiellement enregistrées M , puis celles découvertes ensuite sur les divers 
chantiers de fouilles installés à Thèbes, on obtient une liste qui approche 
actuellement de Aoo numéros. Si, en regard de ce chilfre, on additionne 
le nombre de tombes actuellement publiées (et par ce terme il s’entend de 
tombes reproduites avec ou sans texte descriptif complet, avec ou sans 
tables et index, etc., mais intégralement ) 04 demeure stupéfait. L’admi- 
rable répertoire de Misses Mauss et Porter donnerait à penser, à première 
lecture, qu’un nombre fort important de ces monuments a été édité. Mais 
ils ont été surtout partiellement reproduits, écrémés, si l’on me passe le 
mot une fois de plus. A la vérification sur place, les proportions réelles de 
ces excerpta se réduisent d’ailleurs beaucoup trop souvent à la copie de 
quelques lignes d’un texte, à la prise d’un ou deux épisodes — (que leur 
isolement factice rend d’ailleurs ou inintelligibles ou inutilisables), à la copie 
de quelques cartouches ou à celle d’une liste onomastique; parfois même à 
une pure et simple mention, au cours d’un article ou d’une monographie. 
Les astérisques qui annotent les listes officielles du Topograpkical Cata- 
logue de Gardiner ou le Supplément d Engelbach peuvent créer d’abord 

(1 * On sait que le numérotage particulier à chaque chantier pour tes tombes trouvées (puits, 
caveaux, chapelles, etc.) peut aller aujourd'hui à plusieurs milliers. Le classement officiel n’en 
relient pour sa liste que les sépultures détenant encore, sous une forme quelconque, des ves- 
tiges archéologiques valant des mesures de conservation. 



XXXIX — 



la même illusion. En fait, ils signifient simplement «that the tomb lias 
received considération, either wliole or in part, in some publication». Mais 
quelle «considération», la plupart du temps? Ainsi, la paroi gauche du 
277 a été jadis sommairement décrite en dix pages, accompagnées de 
deux méchantes photographies? Peut-on dire que ces quelques lignes 
équivalent à f« édition» scientifique d’une tombe aussi importante à tous 
égards? J’en sais quelque chose, je pense, puisque c’est moi qui les ai ré- 
digées sur le terrain, lors de la découverte^, et pour prendre date, en 
attendant une édition réelle (pour laquelle tout est prêt depuis lors). Des 
tombes à astérisques de cette espèce , il en est par douzaines au Catalogue. 
Je prie simplement le lecteur qui aurait la curiosité — et la patience — 
de vouloir s’en assurer, de rechercher à quoi correspondent dans la réalité, 
et en fait de publications, les astérisques des dix premiers numéros. On ne 
soutiendra pourtant pas que les tombes de Khâbakhit, de Sennedjem, de 
Pashedou, constituent des documents de second ordre. 

Il y a évidemment un premier groupe de zones où il a été possible 
d’agir. A Deir-el-Médineh, grâce aux «Rapports annuels» des fouilles du 
chantier — et ce ne sera pas un des moindres services que les fouilleurs 
nous auront rendu là — le travail de publication des tombes découvertes 
avance de front avec le compte rendu des travaux de la fouille, le plan des 
terrains déblayés, les inventaires d’objets trouvés, les index, etc. Seules, 
certaines tombes particulièrement importantes ont été réservées. Mais elles 
sont ou elles vont être publiées à part. J’ai dit d’autre part, en commençant, 
combien j’aurais été désireux de procéder de même autrefois pour toute la 
série des fouilles antérieures à l’édition du premier «Rapport Préliminaire» 
— série qui correspond aux travaux exécutés, soit pendant la guerre soit 
au cours de l’immédiat après-guerre. Elle comprend toutes les tombes 
trouvées par nous à Gournet-Murrai ou à Deir-el-Médineh même, avant 
l’installation des chantiers annuels et l’édition régulière de leurs rapports. 

(1 * G. Foucart, Sur quelques représentations (—Bull. Inst. Egyptien, 1917, p. ! 2 6 3-2 7 3 ). 



XL 



Et là les photographies, les plans, les calques, les aquarelles et les notes 
de tous ceux dont j’ai cité les noms, peuvent constituer le matériel néces- 
saire à une édition quand on le voudra ou quand on le pourra. 

Et il en est de même, bien entendu, sur les autres chantiers de fouilles 
actuellement concédés, et où les mesures de conservation marchent de pair 
avec les travaux de copie. Je n’ai pas à énumérer ici les beaux travaux de 
nos collègues étrangers. 

Mais il n’en va plus ainsi quand il s’agit des zones de la nécropole dont 
les tombes ont été fouillées autrefois , ou qui sont demeurées accessibles de 
tout temps. Voilà qui fait un second groupe de monuments. Je demande 
que Ton additionne ce que représente l’ensemble des tombes du premier 
groupe, puis celui du second, et que l’on compare les deux chiffres. 

Cependant, quand je dis qu’il faut se hâter, je n’ai pas seulement en 
vue le besoin que nous avons de pouvoir enlin utiliser rationnellement un 
trésor comme aucune civilisation antique, sur aucun point de la terre, n’en 
a tenu en réserve pour la science. C’est surtout la nécessité urgente de 
sauver ce qui peut encore l’être de ce trésor. Car il semble voué à une 
prompte et irrémédiable destruction. D’année en année, j’en note avec an- 
goisse les progrès continus. Quand j’ai dit il y a un instant ce qui avait pu 
être fait pour les tombes retrouvées ou déblayées au cours de fouilles ré- 
centes, je me suis placé au point de vue de la garantie que, scientifiquement 
parlant, la documentation en était sauvée. Est-ce à dire que leur sécurité 
materielle ait pu être pareillement assurée? C’est malheureusement une 
tout autre affaire. Rien qu’à Deir-el-Médineh, il y a d’abord les tombes 
qui étaient déjà connues et ouvertes avant l’obtention de notre concession 
française; et leur préservation ressort d’autres services publics. Il y a aussi, 
dans la série même des monuments découverts par les travaux de l’Institut , 
des mesures de protection qui excèdent tout à la fois, et notre budget et 
nos pouvoirs. 



XLI 



Et en fait les mêmes dangers menacent toutes les nécropoles. Il n’y a 
pas besoin de vivre longtemps à Thèbes pour se rendre compte des risques 
constants, multiples, et pour partie irrémédiables, qui guettent toute cette 
incomparable série archéologique. Pour un moment, ne sortons pas de 
cette petite bande de terrain qui a nom Deir-el-Médineh. Que l’on com- 
pare donc l’état où était la tombe d’Apoui, quand le R. P. Scheil la copia 
(vers 1890, je crois) et celui où l’a retrouvée, en 1928, de Garis Davies. 
La destruction dépasse le trente pour cent. Est-il exact, aussi, que bien des 
tombes de Deir-el-Médineh donnent sans cesse des inquiétudes? Est-il exa- 
géré de dire qu’entre le temps où Lepsius releva les textes de la première 
chapelle de Khâbakhit et le moment présent , la destruction des parois est 
de plus d’un tiers? Je pourrais en citer encore bien d’autres. Ailleurs un 
plafond se lézarde, une paroi bombe et cédera à la première vibration un 
peu accentuée d’un sol qui semble sans cesse s’effriter sous les yeux. Plus 
loin, sans trêve, tout au long de l’année, de petits morceaux du plâtre peint 
se détachent, se résolvent en poussière. Ailleurs encore, c’est ce sous-sol si 
friable, fait de lamelles de calcaire déshydraté et qui, en travail perpétuel, 
ruine en fissures les’ crépis des caveaux. Au chevet méridional du caveau 
de Khâbakhit, un document d’ordre religieux unique au monde jusqu’ici 
(la scène du poisson Horus-Abdou de la Résurrection Osirienne) décèle 
chaque année des indices plus irrécusables d’une prochaine destruction. 

Chacun sait, au Biban-el-Harîm , la merveille unique de la décoration 
murale du Tombeau de Nofritari min-Maut. Là aussi, dans la salle du sar- 
cophage, je viens de revoir l’état de ces deux piliers dont les faces, pour 
moitié, se soulèvent des plus menaçantes boursouflures. L’enduit se hérisse, 
s’écaille. Une partie de ces incomparables fresques ne tient plus que par 
miracle. A, la moindre secousse, au plus léger choc, cela se détacherait 
incontinent et 11e serait plus que poussière. 

Naturellement, il en est de même pour les neuf dixièmes du reste des 
tombes thébaines. Il n’y a qu’à comparer, à titre d’exemple, le n° 20 
(Montouhikhopshouf) tel qu’il fut publié par Maspero et l’état actuel 



XLII 



des parois. C’est en janvier 1891 — magnum aevi spatium — que j’ai 
pris le premier contact avec l’archéologie de ces nécropoles. Grébaut 
venait de découvrir la seconde cachette de Deir-el-Bahari. Daressy et lui 
furent mes guides. Et cette initiation à la Haute-Égypte devait peu après 
décider de ma future carrière. Ce sont là circonstances où l’on apprend 
bien, et où l’on retient profondément. Certaines de ces chapelles thébaines 
me firent alors une impression assez forte pour qu’aujourd’hui encore il 
me soit possible de me rappeler très exactement quel était, à ce moinent- 
ià, l'état de conservation de telle ou telle partie de leurs parois, et de 
pouvoir dire quelles différences il présente avec l’état actuel. 

Assurément, çà et là, de très grands efforts, tous dus d’ailleurs à des 
initiatives privées, ont été faits pour conjurer le mal. Les classements sont 
d’abord à la base de toute organisation de mesures de conservation. C’est à 
Gardiner que nous devons le répertoire numéral, onomastique et topogra- 
phique des nécropoles. On sait qu’il y avait, depuis Champollion, autant 
de numérotages, ou à peu près, que d’ouvrages descriptifs des tombes. En 
identifier une avec sécurité devenait quelquefois une sorte d’opération caba- 
listique. Bénédite relevait, en ce temps-là, comment on avait emmêlé, dans 
les publications, les représentations et les textes de deux Amenhotep! Ce 
genre de confusion était perpétuel , dès que l’on avait affaire à des Amonmos, 
à des Ousirhat ou à l’un quelconque de ces homonymes dont foisonnent 
ces nécropoles. Et comme il 11’y avait non plus ni plans topographiques, ni 
tableaux numérotés des différents cimetières, on voit la manière dont il 
était possible d’aller rechercher sur place une tombe déterminée. Inutile de 
parler de ce qui pouvait se passer alors en matière do relevé d’une docu- 
mentation bibliographique. Cet état de choses a pourtant duré jusqu’au 
moment du répertoire de Gardiner. 

Il s’en faut cependant — et sans qu’on s’explique bien pourquoi — que 
tous les tombeaux thébains aient encore leur numéro (voir sur ce point 
dans la Bibliography Porter Moss, la liste Private tombs without nimber s, 
t. I, p. i 84 à 194). 



XLIII 



Et la protection des tombes elles-mêmes? 

Ici on ne dira jamais assez quelle œuvre de sauvetage — à la lettre — 
fut l’admirable organisation due à la générosité de Robert Mond. On lui 
devait déjà — en pleine Vallée des Rois — la conservation du célèbre 
plafond astronomique de la Syringe de Séti I er . Aux quartiers des nécro- 
poles (sans parler des déblaiements) la récolte minutieuse de myriades de 
fragments, détachés des murs et noyés dans les détritus du sol, assura la 
possibilité, au prix des plus patients assemblages, de reconstituer à la cen- 
taine des parois affreusement mutilées depuis un siècle, et ce autant par la 
nature que par les hommes. Des portes de clôture, des répertoires photo- 
graphiques, des restaurations, des mesures de consolidation de toutes es- 
pèces, tous les moyens furent employés dont peut disposer une initiative 
personnelle, là où il s’agit de conjurer un désastre. Et celui-ci ne serait pas 
local; il affecterait l’archéologie tout entière. Est-ce trop m’écarter de mon 
sujet que de signaler encore la toute récente restauration — qui, elle 
aussi, est l’œuvre de Robert Moud — celle qui vient de restituer, en la 
Thèbes d’Amentit, au tombeau de Ramos la physionomie désormais inté- 
grale d’un des plus magnifiques monuments, je ne dirai pas seulement de 
Thèbes, mais de toute la Vallée du Nil? Pourtant je ne puis entreprendre ici 
rénumération d’autres efforts privés, trop ignorés non seulement du grand 
public — ce qui va de soi — mais parfois des égyptologues eux-mêmes; 
l’œuvre, par exemple, due à Mrs. E. R. Andrews pour la grandiose chapelle 
d’Ioumadouaït; ou la reconstitution de Pou-m-Rà, fruit du labeur acharné 
de Davies. 

Et malgré tout, cela est bien peu au regard de l’immense sauvetage qui 
s’impose là-haut. En sorte que tout compte fait, il semble qu’une destruction 
inexorable soit le destin réservé à la majorité des tombes privées des nécro- 
poles thébaines, et ce dans beaucoup moins de temps que le peuvent 
croire ceux d’entre nous qui se contentent de visiter rapidement, une fois 
l’an an plus, une ou deux douzaines de ces tombes. 

Sur ce point, il est au reste à la portée de chacun de procéder à une 



F. 



XLIV 



expérience aussi décisive que navrante. Laissons les tombeaux thébains 
publiés. Prenons les trésors manuscrits accumulés par les grands archéolo- 
gues de la première heure, le monceau des notes, croquis et dessins, encore 
inédits, de Hay, de Burton, de Hoskins, de Wilkinson, de Nestor Lhôte, 
de Prisse, de Bonomi, les portions non publiées des expéditions Champol- 
lion-Roseliini. Grâce à l’admirable bibliographie topographique de Misses 
B. Porter et R. L. B. Moss, il sera aisé de faire choix d’une douzaine de 
tombes; de reconstituer d’abord, par la réunion de la documentation de 
tous ces manuscrits, l’état où étaient ces tombes il y a cent ans environ. 
Puis, ceci fait, de photographier les parois de ces mêmes tombeaux en 
leur état actuel. La comparaison est trop effrayante pour souffrir aucun 
commentaire. 

Qui aura procédé à cette expérience, et pris comme base la Bibliography 
Porter Moss y aura fait, par surcroît, une seconde constatation non moins 
affligeante. Il y aura trouvé la triste liste — la longueur en est imposante : 
dix pages — des tombes qu’on n’a su ou pu numéroter. Où sont-elles? une 
partie est à redécouvrir sous les monceaux d’éboulis ou de déblais. Soit du 
fait de la nature du terrain, soit aussi parce quelles ont été jadis cachées 
par inadvertance, au cours de cette chasse aux monuments que l’on quali- 
fierait malaisément du nom de fouilles aujourd’hui. C’était l’époque — elle 
n est pas si loin — où fouiller une nécropole consistait surtout à taire des 
trous à tort et à travers, en rejetant les déblais aux abords immédiats. Mais 
plus nombreuses encore sont les tombes qui ont disparu à jamais, depuis 
ce temps-là, du fait, comme le remarque judicieusement Y Introductory 
Note (p. xn), qu’elles ont été purement et simplement détruites, et que 
« nothing remained ol fine reliefs copied a centurv ago by Hay, Burton, 
Wilkinson and Rosellini n. 

Mais qu’est-il besoin d aller chercher des exemples plus loin que la tombe 
même d’Amonmos dont voici présentement l’édition? 

Entre le moment où Champollion, Rosellini et Hay connurent et 
copièrent des extraits en cette chapelle, et celui où elle fut exhumée à 



XLV 



nouveau aux débuts de ce siècle, esl-il de démonstration plus saisissante 
de ce qui s’est passé que de considérer alternativement les copies de Hay et 
celles de M lle Baud? Ici, c’est la destruction à peu près totale de la scène du 
départ de l’image de Nofritari sortant de son temple; un peu plus haut, 
c’est l’épisode le plus intéressant de l’arrivée de l’escadre divine de Karnak 
à la Fête de la Vallée qui n’existe plus; à la paroi suivante, toute la liste 
des rois a disparu, ainsi que l’arrivée de deux statues d’Amenhotep au 
bord du Canal; plus haut, le petit temple de Thotmès III et la conti- 
nuation de la scène sont devenus quasi inintelligibles. Et ainsi de suite. 
Cette fois, il ne s’agit plus de la perte d’une scène agricole ou d’une chasse 
au boomerang, ou d’une table d’offrandes. Que l’on tienne pour bien 
assuré qu’il en est ainsi un peu partout. Pourquoi la tombe d’Amonmos 
serait-elle plus exposée qu’une autre? 

Ni l’admirable activité de Baraize ni ses courageuses initiatives n’y peu- 
vent mais. Que pourrait le labeur le plus acharné d’un homme, s’il lui 
faut à lui seul assumer la tâche écrasante d’entretenir et de réparer tout 

ce qu’une Égypte peut compter de monuments anciens de la Méditerranée 

* 

à Abou-Simbel — les Oasis y comprises? Et que peuvent donc quelques 
semaines par an, là où il faudrait lutter à longueur d’année? Mackay en a 
su quelque chose, au temps où le geste de Robert Mond vint assurer, pour 
quelque temps au moins, le salut des Nécropoles thébaines. 

A ce péril, les portes et les clôtures (à supposer d’ailleurs que toutes les 
tombes en possèdent, — et en bon état — ce qui est loin d’être le cas) 
ne feront pas grand’cliose. Quelles mesures pourrait-on prendre, et quelle 
organisation pourrait encore sauver ce qui subsiste encore, voilà qui n’est 
plus mon sujet. Pas plus que de rechercher les causes ou les responsabi- 
lités, passées ou présentes. Ceci n’est plus seulement hors de mon sujet. 
C’est une matière qui vaut la peine d’être étudiée quelque autre jour, et à 
part. Elle mérite mieux que quelques lignes jetées incidemment à propos 
de l’édition d’un volume. Elle intéresse l’archéologie tout entière — et elle 
déborde peut-être au delà du domaine égyptien. 



XLVI 



Aussi bien est-il très loin de mes intentions de transformer les remarques 
que voici en une manière de constat. Mon sujet présent n’est pas de traiter 
de la destruction fatale des tombes thébaines; il est la nécessité de procéder 
rapidement à leur publication. H fallait bien pourtant en donner les raisons, 
et Fune d’elles est précisément cette destruction. Je l’ai signalée, et voilà 
tout. Si j’ai saisi cette occasion pour jeter un cri d’alarme, c’est que dans 
quelque temps il sera trop tard, et que je crois avoir assez d’années de 
terrain égyptien et assez d’expérience technique en la matière pour avoir le 
droit de le faire. J’en ai le devoir aussi, ma conscience m’en assure. Com- 
bien sommes-nous à pouvoir le faire librement? Combien sommes-nous du 
métier à pouvoir revoir à l’aise, chaque année, l’ensemble de ces nécropoles; 
et combien ont été à même d’y revenir pendant plus de vingt années, et de 
pouvoir ainsi noter pas à pas les progrès du mal? Je n’ai eu ici qu’un 
souci : attirer l’attention; et qu’un but : tâcher — si jamais ceci pouvait 
être entendu — de contribuer à provoquer les mesures qui peuvent encore 
être prises. Pourquoi insister? Ceux qui devaient lire comprendre m’ont 
déjà compris. Et les mots qui conféreraient aux autres le don de la com- 
préhension sont hors de mon pouvoir. 

Mon remerciement doit aller avant tout aux deux collaborateurs et amis 
dont le nom figure en tête du présent volume, et qui ont accepté de colla- 
borer à ce premier essai de reprendre les Tombes Thébaines de notre série 
Française. Leur modestie souffrirait, si je rappelais ici même tout ce que je 
leur dois. Je ne saurais toutefois omettre le cordial souvenir que je désire 
adresser à ceux qui ont travaillé aux premiers relevés : MM. Boussac, 
Gauthier, Kuentz, Lecomte-Dunouy. Grâce à eux — et les circonstances 
étaient alors singulièrement défavorables, — ont été réunis les relevés, 
textes, dessins ou aquarelles, qui constituent le matériel de ces futurs vo- 
lumes, dont je souhaiterais si fort voir annoncer la prochaine publication. 

Je livre cette petite description de quatre tombes à ceux qu’intéresse 



XLVII 



l’archéologie de notre Tlièbes Occidentale, ayant tenté de justifier la façon 
dont elle leur était présentée. Je leur ai demandé l’indulgence et pour la 
modestie de ta reproduction matérielle — j’en ai donné les raisons d’ordre 
financier — et pour la modestie plus grande encore des documents com- 
paratifs. Ceci s’adresse, comme dans nos vieux livres, ad lectorem candidum ; 
et après lui avoir donc dit : Vale, comme il convient, je souhaite que l’Ins- 
titut Français puisse publier le plus vite possible une bonne série de fasci- 
cules de cette seconde série des Tombes Thébaines. 



George Foucart. 



TOMBES THÉBAINES. 



NÉCROPOLE DE DIRÂ' ABÛN-NÂGA. 



LE TOMBEAU D’AMONMOS 

(TOMBEAU N” 19) 

PAR 

GEORGE FOUCART. 



I. — AVANCÉES DE LA CHAPELLE ET SA COUR. 

Dans l’état actuel du terrain, il n’a été possible de donner aucune descrip- 
tion ni, par conséquent, de proposer aucune restauration (1) pour les avancées; 
notamment pour la cour en briques et les quelques traces encore visibles de 
constructions annexes, ainsi que pour la cavité située au Nord de la cour. Ces 
éléments de la tombe ramesside seront traités dans la description du Tombeau 
277. Le portique, la Pyramide et la stèle, ainsi que la décoration hypothétique 

U) Le tombeau d’Amonmos, ayant été fouillé par d autres et étant situé hors de la concession 
de l’Institut français d’Archéologie orientale du Caire, a été décrit ici tel qu’il se présentait au 
moment de la copie (1923). La révision faite par le présent rédacteur, en mars ig 33 , assure qu il 
était exactement dans le même état à la susdite date. Les abords de la chapelle, pour faire l’objet 
d’un examen critique, voudraient un nettoyage complet. Il en est de même pour le couloir qui suit 
la première chambre, pour les puits successifs, et les altérations subies postérieurement par la 
dernière partie du couloir, a gauche. La présente description est ainsi limitée a la première piece, 
et à la constatation pure et simple, pour les différentes parties du reste, de l’aspect quelles pré- 
sentent aujourd’hui. 



Mémoires } t. LVIL 



1 



2 



G. FOUCART. 



de la paroi extérieure de la chapelle d’Amonmos seront examinés ici-même, à 
propos du registre 1 de la paroi D, où le dessinateur antique en a figuré une 
représentation. 

Le plan-croquis annexé à la présente notice descriptive (fig. 1) n’est destiné 
qu’à faciliter l’intelligence de l’emplacement général des scènes. Les plans 
définitifs, avec les mesures, seront joints au fascicule des reproductions photo- 
graphiques, dans la mesure où il aura été possible de procéder ou faire 
procéder, entre temps, aux déblaiements indispensables. 



IL ÉBRASEMENTS A A'. 

Il ne reste pas la moindre trace du cadre de la porte, non plus que du 
logement de ses gonds. 

Le plafond, intact, sera décrit avec celui de la chambre 1. 

Les parois A A' correspondant à l’épaisseur de l’ébrasement sont entièrement 
détruites. 



PAROI B. 

Comme les parois C et D, et ainsi qu’il résulte des Mesures comparées des 
fragments, elle comprenait jadis trois registres. Elle est à peu près entièrement 
détruite aujourd’hui, à l’exception d’un minuscule fragment de quelques centi- 
mètres carrés et de deux petits morceaux. 

Le premier est situé tout en haut près de la porte, et immédiatement en 
dessous de huit |. seul vestige de la frise murale (fig. 2). On y distingue en- 
core la figuration d’un long uræus stylisé et allongé, aux multiples anneaux 
lovés verticalement. C’est le motif usuel de nombre d’édifices simulés, avec 
colonnettes et épistyles conventionnels, et destinés à exprimer l’idée de Palais ou 
de Sanctuaire divin. Cette présomption s’accorde avec la couleur uniquement 
jaune de cet uræus, couleur ordinairement employée en pareille occurrence 
pour exprimer un motif doré s’enlevant sur champ en haut-relief. 

A l’autre extrémité de la paroi et tout en bas, touchant à un assez long 
débris de la bordure extérieure de cadre (fig. 3 ), un fragment de panneau 
plus étendu nous a gardé les débris de deux registres. Celui d’en bas nous 
laisse encore voir, assise sur le siège léger à pieds de. lion, la figure incomplète 




Fig. i . — Plan-croquis du dispositif des scènes 
(la numération des registres est de bas en haut). 
Échelle ; ^ 









TOMBES TH ÉBA1NES. 3 

de la femme d’Amonmos mbl . Elle est coiffée de la lourde perruque à 
longues retombées et à courtes franges terminales que surmonte le soi-disant 
recône thébain » et la fleur de lotus à longue tige. La perruque s’orne à la hau- 
teur des tempes d’une large applique (?) de couleur successivement vert-pâle, 
blanche et rouge; mais la place correspondant à la figuration partielle du grand 
pendentif d’oreille est aujourd’hui détruite. De la toilette d'apparat, on distingue 
encore un collier à franges 
oblongues, une partie de la 
robe de cérémonie à plis 
gauffrés et un pan d’échar- 
pe(?), terminée par une fran- 
ge, et qui retombe en ar- 
rière du siège. Tous les dé- 
tails de ce que l’on peut 
encore distinguer de cet ha- 
billement de mu Pré- 
sentent avec ceux quelle 
porte dans les scènes funé- 
raires des parois de droite 
(B' G' D') plusieurs diffé- 
rences notables. Elles seront 
signalées au cours de l’essai 
de reconstitution de la pa- 
roi B. 

Im médiatement au-dessus, sur un socle à moulures peint en blanc, s’élèvent 
deux doubles montants, celui de droite de couleur blanche et celui de gauche 
figuré jaune d’or. L’un et l’autre sont traités de la façon usitée à cette époque : 
à l’extérieur, le double trait vertical; un aulre divisant à l’intérieur le montant 
en deux parties égales; et de distance en distance, sur toute la hauteur, la 
pseudo-ligature des architectures feintes, faite de trois traits rouges horizon- 
taux. 

On distingue encore, à gauche, quelques lignes d’un motif traité comme le 
sont habituellement les indications conventionnelles de la partie inférieure d’une 
paroi d édifice. Le tout correspond aux représentations habituelles de même type 
destinées à traduire une construction de pierre (supposée en calcaire blanc), 
à 1 intérieur de laquelle se dresse la cella, le naos du dieu ou la salle du Trône 
d’un Boi. 




Fig. 2. — Paroi B. Fragment du registre supérieur, extrémité gauche. 

Echelle : 7 



h 



G. FOUCART. 



La restauration hypothétique de la paroi B, sur le vu de trois aussi miséra- 
bles débris, et en application de la méthode de Yex pede Herculetn, suppose, au 
préalable, l’examen complet des thèmes encore visibles dans le reste de la cha- 
pelle, et ne sera proposée qu’à la fin de la présente notice descriptive. 



PAROI C. 

Elle se compose, comme les deux autres parois de la partie gauche de cette 
chambre, de trois registres. 

Il n’y a aucun lien entre le registre inférieur et les deux autres. Le registre 1 , 
en G et en D, est entièrement consacré aux funérailles d’Amonmos et de sa 
femme, tandis que les registres 2 et B, sur les deux parois, sont occupés par 
des scènes se rapportant à la biographie du défunt. Cette dyssymétrie avec les 
parois du côté droit de la chapelle, toutes trois traitées en deux registres, mar- 
que un déplacement sur le dispositif ordinaire des chapelles en T de la XVIII e 
Dynastie, où les scènes relatives aux funérailles sont placées de préférence dans 
le couloir succédant à la salle d’entrée. Il n'est en rien particulier à la Chapelle 
d’Amonmos. On le retrouve dans la majorité des chapelles ramessides; et celles 
qui ont encore le plan en T réservent le plus souvent le couloir à des scènes 
d’outre monde, telles que les Heures de la Nuit (ainsi le Tombeau 65=Iouma- 
douaït), les livres des Portes, des Arit. . . ou bien à des vignettes inspirées de 
divers chapitres de la version thébaine du Livre des Morts (l h Le résultat a été de 
reporter nécessairement les scènes des funérailles dans la première chambre; ou 
encore, faute d’emplacement convenable, dans les dépendances souterraines du 
caveau mortuaire (par exemple à Deir el Medineh); et ce transfert matériel a eu 
le plus souvent pour conséquence une grande compression des représenta- 
tions du cortège funèbre et des cérémonies accomplies au Tombeau. Quant au 
côté choisi par le décorateur pour y loger son abrégé, aucune règle fixe ne se 
dégage encore des chapelles examinées; il y a pourtant, pour chaque cas 
particulier, une raison qui ressort de 1 examen de la composition générale, et 
jamais l’emplacement n’est déterminé par le caprice de l’artiste, comme il sem- 
blerait d’abord. D’une façon très relative (et contredite en fait par de très 

W Dans les grandes lombes en T de l’époque ramesside appartenant à la catégorie la plus 
somplueuse, ces figurations se bornent quelquefois à se superposer à la scène du convoi (e.g . , T. 23 , 
i 48 , 222 etc.). Celle-ci garde alors sa place habituelle, dans la paroi gauche du couloir, mais à 
l'ordinaire refoulée en bas du panneau. 



TOMBES THÉBAINES. 



5 




nombreuses exceptions apparentes ) on constate que le décorateur obéit encore, 
dans la majorité des cas, à la vieille division fondée sur le symbolisme de la 
gauche, signifiant l'Est et la Vie (et par extension, l'existence terrestre), et de 
la droite voulant dire l'Ouest 
(et par conséquent, la Mort, 
avec ce qui est au delà du plan : 
terrestre). Les funérailles, com- 
me se passant en ce bas mon- 
de, sont rattachées aux scènes 
de cette vie d’ici bas, dont elles 
sont l'acte suprême; elles vien- 
nent donc s'insérer plutôt à 
gauche, avec les scènes de ca- 
ractère professionnel ou bio- 
graphique. 

Ainsi introduites dans l’éco- 
nomie générale de ces scènes du 






type biographique, les figura- 
tions ramessides de funérailles 
(quoique toujours sous réserve 
des très nombreuses 1 exceptions 
de fait) observent également en 
leur nouvelle place les règles 
des emplacements rr honoris 
causa». Ce qui est en bas est 
personnel au défunt (vie fami- 
liale, funérailles, calendrier de 
la tombe). Ce qui est en haut 
se réfère à la vie des Rois 
ou des Dieux, considérés sous 
l’aspect qui y mêle les fonctions f%. 3. 

ou la carrière du défunt. De la 
même façon procédaient, au 

reste, dans les scènes biographiques de la XVIII e Dynastie, les épisodes des 
registres supérieurs, ceux qui associaient la vie du défunt à la figure du Roi ou 
du Dieu, ou à défaut de leur image directe, à la représentation des choses qui 
relèvent de la Couronne ou du Temple. On les superposait aux autres en 



Paroi B. Débris de droite des registres i et 2. 
Échelle : 7 



6 



G. FOUCART. 



conséquence. Un Menna, par exemple (= Tombeau 69) réservera pour le 
registre supérieur, dans les scènes agricoles, la vision des champs de blé qu’il 
mesure, parce que ce sont ceux « du Seigneur des Deux Terres» dont il est 
l’arpenteur en chef. 



Des différences multiples distinguent les scènes de funérailles des chapelles 
ou des couloirs dans les tombes ramessides des scènes équivalentes figurées 
dans les chapelles de la XVIII e Dynastie. Sans parler, bien entendu, de ce qui 
se rattache à l’exécution matérielle : couleurs, styles, dessin ou composition 
technique générale. Les différences portent à la fois sur les emplacements 
occupés, sur l’importance proportionnelle des thèmes dans l’économie générale 
de la décoration, sur les thèmes eux-mêmes, et sur l’absence de tel élément 
de détail ou sur l’introduction de tel autre. Il s’èn faut cependant que l’évolu- 
tion se soit faite sur un rythme de progression égale et continue, ni que les 
changements, considérés un à un, se soient affirmés partout à la fois. Si ces 
modifications traduisent un travail interne des données eschatologiques, c’est-à- 
dire une évolution de caractère dogmatique; ou si elles tiennent à des causes 
purement matérielles: ou si elles dépendent des deux raisons à la fois est une 
question d importance. Une vue systématique du sujet nécessitera donc avant 
tout l’organisation de séries comparatives. 

«En dégageant les variantes organiques du chaos des variantes accidentelles, 
on arrivera à séparer, s’il y a lieu, les différentes versions du même chapitre, 
à constater les altérations que les textes sacrés ont éprouvées dès les temps 
anciens, et peut-être à retrouver dans ses altéra lions la trace des révolutions 
dont 1 antique Égypte eut tant à souffrir». (Maspero, Mémoire sur quelques papyrus 
du Louvre = Notices et extraits des Manuscrits de la Bibliothèque Nationale, t. XXIV, 
impartie, p. 1 h). 

Mutalis mutandis, le travail à faire ici repose sur les mêmes directives, qu’il 
s’agisse de textes religieux ou de représentations, religieuses également. Mais 
les documents ramessides publiés ne sont pas encore en assez grand nombre. 
Partir dun type moyen, pouvant servir ensuite de base aux comparaisons suc- 
cessives apparaît de bonne méthode. Les scènes funéraires d’Amonmos ont 
semblé réunir à la fois assez de traits communs à la tradition de la XVIII e Dy- 
nastie, et assez d innovations ramessides pour tenir ce rôle, au moins provisoi- 
rement. Il convient, pour commencer, de situer le présent registre d’Amonmos 
à sa place dans le répertoire iconographique de la décoration thébaine: seul 



TOMBES THÉBAINES. 



7 



moyen d’en déterminer l'importance relative, en la comparant an rang qu’il 
pouvait tenir auparavant (1) . 



Considérées dans leur ensemble et dans leur but, les scènes des funérailles 
égyptiennes peuvent théoriquement comporter, en gros, huit classes de repré- 
sentations : le moment du décès et de l’enlèvement du corps; la préparation de 
celui-ci et celle de son matériel funéraire; le départ du convoi de la maison 
mortuaire; la traversée du Nil et la route menant à la région des nécropoles; 
le chemin par la zone désertique jusqu’à la tombe; les divers services funèbres 
célébrés devant la chapelle; la descente du corps au caveau; et enfin l’arrivée 
des Survivances humaines à la frontière de l'autre monde. 

La première catégorie, que l’on appellera ici, pour plus de commodité, le 
chapitre i, n’est, pour ainsi dire, jamais figurée dans les scènes du temps (2) . Du 
moment même de la mort, du tumulte de Cris, de hurlements, de gestes 
désordonnés qu’il déchaîne à la maison et dans les rues avoisinantes, c’est par 
les dires des classiques (cf. Hérodote, II, 85) que nous savons quelque peu. Et 
s’il s’agit de la levée du corps, c’esL à quelques tombes memphites de la VI e Dy- 
nastie (celles de la Rue de Tombeaux de Saqqarah, par exemple^, ou celles 

W L’exposé théorique de la tombe Ihébaine typique de la XVIII e Dynastie a été présenté pour la 
première fois en son ensemble par Davies-Gardiner, The Tomb of Amenemhêt (n° 82) dans le premier 
mémoire des Theban Tombs Sériés (191 5 ). Quoiqu’il n’ait pas été traité comme tel, mais énoncé a 
propos de la notice descriptive de cette tombe, et par conséquent sous une forme fragmentaire, 
il n’en constitue pas moins le recueil auquel il convient de ramener, jusqu’à nouvel ordre, les divers 
points de la théorie examinés dans les publications de tombes thébaines de la même période édi- 
tées ultérieurement, soit en cette même série, soit dans les autres. 

Il n’apparaît point en effet qu’un autre essai systématique pouvant faire autorité ait été repris 
depuis. C’est en conséquence à la publication de Davies-Gardiner que le lecteur voudra bien se 
référer ici, pour apprécier les différences essentielles qui séparentla composition type de la tombe 
ramesside de celle de la tombe thébaine de la XVIII e Dynastie. Gomme celle de Gardiner également, 
la présente notice descriptive ne se propose pas un exposé théorique doctrinal, mais une première 
délimitation du sujet. 

l2} Gardiner ( Tomb of Amenemhêt, p. 45 ) dit qu’elle est représentée une seule fois a sa connais- 
sance. C’est à Saqqarah (=Bissing, Denkm. Æg. Sculpt., pi. 18 B.). Mais là encore, comme dans 
les scènes citées ici même, au reste, la question à préciser sera de déterminer si ces scènes de 
désespoir correspondent au moment du décès ou au départ du convoi de la maison mortuaire. Un 
exemple à la fois beaucoup plus typique et mieux assuré est la scène, encore unique en son genre, 
qui figure dans la vallée des Tombes Royales de Tell-El-Amarna (=Bouriant, Jéqitier, Legrain, 
Monuments . . , , pi. VI et VII). On peut y voir Khou-ni-Aton et la Reine se lamentant devant le 
corps de la princesse Makit-Aton gisant inerte sur le lit de repos. 

E . g. au Tombeau de Scsi, salle des piliers, à droite de Rentrée (=Capart, Rue de 



8 



G. FOUCART. 



édifiées à Gizeh, en avant de la Pyramide de Khoufou) (,) qu’il faut remonter 
pour les représentations les plus caractéristiques. Comme aujourd’hui encore, 
la veuve et les enfants y accomplissent les rites obligatoires du désespoir : leurs 
cheveux dénoués, les femmes veulent lacérer leurs vêtements; elles gesticulent, 
elles crient leur misère, elles s’affaissent de douleur, cependant que les servantes 
les soutiennent et les retiennent de se précipiter sur le cercueil qui quitte la 
demeure. Ces transports de chagrin, que le cérémonial thébain va transposer 
dans les scènes du convoi, mais en les réservant presque toujours aux fem- 
mes ( 2) , les bas-reliefs memphites nous les montrent accordés aux hommes aussi, 
et plus libéralement encore. Ils se frappent la tête, la couvrent de poussière, 
arrachent l’appareil de leur coiffure, rampent à genoux en sanglotant, s’af- 
faissent sur le sol. Il faut les relever, les soutenir et les embrasser. On se 
tromperait donc en attribuant à l’art thébain, comme on le fait à l’ordinaire, 
la création des scènes de cette catégorie; ou bien en en cherchant les causes, 
à l’exemple de Davies, dans un changement soit des mœurs, soit encore des 
concepts artistiques. Les ateliers de Thèbes n’ont fait là-dessus que reprendre 
le thème, l’élargir et le disposer matériellement d’une autre façon. 

Après le moment de la mort, vient le chapitre n (3) . Il embrasse la période 
comprenant théoriquement tout ce qui peut se passer entre le moment du décès 
et le jour des funérailles; et par conséquent, tout ce qui a trait à la préparation 
de celles-ci. Les représentations picturales des tombes sont ici très instructives; et 

Tombeaux) , et dans les scènes encore non reproduites du célèbre Tombeau de Mera (Grande Salle 
des Piliers, paroi sud, près de la porte principale). 

(U D'après des photographies inédites que le D r Reisner a bien voulu nous communiquer. Nous 
le prions de vouloir bien trouver ici tout notre remerciement. 

Cf. cependant Wilkinson, Manners and Customs (Ed. 1837), 1. 1, p. a56, fig. n° 7. 

( 3 ) Les divisions conventionnelles en chapitres, sections, subdivisions, paragraphes, etc., em- 
ployées parfois ici, correspondent à un répertoire-type encore manuscrit, qui fut employé pour le 
levé de la documentation dans les nécropoles thébaines. Pour un classement méthodique des élé- 
ments comparatifs et des variantes, une série type factice, comprenant toutes les représentations 
possibles, relevées ou à relever dans les tombes, avait alors fourni un répertoire conventionnelle- 
ment divisé par classes de sujets, et aussi rationnellement qu’il était possible. Le tout a été muni 
d’un numérotage correspondant à chacun des sujets, mille en tout, chiffres ronds, le premier nu- 
méro, comme souvent en muséographie, correspondant à lindice initial d’une catégorie. Notre but 
était d’obtenir pour l’iconographie thébaine ce que des procédés conventionnels analogues ont pu 
donner pour un «Livre des Morts n, par exemple, ou pour tout autre formulaire funéraire. Le 
numérotage ne signifiait rien ici même, et il a été supprimé. On a gardé certains intitulés ou 
certaines dénominations factices des chapitres ou sections. Non pas comme assertions de caractère 
dogmatique, mais uniquement en vue de favoriser ultérieurement le classement des variantes, si la 
suite de cette publication venait à adopter le procédé. 



TOMBES THÉBAINES. 



9 



les deux époques s’y distinguent par de notables différences. Et d’abord pour le 
matériel funéraire. Si l’on y inclut limage du tombeau lui-même, on ne trou- 
vera pas à Thèbes de scènes décrivant l’exécution de ses divers éléments, pas 
plus que l’apport des matériaux de sa construction. Il faut remonter aux ateliers 
memphites de la VI e Dynastie pour trouver quelques figurations qui en appro- 
chent, et encore l’expriment-elles par procédés très conventionnels. C’est que 
l’achèvement de la tombe est tenu pour valablement traduit à l’aide d’autres 
moyens, dont le plus commun est la représentation du culte de la chapelle, 
ou, plus tard, de cette chapelle elle-même, figurée terminée avec son por- 
tique, sa pyramide, sa stèle et quelquefois même un peu de ses avancées. 
Telle, par exemple, celle qu’en donne ici même le peintre d’Amonmos (voir la 
description de la paroi D, registre 1). Une telle image, placée à la fin d’une 
scène d’office mortuaire, a semblé exprimer suffisamment l’assertion que le dé- 
funt possédait bien une maison d’éternité. Mais on notera que c’est surtout à 
dater de la fin de la XVIII e Dynastie que cette représentation tend à devenir de 
règle. Durant la plus grande partie de la XVIII e , l’image de la tombe est encore 
le plus souvent absente; ou bien encore elle se place hors des scènes de funé- 
railles; e.g., à propos des «agapes?) (ainsi au Tombeau 69=Menna). La géné- 
ralisation, à l’époque ramesside, de la figuration du tombeau placée à la fin de 
la scène des funérailles n’est donc pas la continuation d’une longue tradition, 
mais, au contraire, Je développement d’une innovation dont 1 examen de la 
scène totale justifiera les causes, le moment venu (voir plus loin, à la fin de 
la description de la paroi D). 

Pour ce qui se rapporte au corps lui-même, il est remarquable que les dessi- 
nateurs se soient abstenus de toute représentation ayant trait aux manipulations 
immédiates qu’il subissait sur l'heure, et pour lesquelles le témoignage des 
classiques reste encore l’unique documentation écrite; documentation que vien- 
nent plus ou moins confirmer, d’ailleurs, les constatations matérielles faites 
aujourd’hui sur les momies de diverses catégories (I) . Ni donc le travail macabre 

W II ri y a pas de raison pour les soupçonner ici d'erreur. La durée de préparation de l'embau- 
mement, et le chiffre de 70 jours qu'ils ont rapporté ont été souvent contestés. Leur exactitude en 
la matière est corroborée de la manière la plus irréfutable, au moins pour l'époque, par le texte 
formel de la stèle de Tohouti disant : «tes 70 jours ont été accomplis dans la place de l'embaume- 
ment r> Ce texte, traduit une première fois par Gardiner dans sa « Tomb of Âmenhemhët , p. 56 

(cf. également ibid p. 73), a été publié a nouveau en 1932 dans Davies, Studios presented lo F. LL. 
Griffith, p. 289, avec la possibilité de traduire «ton soixante dixième jour, etc...-» ce qui ne 
change rien au sens général. Cf. également Griffith, Stories oj the High Priests . . . , p. 2q-3o. 
L’inscription de la tombe princièrede Miri-s-Ankhou ( IV e Dynastie) découverte par Reisner à Gizeli, 



Mémoires, t. LVI1. 



3 



10 



G. FGUCART. 



du paraschiste, ni le transport du cadavre sur la rive Ouest au quartier des 
Taricheutes (l) , ni les macérations et le travail des spécialistes sur les chairs et 
les organes internes, ni le retour du corps, dûment préparé, à la maison mor- 
tuaire, d’où il repartira en grande pompe au jour des funérailles; rien de tout 
cela n’est traité autrement que par allusion, par détails fugitifs, et qu’il faut 
glaner tombe par tombe De tout cet ensemble, nous ne possédons que de 

eu 1929, montre qu’en certaines circonstances, le délai enlre le décès el la mise au tombeau pou- 
vait s’augmenter indéfiniment, en dehors de tout traitement afférent h la dépouille mortelle. 

{l) Le transport à la maison de la préparai ion des corps est peut-être figuré à Meir dans la tombe 
de Papi-Ankhou. Pour ce qui concerne Thèbes, tout cet ensemble est encore très mal connu, et 
justifie les réserves de Gardiner. On ne sait à quel rite ou à quel cérémonial donnait lieu le 
transport du corps après le décès au quartier des embaumeurs. 11 en est de même pour le relour 
de la momie de la maison de 1 embaumement, ou de la chapelle provisoire, a la maison mortuaire, 
en vue des funérailles solennelles. Cf. infra, p. i 1 , note 1. La scène d’Amon-am-hati commentée 
par Gardiner ( Tomb of Amenemhêt, pl. XXIV et p. 69) est d’une signification fort sujette à doute, 
et l’hésitation du commentateur est très justifiée. On y voit, à droite, une offrande d’un énorme 
monceau de pains ronds au couple défunt, scène traitée dans ie style ordinaire; à gauche, sur le 
lit osirien, une momie repose sous une sorte de dais, qui peut être une image conventionnelle 
de chapelle. Devant, deux femmes, les cheveux dénoués et retombant en avant, s’avancent vers ce 
naos(?) dans l’alLilude des lamentations osiriennes. Gardiner a cité comme éléments comparatifs 
la chapelle d’Anena (= t. 81), dont l’image est donnée par Wilkinson* série II, p. 383 , fig. 4g2. 
(=Edition Birch, III, 4 s 8 , n° 62/1). La question est de savoir si les deux scènes sont liées. La 
momie semble bien être, non pas une figuration d’Osiris, mais celle d’Amon-am-hali , du fait qu’il 
y a, placé sous le lit, un choix d objets de mobilier personnel. D’autre part, si, comme Gardiner 
le signale, cette figuration des deux pleureuses est tout à fait exceptionnelle dans une tombe privée, 
il conviendrait de tenir compte qu’elle est empruntée à l’iconographie ordinaire du rituel osirien. 
Ainsi elle figure dans la chapelle (encore inédite) de la chambre d’Osiris au temple funéraire de 
Gournah ( notes prises à Thèbes). Comme, d’autre part, il semble bien que le corps momifié est celui 
du délunt et non d Osiris, le seul moyen d interpréter la scène comme une image du ^ J (ou d’un 
cr deposi Loire n analogue a celui du tombeau d’Apouy) est de séparer les deux scènes du registre. 
Si on les considéré comme dépendant l’une de 1 autre, il semble préférable de voir alors dans le 
motif de droite une scène dans le type ordinaire du calendrier funéraire. Celle de droite serait en 
ce cas l’illustration de ce qui se laisail ce jour là : un rituel copié sur celui de l’Osiris d’Abydos, 
et 1 édifice conventionnel y est un abrégé de l image du caveau. Les deux femmes qui se lamentent 
et sinclinenl, la chevelure dénouée, jouaient alors, dans la chapelle, un de ces épisodes de carac- 
tère dramatique, encore si fréquents dans tout le répertoire des funérailles de la XVIII e Dynastie, 
et qui disparaissent aux abords de la XIX e (ci. infra, fin du texte descriptif de la paroi C'). Quant 
à l’identifier, on propose ici, et rien de plus, d’y reconnaître la fête ccdes deux iucanlatrices», du 
calendrier de Nolirhotep. 

En dehors des témoignages fournis par les classiques, on possède tout juste quelques rensei- 
gnements sur les locaux où avaient lieu toutes les opérations. On sait seulement le nom de Pi - 
Nofir des bâtiments (voir, e. g . , le texte de la stèle de Tehouti, où le corps du défunt séjourne 
70 jours Cl. Davies-Gardineb, Tomb of Amenemhêt, p. 73, et note 2 = pl.XXlX, 

1 . 47, renvoyant à ce sujet à la stèle C i 5 du Louvre, et aux contrats de Syout, V, 1 . 20). Les bas- 



TOMBES THÉBA1NES. 



H 



menus épisodes partiellement enregistrés par les vieux répertoires archéologi- 
ques de Champollion, Rosellini ou Wilkinson, mais parfois sans indications pré- 
cises de provenance. Beaucoup viennent de tombes encore privées de rééditions 
modernes, ou disparues à présent. Le tout se réfère, pris en gros, mais sans 
liaisons aucunes, à la préparation des canopes ou au transport du corps dans 
les ateliers (1) . 

A la différence du traitement purement matériel du corps, la préparation 
rituelle en a été graduellement figurée, à partir de la XIX e Dynastie, avec plus de 
détails ( ‘ 2) . Elle constitue le commentaire pictural de ces rituels de l’embaumement 
étudiés pour la première fois par Maspero ( Notices et eæti'ails. . . , t. XXIV, Mé- 
moire sur quelques papyrus du Musée du Louvre ), et qui ont trait, non pas à la 
préparation du cadavre, mais à sa transformation religieuse en un corps osirien. 
C’est donc à l’époque ramesside que ces scènes reçoivent leur plus intéressant 
développement, quoique l'examen des très rares façades de chapelle de la XVIII e 
Dynastie encore préservées ou déblayées permette d’en retrouver l’embryon dès 
cette époque, par exemple aux Tombeaux 07 et 1/18. Elles sont néanmoins loin 
de valoir celles du Tombeau 106 (=Psarou), contemporain de Ramsès II. 
Le type du Tombeau 2 3 (=Dzaï), contemporain de Menephtah, est le plus 
complet de ceux actuellement publiés (voir WitESziNSkr, Atlas, pl. 12/1). Les 
quatre médaillons qui y détaillent la préparation du linceul, des bandelettes 
funéraires et des onctions montrent, par surcroît, à chacune des quatre scènes, 
l’indication de l’édifice où s’accomplissaient ces préparations, de ses chambres 
et de ses portes. Une telle scène, à la période ramesside, devient comme une 

reliefs de Dzaï (=T. â 3 )*n’en donnent que des indications conventionnelles sous forme de 
plan d’enceintes rectangulaires, avec la figuration de la porte. Pour la possibilité de l’image du 
Pi-Nofir dans Apouy, voir la note ci-dessous. Sauf erreur, il y en aurait au moins une représenta- 
tion thébaine qui n’a pas encore été remarquée : celle de ce grand portail en forme d'aile de Pylône, 
avec porte centrale et, au-dessus d'elle, l’indication en grands caractères : ^ J (cf. Wilkinson, Man- 
ners and Customs , éd. 1837, t. II, p. i^ 3 , fig. ni» Tombe, aujourd’hui perdue, de Miri-Maàït). 
La Tombe inédite 295 appartient à un sam du Pi-Nofir. (Cf, appendice.) 

On voit au Tombeau d’Apouy l’indication d’une sorte de dépositoire au quartier des Tari- 
cheutes (?), et d’une cérémonie célébrée à la levée du corps, transporté directement ensuite à la 
chapelle du Tombeau, Mais entre la description de Scheil, toujours trop sujette à réserves, et 
l'édition de Davies, presque toute la scène a disparu. Le seul fragment encore visible en 1 9 3 3 (et 
fort menacé lui-même) ne garde plus que l'extrémité droite de la scène (l’édifice mortuaire) et 11e 
permet que des conjectures sur la restauration proposée par Davies, Two ramesside Tombs , pl. XXVIII 
et p. 49, 73. 

Gardiner, Tomb of Amenemhël, p. 45 note de son côté qu’on ne la voit pas avant la XIX e 
Dynastie. 



12 



G. FOUCART. 



contre-partie de la stèle osirienne. Elle sera donc placée à l’ordinaire, et comme 
elle, sur la façade extérieure de la chapelle (t) . C’est ce qui explique sa rareté 
actuelle, et pourquoi elle a disparu de la chapelle d’Amonmos, comme de 
presque toutes les contemporaines de celle-ci (voir la note placée au début de 
la présente description, et ce qui est dit au registre D des façades de ces 
chapelles). Des traces de scènes similaires ne manquent pourtant pas dans la 
série des tombes ramessides encore inédites de l’Assassif ou de Dira' Abû’n- 
Naga, et aux abords du Deir-el-Bakhit. Cette importance croissante attachée 
à la préparation osirienne de la dépouille mortelle^ coïncide, en même temps, 
avec la diminution progressive des scènes de préparation des objets du mobilier 
funéraire. 

Celles-ci, à l’ordinaire si copieusement traitées et sous toutes les formes pos- 
sibles durant la XVIII e Dynastie, se contractent et s’éliminent graduellement, 
au profit des scènes du type biographique ou de l’illustration empruntée aux 
« Livres » funéraires. Là où elles persistent, elles tendent à se limiter de plus en 
plus à la fabrication de l’appareil proprement mortuaire, et non plus à l’illusion 
de la vie terrestre. Le défilé du mobilier d’Amonmos permettra de mieux pré- 
ciser dans un moment cette constatation préliminaire. 



Toutes ces opérations achevées nous mènent au temps des obsèques. Laissons 
celles-ci un instant pour considérer l’autre extrémité du drame funèbre. Ici le 
groupe de scènes, théoriquement encore, devra se composer des actes ultimes 
qui suivent la fin du service, quand sont accomplis l’office de l’ouverture de 
la bouche, la première oblation et les suprêmes adieux aux morts. De tout ce 
dernier acte, qui s’ouvre par la descente du corps au caveau, il n’existe encore 
en Thèbes, sauf erreur, qu’une unique représentation connue, et publiée; elle 
aussi est ramesside. C’est celle de la Tombe 277 (= Amon-Am-Anit), trouvée 
en 1916 par l’Institut français du Caire, à Gournet Mourrai (Fouilles Lecomte 
Dunouy. Voir au Bulletin de l ’ Institut d’Egypte, 1916, G. Foucart, Sur quelques 

W Quelquefois cependant dans la première chambre. Par exemple, au Tombeau ht (=Âmon- 
am-Apit), également au reste de la XIX e Dynastie. (Cf. Càilliaud, Arts et métiers , pi. 8, et Rosel- 
lini , Mon . Civ . 9 126, 1-6), ainsi qu'au T. h 9 ( = Nofirhotep); cf. Wilkinson, Manners and Customs , 
t. III, p. 1 83 , n° 368 . 

të) Les rites derniers et le transport des momies dans un naos au Pi Nofir, en attendant le jour 
des obsèques ont été confondus dans les représentations (<?. g., au T. 78) avec le rituel de TOu- 
verture de la bouche. Cette question, des plus complexes, sera donc examinée à propos de ce rituel, 
a la description de la Paroi D, reg. 1. 



TOMBES THÉBAINES. 13 

r 

représentations. . . , p. 263 et pi. II). Egalement très exceptionnelle comme com- 
position murale (1) , mais bien connue par toutes les vignettes des papyrus 
ramessides, figure au même tombeau le caveau, avec le lit osirien, le cercueil 
et l’âme oiseau prenant son vol. 

Le passage de la survivance à forme humaine dans le monde de l’an delà 
marque le terme extrême de ce qui, dans le récit pictographique des funé- 
railles, peut être rattaché à celui-ci. A partir de là, les scènes vont être trans- 
portées dans le cadre du monde divin. Ici encore, c’est à la dernière période 
de la XVIII e Dynastie qu’apparait, çà et là, le thème de l’Haïthor accueillant le 
ou les défunts, thème qui prendra toute son extension à la période ramesside 
et deviendra, avec la Nouit-Arbre, un des motifs canoniques de la décoration 
du temps. Ainsi, comme pour les actes des débuts, c’est encore la tombe 
ramesside qui, sans créer les thèmes, puisqu’ils apparaissent à Thèbes un peu 
avant, leur donne une importance croissante; et comme tous se rattachent 
directement, en apparence, à la donnée du drame osirien, ces constatations 
convergentes sont inutiles à commenter pour l’instant. 



Les deux séries d’actes du début et de la fin ainsi délimités, reste au centre 
le groupe compact des scènes correspondant au jour des funérailles, et à tout 
ce qui se passe depuis le départ de la maison mortuaire jusqu’à la fin de la 
célébration des cérémonies de la chapelle du Tombeau. Le vieux formulaire 
français de nos «faire-part» donne fort exactement la définition de ces scènes, 
en nous invitant aux «convoi, service, et enterrement». 

Le schéma complet de la XVIII e Dynastie lui consacre trois actes, ceux qui, 
dans la numération factice ici adoptée, sont respectivement le quatrième, le 
cinquième et le sixième. Celui qui vient en tête des trois prend la momie à son 
départ de la Thèbes des vivants, lui fait traverser le Nil et la mène jusqu’au 
désert. Le suivant nous la montre de la lisière du sol désertique en la région 
des Memnonia jusqu’à l’arrivée au cimetière; le dernier nous fait assister, devant 
la chapelle du Tombeau, à tout ce qui précède la descente du corps au caveau. 
Là également, la chapelle ramesside décèle de nombreuses modifications dans 
le répertoire ordinaire de l’iconographie tombale* 21 , et les deux registres qu’y 
a consacrés le décorateur d’Amonmos en contiennent les plus marquantes. 

W Cf. îe calendrier de Noiïrhotep, publié par Benédite, Mission du Caire, t. V, fasc. 3, pl. III et 

p. 5 1 8 ff. 

Ceci s’entend de la règle ordinaire. Elle comporte en toutes ces matières de nombreuses 



14 



G. FOUCART. 



Reprenons le premier. La traversée du Nil a tenu, dès les premières mani- 
festations de l'art funéraire, une place parfois prépondérante dans l’expression 
symbolique du passage de l’être humain dans l’au delà. Les ateliers du Second 
Empire thébain l'ont gardée quelquefois au cours de la XVIII e Dynastie (1) , mais 
sans en tirer grand’chose, à l’ordinaire, en fait de développements plastiques. 
D’ailleurs, une visite aux tombes de l’époque montre qu’en fait, le thème n’a 
été que peu employé. L’opinion toute contraire paraît prévaloir généralement 
dans les manuels ou les traités d’archéologie. Elle paraît due pour le moins 
à deux faits : d’une part, à la faveur qui répandit un peu partout, et de bonne 
heure, le célèbre convoi fluvial de Nofirhotep (cf. infra), et sembla le présen- 
ter comme un exemplaire typique d’un thème au reste courant; d’autre part, 
aux nombreuses descriptions trop sommaires de tombes parues jadis. Démunies 
d’illustrations et même de copies des textes, elles présentaient comme des 
retraversées du Nil» par le convoi mortuaire des scènes de navigation mystique 
appartenant en fait aux «Mystères», si ce n’était, tout simplement, au «Voyage 
à Abydos». Pareille confusion a persisté longtemps parla suite, puisqu’on peut 
la retrouver jusque dans les descriptions de demi-vulgarisation de Weigall. 
Elle se reflète encore dans les premières recherches archéologiques de Maspero 
(Eludes Egyptiennes , t. II), qui n’avait pu encore, à cette*date, consulter direc- 
tement les monuments. Elle surprend davantage dans des publications comme 
celles des «Tombes Thébaines», où la description par Scheil (= Mission ... , 
t. V) de la tombe de Paari établit par un bon exemple la manière dont a pu se 
former l’opinion courante en la matière. L’épisode bien connu du «voyage à 
Abydos» y est placé au-dessous des scènes de l’« Ouverture de la Bouche» et de 
celles du convoi terrestre : le tout correspond, en cette paroi, à l’assertion 
d’un culte funéraire bien établi, dont le registre ù et final aboutit à l’arrivée 
des défunts devant Osiris. Ce voyage à Abydos y est indiqué de la façon la plus 
classique : l’aller et le retour, chaque fois à deux navires : celui de remorque 
et celui où trônent les images du couple défunt. Il est muni par ailleurs d’un 
long texte, un des plus explicites de la nécropole. Le tout, cependant, a été 
donné comme une représentation de quatre navires constituant le convoi funèbre 



exceptions, ainsi que Gardiner Ta fait très nettement remarquer à propos des scènes de la XVIII e 
Dynastie ( Tomb of Amenemhët, p. 46 ). Il ne s agit donc pas ici de formuler des propositions de 
caractère didactique, mais seulement des indications de caractère pratique. La vérification par 
tombeau montrera d'ailleurs que, malgré toutes les exceptions, de telles indications se vérifient 
exactes, au bilan final, pour la majorité des cas. 
tl) e. g., T. 176. 



TOMBES TIJÉBAINES. 



15 



qui traverse le Nil, avant que le cortège nous soit montré sur les chemins 
désertiques. Aucune figure ni aucune copie d’inscription n’accompagnant le 
texte descriptif, le lecteur doit bien s'en tenir à l’assertion qui lui est 
énoncée. 

Fait notable à signaler, c’est cependant sur le tard de cette XVIII e Dynastie, 
avec les «Deux Sculpteurs» (Tombeau 181), et aux débuts de la XIX e , avec le 
célèbre morceau de Nofirhotep B (Tombeau Aq) que ce thème, jusques là traité 
d’une manière assez monotone, sait donner tout son éclat. A aucun autre mo- 
ment les ateliers des nécropoles n’ont su créer de pareilles compositions. Elles 
méritent de figurer dans toute histoire de l’art égyptien au répertoire de ses 
chefs-d’œuvre. Les scènes de Nofirhotep ont été popularisées de bonne heure 
par Champollion, Rosellini et Wilkinson. Il s’en faut cependant que ces repro- 
ductions donnent, et même de fort loin, l'idée de la réalité pour le dessin. Il 
n’est même pas question du coloris. D’autre part, il a fallu l’œuvre de Davies 
pour présenter l image enfin exacte du dessin, comme de la couleur de «la 
Traversée du Nil» dans la chapelle d’Apouki et de Nibamôn. 

Ce renouvellement si éclatant d’une donnée jusqu’ici traitée avec une plate 
honnêteté, digne des tombes protothébaines, laisserait pronostiquer pour l’art 
ramesside la matière de féconds et heureux développements. Force est bien de 
constater sur le terrain qu’aucune chapelle n’a donné par la suite rien de pareil. 
C’est que la cause de cet épanouissement apparent, d'ailleurs aussi brusque que 
passager, du tableau de la Traversée du Nil à cette époque n’a pas été, à y 
bien regarder, le résultat de nouvelles données sur la décoration générale de 
la tombe et sur le répertoire type quelle doit exprimer. Les morceaux excep- 
tionnels de Nofirhotep ou des «Deux Sculpteurs» peuvent sembler continuer 
la série chronologique d’un thème qui remontait aux Memphites, au même 
titre que les immuables félicités de la pêche au harpon et de la chasse au 
boomerang. La continuation de la tradition n’est qu’illusoire. Les siècles 
n’avaient fait que diminuer lentement la valeur religieuse du symbolisme du 
lleuve traversé et du navire mortuaire. (Fêtait sur l’acte du traînage, sur le 
traîneau *3= et ses vertus mystiques' 11 , avec des raffinements d’allitérations 
entre ^n= et Atoum, que la symbolique avait tendance à se fixer. 

Le décorateur de la chapelle d’Apouki et de Nibamôn, et, après lui, celui de 
Nofirhotep, ont donc repris une fois de plus, en apparence, la donnée du lleuve 
que l’on traverse en allant vers l’Ouest. Mais s'ils lui ont donné soudain toute 

B) Cf. e . g. 7 au rituel de IV Ouverture de la Bouche au chapitre 3o (adjuration aux quatre 
Enfants d’Horus). 



16 



G. FOUCART. 



cette mise en scène magnifique, il est remarquable que cela fut au détriment 
de la scène du convoi terrestre. La leur est toute étriquée, à cette place même 
au moins. Or la cause de ce renversement des valeurs est dû, chaque fois, à 
des motifs d’ordre tout personnel, et, par conséquent, très accidentels. Ainsi 
Nofirhotep, directeur des services administratifs de Karnak, a voulu attester la 
partie la plus frappante de la magnificence de ses obsèques : ces deux navires 
de luxe que le Temple avait équipés pour la cérémonie. Et, détail significatif, 
c’est sur le pont de ces navires qu’il a reportés fort ingénieusement toute une 
partie du défilé réglementaire, à l’ordinaire figuré dans l’itinéraire terrestre : 
le mobilier du tombeau, les bouquets et leurs porteurs, les pleureuses, et enfin 
ces w notables » groupés en corps constitués, avec leurs grandes cannes d’apparat 
à la main, et qui forment partout le tableau final des convois funèbres. Le tout 
est d’ailleurs traité de la façon la plus conventionnelle et n’a aucunement l’inten- 
tion de chercher à reproduire le spectacle de la réalité. C’est à un motif «ad 
pompam et ostentationem » que nous devons le luxe exceptionnel de cette scène. 
Mais ce n’est pas sur le vu de ces deux magnifiques exceptions que l’on peut 
juger 1 art thébain moyen en matière de «Traversée du Nil». Et il semble que 
sur ce point, la popularité des scènes de Nofirhotep ait créé en archéologie 
une idée assez surfaite de son originalité et de sa richesse accoutumées. 

La traversée du Nil disparait donc peu à peu, et le répertoire chronologique 
des tombes enregistre les phases de cette disparition graduelle, quoiqu’elle 
réapparaisse sporadiquement 511 jusqu’aux abords de la XXII e Dynastie sur un 
coin de quelque paroi, mais le plus ordinairement dans des vignettes de 
papyrus ou sur 1 imagerie abrégée des cercueils. Pas plus qu’aux tombeaux de 
Roy, et de Panehsy, on ne la trouvera dans la chapelle d’Àmonmos. 

Qu elle soit absente de la nécropole de Deir el Medineh a été expliqué par le 
fait que les défunts, ayant tous habité le rrDimî», leur convoi n avait eu qu’à 
suivre un peu de sente désertique pour arriver à la tombe 521 : ce qui n’est au 
reste pas certain pour quelques-uns, qui avaient probablement service et domi- 
cile à Thèbes même. Mais une telle explication n'est plus valable pour tous les 
tombeaux ramessides des autres nécropoles. Elle est acceptable, sans plus, pour 
un Roy. Encore plausible pour un Amonmos ou un Âmon-am-Anit, chefs du culte 
d’un Memnonion, et peut-être logés dans les dépendances ou, tout au moins, 
sur les terrains ouest du «Wakf» du Temple. Elle est déjà fort douteuse pour 
un Ousirhati (Tombe 5i) ou un Nakhti Amon (Tombe Bài). Elle est démentie 

511 T- A A (?) , 5 A (?) , 1 3 3 (?) , 1 38 , î 4 î , 169, 2 5 g. Pour tes trois premiers, voir infra, à l'appendice. 

t' 2 * Voir Bruyère, dans Mémoires I. F. A. O., t. L1V, p, 1 5 (Tombe de Nakhti Minou). 



TOMBES TIIÉBAINES. 



17 



par les titres et les fonctions de tous ceux qui devaient habiter sur la rive Est. 
La lente disparition de la «traversée du fleuve» doit donc être cherchée 
ailleurs. On a dit que c’était par économie d’emplacement, et ce n’est là qu’une 
tautologie, puisqu’elle revient à se demander pourquoi, à surface égale, la 
tombe ramesside n’a pas cherché à trouver cet emplacement que l’époque pré- 
cédente lui réservait, et pourquoi elle a préféré le réserver à d'autres sujets. 
L atelier ramesside aurait pu en effet, comme pour la donnée du voyage à 
Abydos, la condenser en predella ou en un médaillon devenu presque un motif 
stylisé (par exemple au Tombeau 2 76); ou faire, pour cette traversée, des abrégés 
comme ceux que la XVIII e Dynastie a imaginés pour la pêche au harpon et la 
chasse au boomerang. Elle ne l’a pas tenté. Si bien que le fait matériel suppose 
a priori des raisons d’ordre immatériel qui ont fait regarder ce passage du 
fleuve comme n ayant pas, à tout le moins, la même valeur que les scènes 
nouvelles. Et nous remarquerons en effet que dans les deux exemples cité plus 
haut de Nofirhotep et des «Deux Sculpteurs», ce qui est représenté est la tra- 
versée du fleuve, au sens concret, et qu’il n’y a plus trace du symbolisme qui 
attachait jadis à cet épisode la valeur d’une imitation d’un acte de la légende 
divine. Cette constatation préliminaire ainsi délimitée dès ici, les causes essen- 
tielles se dégageront plus clairement, par la suite, de l’examen des autres parois, 
et seront ainsi plus utilement examinées à ce propos. 

A la traversée du fleuve, la plupart des tombes ont fait succéder directe- 
ment, sur les parois, la scène du transport sur traîneau. Elles laissent donc 
entier le problème de l’itinéraire de la traversée de la campagne de la rive 
occidentale thébaine. Les scènes des chapelles, qui reproduisent à la centaine 
des actes de procession funèbre sur le fleuve et dans le désert, ne nous 
ont jamais expliqué comment on passait de l’un à l’autre. On a présenté là- 
dessus plusieurs systèmes. Plus particulièrement on a supposé des canaux 
menant du Nil aux Nécropoles; aux Memnonia, par exemple. Il aurait fallu, en 
pareil cas, une nouvelle flottille, et de dimensions plus petites; car il ne peut 
être question de faire naviguer sur des canaux les navires que l’on voit employés 
à passer le fleuve. Mais jamais 011 ne la voit représenter. Il suffit d’ailleurs 
de réfléchir que de fin janvier à la fin juillet, à notre époque, il n’y a plus un 
pouce d’eau courante dans les canaux. C’est supposer que l’ancienne Égypte 
avait trouvé le moyen, par des prodiges dont nous avons perdu le secret, 
d’avoir un réseau de voies d’eau navigables toute l’année (1) . Supposer que le 

<■> Voi r ci-après, aux canaux des Temples Funéraires (paroi D, registre 2). 

Mémoires , t. LVII. 



3 



18 



G. FOUCART. 



hâlage sur traîneau, tel qu'il est figuré, correspond, du Nil au tombeau, à la 
totalité du transport par voie terrestre lèverait toute difficulté, s'il y avait, com- 
me de nos jours, des routes et des ponts dans les campagnes thébaines. Mais 
on ne connaît pas de figuration d’un pont égyptien, et faute de ponts, une 
route du Nil au désert à travers les irrigations se conçoit très mal. Il n’y a pas 
besoin de remonter loin dans le moderne passé de la Thèbes de nos jours pour 
y trouver la date de la première route. Il y a moins de vingt ans, de mauvais 
sentiers, coupés à trois reprises par des bras secondaires du Nil ou par des 
canaux latéraux d’irrigation, y constituaient alors l’unique moyen de communi- 
cation. Il y a peu d’apparence que la campagne de la Thèbes Ramesside fût 
mieux pourvue. De plus, à s’en fier aux scènes peintes dans ses tombeaux, elle 
possédait encore, soit en lisière du désert, soit en pleine terre d’alluvion, des 
terrains marécageux, des «pâtis», des «birkehs», où l’on chassait, où Ion 
pêchait, et où l’on récoltait les produits en roseaux et en papyrus des grands 
fourrés aquatiques, semblables à ceux, très réduits, que l’on trouve encore 
ça et là en Haute-Egypte. Le reste était coupé de mille canaux ou ruisseaux 
d’irrigation, de fossés et de rigoles. On voit mal circuler par tout ce terrain 
des cortèges comme ceux décrits sur les murs de nos chapelles, et des traîneaux 
chargés de toutes leurs superstructures. Eût-on usé, comme de nos jours, du 
moyen qui consiste à entailler les berges de descente latérales pour franchir 
les canaux desséchés que la question deviendrait alors celle de comprendre 
comment l’on passait, quand c’était le temps des six mois de l'inondation et 
des canaux bien remplis. Des traîneaux comme ceux des catafalques n’auraient 
jamais passé, ou n’auraient pas résisté longtemps à de pareils passages. Sup- 
poser les cercueils debout sur des traîneaux de taille réduite est à peine plus 
satisfaisant. Une image d’Har-m-habi nous montre deux cercueils ainsi traînés, 
probablement au quartier des Taricheutes; et l’un d’eux manque de tomber, 
au moment où un employé du personnel funéraire le retient de tout son effort. 

On a proposé aussi à plusieurs reprises la solution d'une route lointaine, 
commune à toutes les nécropoles, arrivant au Nil en un point où il n’y a plus 
de branches secondaires ni d’irrigation. La question n’est pas celle des distances 
à parcourir. Elles n’effraient point en Egypte, où les cimetières modernes sont 
parfois à plusieurs heures de route des agglomérations des vivants. Le cime- 
tière copte de Luxor moderne, à la lisière du désert oriental, en est un bon 
exemple. Mais c’est le vu de la carte qui montre que rien d’un tel dispositif ne 
pouvait, pas plus qu’aujourd’hui, exister en face de Thèbes. 

Bruyère semble donc avoir raison de supposer que les grands défilés luné- 



TOMBES THÉBAINES. 



19 



raires des scènes thébaines ne s’organisaient qu’à la limite des terrains déser- 
tiques, et qu’entre ces terrains et le Nil, au catafalque et à tout ce qui allait sur 
traîneau, on substituait le transport sur brancards portés à la façon de ceux des 
baris. C’est-à-dire, tout compte fait, exactement ce qu’avaient représenté jadis 
les scènes memphites ou une partie des scènes prototbébaines. L’examen du 
transport des baris et des statues divines ou royales aux Memnonia fournira 
bientôt, par les scènes de la chapelle d’Amonmos, plusieurs preuves nouvelles 
qu’il en était bien ainsi. Les scènes de funérailles jointes aux scènes de proces- 
sions s’éclairent ainsi mutuellement et apportent finalement un témoignage de 
poids dans le débat, toujours si discuté, des fameux «canaux» des Memnonia 
(voir à la description de la Paroi C, registre 3 ). 

Ce transport par portage sur brancards figure bien, effectivement, dans un 
assez grand nombre de tombeaux; mais on note aussitôt que là où il apparaît, il 
est ordinairement seul figuré, isolément au moins (1) . Et l’on trouve bien un assez 
grand nombre de convois représentés de cette façon exclusive; mais l’examen 
des scènes de Deir el Medineh tend à établir qu elles se rapportent, non pas 
à la traversée de la zone cultivée, mais aux parties des cimetières ou, en raison 
de l’altitude ou de la nature du terrain, il fallait renoncer au traînage, dételer 
les bœufs, et poser le catafalque sur pavois et brancards. C’est dans certaines 
scènes de cercueils thébains, devenus comme des abrégés des représentations 
murales, que l’on trouvera à l’occasion quelques indications sur la succession 
des modes de transport (par exemple, le cercueil d’Ankhou-s-ni-Maout du 
Musée du Caire, n° 29675. Voir à ce sujet Bruyère, dans les Mémoires. . 

t. LIV, p . 1 5 ). 

Cette suppression habituelle d’une telle section des funérailles paraît tenir 
à la raison que ce fragment du transport n’avait pas, ou plus, aux yeux du 
compositeur, la valeur symbolique du départ du monde de l'Est, que marquait 

W Quelquefois, eu effet, intervient une combinaison assez ingénieuse. Ainsi, au tombeau de 
Nakhti B(=n° 161 ), Faction principale est réservée au portage à brancards. Le catafalque en forme 
débarqué est placé sur pavois, tandis que les quatre bœufs, répartis en deux fdes, et figurés à plus 
petite échelle, sont censés tirer sur leurs câbles. La scène, aujourd’hui détruite, est reproduite dans 
la copie en couleurs du Tombeau de Nakhti au Musée de Bruxelles, exécutée par M lle Baud d’après 
le manuscrit de Hay. Le même procédé fictif se retrouve au tombeau inédit de Pa-hon-Notir (= 
T. 284), et avec les bœufs également répartis en deux files superposées. Tel encore le T. 3 G 1 
(== Nakhli~Amon) dont la situation topographique écarte toute supposition de la nécessité de rem- 
placer le hâlage par le portage. Une autre combinaison ingénieuse, en cas de représentation des 
deux convois d’un couple défunt, consiste à attribuer au premier l’épisode du hâlage à traîneau, 
et au second celui du portage à brancards. Le procédé sera examiné à propos du service funèbre 
décrit au registre 1 de la paroi D. 



3 . 



20 



G. FOUCART. 



la traversée du fleuve, ni celle de l'arrivée en Amentit, que signifie le traînage 
au désert, ni enfin celui de terme ultime du voyage, que peut signifier le por- 
tage à bras jusqu’à la tombe. Il ne permettait non plus aucun déploiement de 
la pompe funéraire. Le trajet par des sentiers étroits, les descentes de fossés, les 
traversées de canaux, tout cela devait se faire en désordre, avec pas mal d’efforts 
et de cris (l) . 

Nous avons là en passant une petite preuve de plus de ce caractère toujours 
si conventionnel de la figuration égyptienne. Elle ne cherche pas à reproduire 
le tableau d’une réalité. Elle prend seulement en celle-ci ce qui lui paraît indis- 
pensable pour étayer une affirmation. 



Les deux premières étapes accomplies, le convoi funèbre avait à franchir le 
terrain désertique qui s’étend des cultures à l’emplacement du tombeau. Ici, le 
transport comprenait pratiquement deux sections, de longueur respective très 
inégales, suivant chaque cas particulier; celle du début pouvait embrasser à 
peu près tout le parcours, à quelques pas près; la suivante était constituée par 
la partie sinueuse ou montante inaccessible à la traction par traîneau, et pouvait 
correspondre en certains cas à un assez long parcours! Des deux épisodes, et 
pour toute la période thébaine, le premier a constitué la représentation par 
excellence de l’accomplissement des rites funèbres du convoi, et ce pour les 
mêmes raisons qui suppriment la figuration du convoi à travers les campagnes. 

W C'était seulement arrivé au terrain désertique que le cortège définitif pouvait s'organiser; et 
il est même probable que de là seulement s'ébranlaient les diverses sections du convoi : les pleu- 
reuses, les hâleurs à rôle symbolique, les « grands w, etc. N’oublions pas, au reste, que la traversée 
de la zone cultivée était sensiblement plus courte que de nos jours, ce qui diminuait beaucoup l'im- 
portance que pouvait en avoir la représentation décrivant tout ce voyage. Les calculs ou les suppo- 
sitions qui ont trait aux trajets du Nil aux Nécropoles, processions divines ou cortèges funèbres, 
s'établissent trop souvent comme si la campagne thébaine d’aujourd'hui était celle des XVIII e ou 
XIX e Dynasties. C'est oublier qu'un rehaussement de 3 m. 5o du plan d’une vallée, lorsqu’elle a 
en face d'elle un relief comme celui de la banquette thébaine qui court le long de l'Assassif suffit 
à modifier profondément la largeur des terres d'alluvion. II y a aujourd'hui, à yoI d'oiseau, A,ioo 
mètres du Temple de Luxor à la lisière du sol désertique. Les Colosses de Memnon qui, par défi- 
nition, devaient être dresses dans le sable, et avoir devant eux une certaine lisière de désert, sont 
aujourd'hui à plus de 5oo mètres dans les cultures. Aux abords de Gournah et du Ramesseum, des 
constatations analogues reportent à 4oo ou 5oo mètres au moins plus près du fleuve la limite de 
jadis des terres cultivables. Somme toute, à l’Ouest du Nil, et compte tenu d'abord de la largeur 
du tleuve, puis des bancs de sable et des rgezirehs» qui s'étalent toujours sur rie courant mort» 
(celui qui, du Caire à Assouân, tantôt à droite et tantôt à gauche, s'oppose toujours au ^courant 
vif w), la zone des champs et des pâtis ne devait pas dépasser 2 kilomètres en moyenne. 



TOMBES THÊBAINES. 



21 



C’est donc elle qu’a choisie le décorateur de la chapelle d’Amonmos. Cependant, 
là encore, l’étude des tombes postérieures à la XVIII e Dynastie révélera une 
proportion chronologiquement croissante de scènes où, à l’image du transport 
par traîneau, se substitue celle qui vient la dernière, et nous montre le cata- 
falque placé sur son simulacre de barque osirienne, et porté au tombeau sur des 
brancards. L’emploi d’une telle substitution (car il ne s’agit plus d’une scène 
complémentaire s’ajoutant, comme au Tombeau 90, par exemple, à celle de la 
traction sur traîneau), peut s’expliquer à la rigueur, à Deir el Medineh, par 
les conditions particulières à cette nécropole et déjà signalées, la plupart des 
familles propriétaires des tombes habitant à quelques pas de là. 11 est même 
fort possible qu’en raison de cette proximité, le cortège ait parcouru tout l’iti- 
néraire en usant seulement du portage à brancards. Encore cette explication 
concorde-t-elle de début assez mal avec ce fait que d’autres convois de la 
même époque, représentés également à Deir el Medineh et pour d’autres habi- 
tants de Ylsit Maâït de même condition sociale, aient préféré la représentation 
traditionnelle du convoi à traîneau (1) . Mais la chose est encore moins aisée à 
admettre en fait d’explication, quand il s’agit de gens qui ont leurs tombes 
dans les autres cimetières et qui n habitaient certainement pas à proximité. 
Par exemple un dignitaire de l’« autel de Piamsès IL? comme Nakhti-Amon 
(= Tombeau 3Ai). D'autres raisons que celles d’une imitation pure et simple 
de la réalité se soupçonnent dès lors une fois de plus, et la présomption s’ac- 
croît, dès que I on compare entre elles ces scènes de portage au brancard. Si 
l’on examine les particularités nouvelles que comporte leur figuration, 011 
notera, par exemple, les bandelettes de deuil des porteurs, celles des hommes 
qui simulent, en tenant deux câbles parallèles, une traction fictive devenue un 
simple rite (voir plus loin, à la scène du hâlage d’Amonmos). La suite de ces 
notices, consacrée à d’autres chapelles ramessides, tentera d’établir que la 
scène du portage à brancards (e. g. aux Tombeaux 3 o et 3 Ai) obéit alors au 
désir de montrer un aspect nouveau et religieusement très important des funé- 
railles, de plus en plus conçues comme une répétition du drame osirien. Les 
acteurs, protagonistes ou comparses, y apparaîtront peut-être mieux alors sous 
les traits de membres d’une association religieuse, corporation ou confrérie, 
ayant pour Patron 1 Osiris Amenhotep, engendré par son Père Amon. Les 
archives mortuaires de Deir el Medineh pourront nous dire alors si, à côté de 
leurs groupements professionnels, les gens du Dirnî n’ont pas été les membres 

(1) Cf. infra, après la description du lidlage à la corde. 



22 



G. FOUCART. 



importants d'une telle association, avec tout ce qu’elle peut comporter d'ana- 
logies avec une des confréries demi-laïques de notre histoire, Pénitents ou 
autres. 

Finalement, et située ainsi à sa place dans la série totale théorique, la scène 
d’Ainonmos, sur les quatre scènes possibles dans la représentation d’un convoi 
funèbre : le Nil, les campagnes, le désert, la montée au tombeau, exclut la pre- 
mière (quel qu'en soit le motif pour l instant), et ce à l imitation de la majorité 
des figurations de même époque. Elle omet la seconde, comme cela a été fait 
presque toujours et de tout temps; et des deux dernières scènes, elle s’en tient 
encore à la troisième. 

Le registre inférieur de la paroi G a donc été exclusivement consacré au V e 
acte (1) , celui du convoi dans la zone désertique. 

Autant que les éléments comparatifs de la nécropole permettent d’en juger, 
le décorateur de la XVIII e Dynastie partageait celui-ci ou en cinq ou en six 
groupements : le défilé du mobilier funéraire; le cercueil sous le catafalque du 
traîneau, accompagné du coffre anoubien et des officiants ou comparses obli- 
gatoires de l’enterrement rituel; les membres de la famille, le cortège des 
invités; celui des corps constitués ou des corporations dont le défunt faisait 
partie; enfin, plus tard, le groupe dit des «pleureuses». Hors le défilé du 
mobilier, presque toujours placé en tête (2) et le groupe final des «notables», 
chaque autre groupe occupait une place variable, tantôt en avant, tantôt en 
arrière du traîneau funéraire, qui sert de thème central. Car bien entendu, il 
n’y a pas de poncifs, et on ne trouverait pas deux tombes à Thèbes qui se 
copient littéralement^. Insérée dans cette séquence des grands «motifs», une 
autre série d’épisodes minuscules, toujours variables d’une chapelle à l’autre, 
introduisait, le long delà série canonique, nombre de variantes, soit dans les 
gestes de douleur, soit dans la présence de serviteurs de la maison, d’agents ou 
d'officiants subalternes, de paysans, d’enfants. . . qui fournissent toujours des 
renseignements intéressants pour une étude systématique du sujet. Une mono- 
graphie sur un des actes des funérailles, sur les «Assistants», par exemple, 
constituerait, à cet égard, la meilleure des démonstrations des ressources iné- 
puisables que peut fournir l’étude archéologique de ces nécropoles. 

(i) Voir note 3 , p. 8. 

^ Exceptionnellement a la fin du convoi. Cf. pour la XVIII e Dynastie, Païri (= T. i3g) décrit, 
mais non reproduit par Scheil, Mission, t. V, le Tombeau de Pari. 

^ Voir le tableau présenté ici à la fin de la description du convoi. 



TOMBES TIIÉBAINES. 



23 



I. — LES PORTEURS DE MOBILIER FUNÈBRE. 



Le cortège s’ouvre (fig. à), suivant un usage auquel la tombe ramesside dé- 
roge aussi rarement que celle de la XVIII e Dynastie, par le défilé des offrandes 
du mobilier funéraire. Huit porteurs, répartis conventionnellement en deux 
sous-registres pour gagner de la place, y résument l’essentiel d’un mobilier fu- 
néraire. 

Le sous-registre du haut qui, dans la réalité, correspond cette fois à la tête 
du défilé, montre, avec cinq porteurs, le transport des pièces plus pesantes. 
Comme aujourd’hui, nos hommes ont placé ces objets lourds sur leur tête et les 
soutiennent d’un de leurs bras, le porteur d’avant des deux bras à la fois. Celui- 
ci porte le coffre rouge à marqueterie(?), rehaussé d’incrustations et contenant 
la lingerie d’apparat. Le second soutient d'une main un meuble dont il ne 
reste aujourd'hui qu’un long pied et le début d’une pièce d’assemblage hori- 
zontale, avec celui d’une traverse diagonale. Il est difficile à identifier en pareil 
état. Le dessin de Hay (fig. 5) montre que l image de cet objet était déjà fort 
détruite au siècle dernier. Notre homme tient de la main gauche une sorte de 
gros naboul et, suivant une coutume que l’on retrouve chez les serviteurs dans 
les scènes de fêtes et de « banquets» de la XVIII e Dynastie, il a passé au coude 
les courroies d'une paire de sandales. 

Le troisième porte sur ses épaules une chaise qu’il soutient de la main droite, 

D 

et tient de la gauche l’objet jjjjj. Enfin, les deux derniers porteurs de ce sous- 

registre tiennent, l’un un coffre lourd brun clair, l’autre le lit, tous deux posés 
en équilibre sur leur tête, et soutenu de la main droite, tandis que de la gauche, 
ils tiennent chacun une de ces belles hautes cannes d’apparat dont le mobilier 
de Tout-Ankh-Amon nous présente les modèles de grand luxe. L’avant dernier 
des cinq porteurs ajoute, par surcroit, une paire de sandales enfilées par la 
boucle sur l’avant-bras gauche. Tous ont la tête rase, les pieds nus, et le jupon 
lisse ou plissé pour tout costume. 

La suite du défilé se continue au sous-registre inférieur, et ne comprend 
que trois hommes. Chacun porte une paire de coffrets légers, peints en blanc 
avec écusson, suspendus à cette sorte de fléau à crochet, assez semblable à 
celui des porteurs d’eau d’antan, et que l'on porte en équilibre sur une 



24 



G. FOÜCART. 



épaule (l) . Le dernier des porteurs semble d’un rang plus élevé, à en juger au 
moins par le fait qu’il porte perruque à franges. Suivant la bonne tradition 
des ateliers thébains, le dessinateur semble avoir cherché à introduire un peu 
de variété, en attribuant à chaque porteur un des gestes type que réclamait 
ce portage dans la réalité : l’un cherche à atténuer le ballant de la marche 
en étendant la main droite au-dessus d’un des coffres, l’autre assure des deux 
mains 1 équilibre de son fléau, le troisième pèse de sa dexlre sur le coffre 
d’arrière. Le but apparent de l'artiste d introduire de la variété procède en fait 
d'une pratique millénaire dans le dessin égyptien, quand la figuration d’une 
seule et même action est répartie sur plusieurs personnages : attribuer à cha- 
cun de ceux-ci un des gestes de cette action. 

Les cortèges de porteurs de l’époque ramesside renoncent à la vieille coutume 
de représenter le contenu au-dessus du contenant — ce qui était bien utile pour 
l’archéologie. C’est grâce à ce procédé que l’on peut se faire une idée, par 
exemple, de la richesse de ce qu Har-m-habi emporta en sa tombe. 

On trouvera plus loin les raisons qui rendent vraisemblable que les deux der- 
niers coffres de gauche contiennent, l’un le matériel du service de I’k ouverture 
de la bouche?) et l’autre les collections de statuettes funéraires. Rien ne permet 
de deviner ce que contenaient les coffres des deux autres porteurs. Le «coffre à 
scarabées?? est eil tous cas à écarter. Son original serait certainement accueilli 
avec empressement par n importe quel Musée; car un seul est connu jusqu’ici 
en égyptologie, mais doit être, jusqu’à nouvel ordre, laissé à son inventeur 
Quant aux figurations de la XVIII e Dynastie, les variantes laissent soupçon- 
ner que le procédé avec objets figurés au-dessus des coffres était parfois moins 
une application naïve d’un mode d’expression archaïque qu’une indication se 
rattachant aux mentions d’ordre biographique. Les objets ainsi sortis et mon- 
trés au-dessus des coffres peuvent bien avoir été, au début, une évolution de 
ces inventaires en «frises?? à destination magique qui, dans les sarcophages 
protothébains, reconstituent pour le mort son mobilier funéraire. Tels sont les 
abrégés inventoriant les quatre longs coffres contenant le mobilier d’Amen-am- 
hati (3) . Toutefois, le contenu des coffres des seconds thébains ainsi figuré paraît 

C’est à tort que ce mode de transport a été interprété quelquefois comme une figuration, en 
perspective à l’égyptienne, de l'homme passant le fléau derrière son cou, et le maintenant sur ses 
deux épaules. L’équilibre de la charge n’aurait pu être assuré qu'en gardant toujours les deux mains 
pesant sur le fléau. 

^ Scheil, Tombeaux Thébains (= Mission du Caire , t, V), p. 5 go. 

^ Gardiner, Tomb of Amcnemhët, pi. XII, p. 5o. 



26 



G. FOUCART. 



correspondre aussi, en mainte occasion, aux objets précieux (ou tout au moins 
à leur simulacre mis au tombeau) que le défunt avait reçus en sa vie en des 
occasions solennelles : dons, décorations, insignes d'honneur, etc. Il y a en effet 
en plusieurs tombes un certain parallélisme entre les récits ou les mentions de 
caractère biographique et les objets encore exposés au-dessus des coffres de la 
XVIII e Dynastie. E. g . , les armes de chasse du Tombeau 123 (= Àmon-am-hati). 

Ceci semble également confirmé par les attestations de certaines chapelles 
ramessides. Mais à cette époque, on use plutôt d’un autre procédé. Les objets 
de prix ayant ce même caractère de dons personnels sont insérés en frise dans 
la scène de préparation du matériel des funérailles. C’est ainsi qu’Apouy exhibe, 
avec fierté, entre autres cadeaux reçus du roi, une paire de gants qui devait 
faire partie de la liste des présents accompagnant la remise du collier qui lui 
fut faite par Ramsès II (1) , à l’occasion de la fin de la restauration de la tombe 
d’Amenhotep I. 



Voilà au total un mobilier bien modeste pour un grand Prêtre de Memno- 
nion. Nous sommes loin de ces magnifiques défilés que nous présentent cer- 
taines tombes de la XVIII e Dynastie, à Gournah, et dont la chapelle d’Har-m-habi 
demeure jusqu’à présent le type le plus somptueux. Mais ni un Rekhmara, un 
Ramos, un Nofir-Hotep, pas plus qu’un Har-rn-habi, ne représentent le type 
moyen de la décoration de la XVIII e Dynastie. L’archéologie de la première heure 
a, pour ainsi dire, vulgarisé la magnificence de ces défilés de funérailles, ou 
passent sous nos yeux tout le train de maison d’un grand dignitaire de cour ou 
d’un Comte Gouverneur de Thèbes, y compris ses insignes, ses meubles d’ap- 
parat et de toilette, et jusqu’à sa carrosserie. A les voir si souvent depuis repro- 
duits, on a tendance à les croire ceux de l’ordinaire. Mais ce sont ceux de 
puissants seigneurs. Chercherons-nous à Gournah notre terme de comparaison, 
dans les chapelles que nous sommes trop habitués à considérer comme appar- 
tenant à des gens de moyenne condition? Il ne serait pas plus exact. Un inspec- 
teur en chef des troupeaux, des vignobles, des domaines de la Couronne ou 
d’Amon de Karnak — voire un intendant du train de bouche au Palais — sont 
de fort hauts personnages, et en tous cas, de très riches individus (2) . La transcrip- 

ID Corriger Sciieil, Mission, t. V, p. 6 o 5 , qui en fait Àmenhotep IV et déplace ainsi la tombe à 
la XVIII e Dynastie, en même temps que la paire de gants est interprétée comme trdes mains r>. 

Dans les défilés de mobilier encore non publiés de la XVIII e Dynastie, les plus opulents 
sont ceux des T, 1 hh (=Nou), 167 (= Anonyme) et i 5 i (= Hatyi). Tous trois se classent provi- 
soirement sous les règnes de ThotmèsIII et IV. 



TOMBES THÉBAINES. 



27 



tion moderne de leurs fonctions contribue souvent à nous masquer leur véritable 
rang social, en dénommant «brasseur» (T. 92) «chef des cuisines» (T. 43 ) 
ou «Scribe» (passim) des gens qui tenaient le premier rang dans la haute 
société du temps. Comme si le Grand Chambellan, le Grand Veneur, le Grand 
Echanson ou le Chancelier de notre vieil appareil de cour se voyaient étiquetés 
sous le nom de domestique, de garde-chasse, de sommelier ou de copiste. 

Un Monna et un Sannofir, un Nofirronpit ont donc eu de tout autres moyens 
d’existence qu’un Amonmos. Leurs tombes peuvent, proportionnellement, faire 
modeste figure dans cette colline de Scheikh Abdel Gournah, qui a été, si l’on 
peut dire, le Père La Chaise de la XVIII e Dynastie. La chapelle en T, avec déco- 
ration murale, y fut toujours le privilège d’une aristocratie de naissance ou de 
moyens. 

Le meilleur terme de notre comparaison serait naturellement de prendre les 
tombes de la XVIII e Dynastie ayant appartenu au clergé des Memnonia. Il est 
remarquable que nous n’en ayons pas, ou du moins qu’il n’en subsiste plus qui 
soient encore dans un état matériel capable de nous renseigner sur ce point. 
Les cinq ou six chapelles connues de prêtres attachés au culte d’AmenhotepI 
(T. 1 3 -i 4 -i 6-1 9 et 1 34 ) sont ramessides, comme celles du clergé de Thotmès I 
(T. 5 1 ) , de Thotmès III (T. 3 1) (1) ou d’Amenhotep III (T. 275 et 277). Consta- 
tation hautement significative à noter en passant. 

Mais si, à défaut de cet élément comparatif absolu entre deux époques, on 
cherche, dans la période ramesside elle-même, des chapelles de gens aux situa- 
tions équivalentes à celle d’Amonmos, la modestie du défilé funéraire y apparaît 
la règle ordinaire. On laissera de côté les représentations de Deir el-Medineh. Les 
tombes y appartiennent, pour le plus gros, à une classe moyenne de ressources 
relativement limitées, encore qu’un Khabakhit (T. 2), un Apouy (T. 217), un 
Nofirhotep (T. 216) aient eu certainement un rang assez élevé, et, en tous 
cas, une situation correspondant à la large aisance qu’atteste, par ailleurs, ce 
qu’il subsiste encore de leurs édifices mortuaires. 

II faut donc aller directement d’abord aux chapelles ramessides des collègues 
sacerdotaux d’Amomnos. On n’y trouvera, en fait de mobilier funéraire simulé, 
que de forts modestes cortèges de porteurs (e.g. T. 5 i) et parfois rien du tout 
(e.g. T. 277). La constatation sera identique, si l'on passe aux tombes de la 
même période appartenant à des gens qui avaient à peu près le même rang 
social (e. g. T. 3 o). Pour un fonctionnaire du rang du type de la classe de Roy 

(1) lia (T. 72) ne rentre pas exactement dans la catégorie des prêtres attachés à un Memnonium* 



4 . 



28 



G. FOUCART. 



(=T. 255 ), par exemple, la scène du convoi funèbre supprime toute repré- 
sentation du défilé du mobilier. 

On pourrait soupçonner que les nomenclatures officielles, sous les titulaires 
imposantes de chefs du sacerdoce, de directeurs ou d’inspecteurs, couvrent en 
réalité des situations personnelles assez restreintes. Et la diminution générale 
des fortunes privées dans la société thébaine, à partir de Seti I, vient suggérer 
également une seconde explication tout aussi plausible. Mais il y a certainement 
d’autres raisons, si l’on passe de là aux tombes de personnages dont la situation 
exclut toute contingence de cet ordre. La magnificence d’une tombe comme 
celle de Psarou (T. 106) nous permet de comparer la tombe d’un gouverneur 
de Thèbes de la XVIII e dynastie avec celles de quatre de ses prédécesseurs à 
travers les âges. 

Et si la comparaison porte cette fois, en même temps, sur l’importance res- 
pective des mobiliers simulés, et sur l’espace proportionnel qu’en occupent les 
diverses sections dans la série des chapelles, les conclusions commencent à 
prendre forme. Elles prendront plus de consistance encore, si l’on poursuit l’exa- 
men de ces représentations en descendant la série chronologique. Une tombe de 
proportions aussi grandioses que celle d’Ioumadouaït (la question de l’usurpa- 
tion subie par Nibamôn n’a rien à faire ici) affirme, par la titulature de son 
propriétaire et l’opulence des scènes représentées, qu’elle appartenait à un des 
plus gros dignitaires de l’époque (fin de la XX e Dynastie). La place ne manquait 
certes pas cette fois pour donner aux thèmes jugés essentiels toute l’ampleur 
désirée. Et cependant on n v trouve pas la plus petite représentation, non seu- 
lement d’un mobilier funéraire ou d’un épisode quelconque de sa fabrication, 
mais même pas de quoi que ce soit ayant trait au convoi ou aux funérailles 
d’Ioumadouaït. Il a cependant possédé un mobilier funéraire, comme nécessai- 
rement en ont possédé un, eux aussi, tous ces personnages qui, avant Iouma- 
douaït, ont jugé inutile de le faire représenter. 

La question est donc tout autre que de chercher si le matériel funéraire 
déposé au caveau a diminué d’importance au cours des dynasties thébaines. Ceci 
sera examiné le moment venu. Ce qui ressort pour l’instant du seul examen des 
représentations est que la figuration de ce mobilier a tendu à prendre de moins 
en moins d importance, et qu’elle omet des objets qui existaient certainement 
dans la réalité, tels que des vases, des éventails, des meubles, des outils ou des 
armes : toutes choses dont l’existence au tombeau, à cette époque encore, est 
prouvée, soit par les séries muséographiques, soit par les inventaires des tombes 
relativement inviolées dressés au cours des fouilles modernes. Et ce pour des 



TOMBES THÉBAINES. 



29 



gens de condition relativement petite (par exemple, ceux des mobiliers de 
Sennedjem et de Sannofir, à Deir el-Medineh) (1) . D’autre part, et comme il a 
été signalé un peu plus haut, les scènes dites «de préparation» du mobilier 
funéraire subissent un appauvrissement parallèle. La diminution de leur ampleur 
ou de leurs minuties est constante à partir de la fin de la XVIII e Dynastie. Les 
phases de la fabrication, si copieusement traitées naguère, se réduisent, se con- 
tractent. Les exceptions, encore assez nombreuses en apparence, ne cessent de 
se faire plus rares. On chercherait vainement rien qui y ressemble au tombeau 
d’Amonmos ou dans ceux de l’immense majorité de ses contemporains (2) . 

Mais il n’y a ici que la préparation directe. La XVIII e Dynastie ne se con- 
tentait pas, à la vieille façon memphite, d’aborder directement la préparation 
du matériel ou des provisions, pour en décrire au besoin les phases successives 
ab ovo. Si l’occasion en était fournie, on la dispersait aussi dans les scènes 
professionnelles qui se rattachaient aux fonctions que le défunt exerçait à la 
Cour ou dans le domaine du Temple. L’art de la XIX e Dynastie aurait pu user 
du même artifice. Il l’a fait parfois a l’occasion. Mais il est remarquable qu’en 
pareille occurrence, il ait alors consacré si peu de scènes à ce qui concerne les 
simulacres de la vie réelle déposés au caveau, et qu’il se soit attaché, au 
contraire, à décrire surtout tout ce qui fait un appareil spécifiquement funé- 
raire : la fabrication du cercueil, du sarcophage, du catafalque, des statuettes 
funéraires, du lit osjirien . . . Un Apouy (T. 217) profite bien d’un épisode 
historique, d’ordre pour lui professionnel. Ayant à relater et à décrire comment, 
sur l’ordre de Ramsès II, il fut chargé de refaire l’équipement funéraire du 
légendaire Amenhotep I, il y a joint un abrégé de ce qu il fit faire, à cette 
occasion, en vue de son propre équipement. Or c’est presque exclusivement 
un appareil de funéraille conçu à l’osirienne. Le vieux simulacre de la vie des 
vivants, la donnée encore si primitive de la continuation de l'existence terrestre, 
maintenue à coups de simulacres magiques, y apparaissent bien encore, par la 
force des usages traditionnels. Mais si réduits, en vérité : ramassés en un coin 
du décor, bornés à quelques sièges, deux cannes, un chevet, et une paire de 
coffres. Le matériel du rituel de «l’ouverture de la Bouche», les masques, les 

9 ! Pour le second, voir un bon croquis dans Bruyère, Rapport Deir el-Medineh , t. VI (1928), 
p. A3. De l’inventaire de la chambre et du contenu des trois cercueils (cf. ibid . , p. 62 - 72 ) ressort 
d’ailleurs l’évidence que le caveau a été violé dans l’antiquité, et, suivant l’usage, au cours même 
des successives inhumations (cf. ibid., p. AA et A 6 ). 

(2) Le défilé, inédit et exceptionnellement long, de la Tombe ramesside 23 (=Dzaï) se compose 
presque uniquement de petits objets, de coffrets légers et surtout de bouquets. 11 est à cet égard 
un fort bon terme de comparaison avec ceux de la XVIII' Dynastie. 



30 



G. FOUCART. 



cercueils, le lit osirien, voilà ce qui tient la première place. Et pour les vestiges 
de mobilier proprement dit, les préparations simulées d’Ousirhat (=T. 5i) les 
éliminent presque entièrement; rien que des rr masques de momies», des cer- 
cueils osiriens encore, avec des amulettes et le matériel du premier sacrifice 
funéraire. 

Toutes ces retouches insensibles viennent s’ajouter à leurs pareilles; par 
exemple à celles qui, sous la XIX e Dynastie, donnent une place nouvelle, dans 
la pictographie des chapelles, au rituel de l’embaumement et à la préparation 
anoubienne de la momie. Le tout procède à travers la série ramesside, sans unité 
dogmatique, sans aucun plan préconçu d’exécution, avec des arrêts, des retours, 
et des exceptions avec leurs contre-exceptions. Mais pour être tâtonnante et 
sinueuse, l’évolution n’en est pas moins continue. 

Les groupements comparatifs attestent finalement la profondeur intime des 
changements en voie d’accomplissement. Ils laissent déjà soupçonner le carac- 
tère irrévocable de modifications d’ordre théologique plus ou moins nettement 
déjà formulées, et dont ces changements ne sont que la traduction sensible. Ils 
ne pouvaient guère n’avoir pas été notés quelquefois, là où le décor de la 
XIX e Dynastie apparaissait au premier coup d’œil si différent de l’aspect clas- 
sique d’une chapelle de la XVIII e Dynastie. Plusieurs manuels excellents les ont 
donc signalés à l’occasion comme il convenait. Là cependant où ils en ont cher- 
ché les causes, celles-ci nous ont été présentées comme le résultat du manque 
d’emplacement. Il aurait obligé le compositeur des panneaux ramessides à 
abréger les scènes de funérailles, à en comprimer les épisodes à l’extrême, 
parfois même à les supprimer faute de place. Mais déjà nous savions, avec non 
moins de certitude, que l’opium fait dormir, «quia est in eo virtus dormitiva». 

IL — LES «PLEUREUSES”. 

En arrière du défilé du mobilier vient le groupe pour lequel on adopte, à 
l’ordinaire, la vague et trop commode qualification de «pleureuses» : trois ran- 
gées de femmes (deux, trois et trois), plus une qui se plie et se détache en 
avant du groupe; deux jeunes garçons, et enfin une jeune fille affaissée, à terre. 
Toutes ces femmes portent la perruque à longues tresses pendantes (,) ; et l’artiste 
a tenté de résumer les diverses attitudes consacrées des pleurs et lamentations. 



W Pour les exemplaires réels de ces coiffures, cf. Wreszinski, Atlas , texte de la planche VIII. 



TOMBES THÉBAINES. 



31 



Elles se ramènent, pour la période thébaine, à une douzaine, toutes invariables 
à travers la série iconographique, et le décorateur nous en a donné ici les six 
principales, réparties entre les dix «pleureuses». L’une est la jeune fille affaissée 
qui, d’une main, prend la poussière et de l’autre s’en barbouille la tête (l) ; deux 
femmes portent chacune leurs deux mains à leur front; ceci s’exécute d’abord 
le corps plié en avant, et comme succombant de peine; une autre, de la main 
gauche, se tient le poignet de la droite, et celui-ci semble, de tous les gestes 
rituels, le plus ancien, celui que l’on retrouve dès le temps des mastabas mem- 
phites; d’autres semblent se frapper le sommet de la tête d’une main, tandis 

que l’autre est levée vers le ciel d’autres agitent en l’air les deux bras, 

en clamant leur deuil. Le peintre n’a eu garde d’oublier de souligner les larmes 
qui s’échappent de leurs yeux et dont, pour plus de certitude, dans la réalité, 
on traçait par avance les sillons au moyen du fard. La forêt des bras levés a été 
répartie avec une certaine négligence, et l’on trouverait difficilement le moyen 
de les attribuer correctement à chaque pleureuse, sans arriver à des perspec- 
tives invraisemblables, encore que le compte total des vingt-quatre bras levés ou 
fermés corresponde finalement aux douze acteurs de cette scène. 

Les robes de ces femmes sont de cette nuance bleu pâle, tirant plus ou moins 
sur le mauve, que nous trouvons dans les plus belles tombes thébaines, et dont 
le Tombeau îB, le 55 et le 277 offrent les deux tonalités extrêmes. Cette cou- 
leur, qui n’apparaît jamais pour le costume féminin que dans les scènes de 
funérailles, a fait croire longtemps à un habillement de deuil. Les minutieuses 
constatations de Davies ont achevé de démontrer le bien fondé de l'explication 
de Wreszinski. C’est la poussière, figurée en gris bleuté (par exemple dans les 
scènes de la Tombe des «Deux Sculpteurs») qui communique aux robes (et 
parfois même aux perruques et aux chairs traitées en grisailles) ces colorations 
tenues aujourd’hui pour être d’un effet artistique si heureux (voir, par exemple, 
Davies, Two Ramesside Tombs, p. 55 ; et Davies, Tomb of Two Sculptors, p . 5a, 
55, 56 et 57 ). Comme pour les beaux tons orangés des robes (voir plus loin, 
paroi D, registre 1 , à propos du «cône thébain», ainsi qu’à la paroi C' registre 1 ), 
c’est d’un procédé purement conventionnel, destiné à l’expression d’une souil- 
lure — elle résultera de la poussière ou de la graisse fondante d’un parfum — 
que la palette thébaine a tiré deux des tonalités que nous admirons le plus dans 
la peinture des tombes privées. 

Suivant la règle ordinaire, tout ce groupe est tourné vers le catafalque, et il 

W Cf. Wilkinson, Manners and Customs (Ed. 1 83-), 1 . I, p. 256. fig. 7 , Pcoplc throwingdust on their 
heads, .... La scène provient du T. Z 19 (= Nofirhotep). 



32 



G. FOUCART. 



a été assuré par quelques archéologues que les « pleureuses » escortaient ainsi le 
convoi en marchant à reculons; ce que montrait bien, en certaines scènes, 
ajoutaient-ils, les flexions particulières du jarret et du talon. Cinq minutes de 
cet exercice, exécuté par eux dans un terrain comme celui des nécropoles thé- 
haines, suffiraient à leur démontrer les résultats que pourrait introduire dans 
un cortège la marche à reculons d’une douzaine de personnes. Ces groupes de 
femmes se lamentant, tournées en arrière dans la direction du catafalque, re- 
viennent à une indication scénique. Elles indiquent les haltes ou stations 
correspondant au drame primitif qui se jouait autrefois durant le convoi. À ces 
moments-là étaient chantées les « lamentations 5? (voir un peu plus loin). 

Davies a pu supposer que, par extension, on avait pu avoir, prêtes à l’avance 
et à l’occasion des funérailles, des robes bleutées de cette tonalité. Il y aurait en 
effet quelque humour à imaginer, à l'usage des dames de Thèbes, des robes «de 
deuil » qui seraient «dans les tons poussière». La chose en soi n’a rien d’impos- 
sible. Mais, en fait et jusqu’à présent, aucun inventaire de tissus n’a comporté 
encore des robes de pareille teinte, ni dans les fouilles contrôlées par le rédac- 
teur de la présente notice, ni dans celles auxquelles il a pu assister. Cette cou- 
leur indicatrice de souillure par la poussière n’est nullement, en tous les cas, 
l’indice d’un corps professionnel de nature quelconque,, tel que pleureuses, 
chanteuses du sacerdoce, etc. Les veuves, filles, sœurs ou parentes du défunt 
ont très souvent des robes du même gris bleuté dans les divers épisodes des 
funérailles. Le type le meilleur est donné au tombeau i 3 , où l'on voit la veuve 
se lamentant aux pieds de la momie, devant la porte de la chapelle du tom- 
beau. 

On ne saurait mettre l’épisode des «Pleureuses» d’Amonmos en regard de 
certaines grandes compositions devenues classiques en archéologie comme les 
beaux groupes des «Pleureuses» de Ramos ou de Nofirhotep. 11 ne peut davantage 
entrer en comparaison avec certains groupes inédits de Gournet Mourraï ou Sheilc 
Abd el-Gourneh de la même époque. Et entre autres celui d’Amon-am-Anit 
(T. 277) ou surtout celui deHori, attaché à l’administration du Navire Ousirhali 
(T. 269). Ces réserves faites, le groupe d’Amonmos nous offre un des plus 
heureux spécimens du type moyen des chapelles ramessides. 

Le groupement des femmes y décèle déjà un certain effort de composition. 
Sans doute aligne-t-il encore ses «pleureuses» en rangs tant soit peu militaires, 
et suit-il toujours le procédé millénaire des personnages ou des objets qui se 
démasquent par débordements superposés des profils. Mais en pareille occur- 
rence, l’art memphite et, après lui, l'art protothébain ou celui des débuts de 



TOMBES THÉBAINES. 



33 



la XVIII e Dynastie auraient séparé chaque file; et ce premier effort vers le rendu 
d’un groupe compact d’individus marque un progrès certain. 

A étudier les variantes du second empire thébain, il apparaît que c’est d’abord 
par les « pleureuses » et les foules de funérailles que l’artiste s’est exercé à ani- 
mer et à varier les groupements humains. A cet égard, rien (ou, tout au moins, 
rien de ce qui a été publié), li a encore surpassé la cohue gémissante et gesticu- 
lante qui traverse le Nil avec le convoi de Nibamon, ou celle qui attend Nefer- 
liotep sur la berge avec ses mendiants, ses enfants portés en bandoulière, etc. 

De la traversée du Nil, ces groupements si animés gagnent progressivement, 
au cours de la série chronologique, le convoi terrestre, puis l’assistance du ser- 
vice mortuaire célébré devant la chapelle, quoiqu’en cette dernière occurrence, 
les gestes et les attitudes, formellement réglés par les temps du cérémonial de 
l'office, permettent beaucoup moins de chercher à créer l’illusion de la vie par 
le désordonné. Puis ils passent de là aux groupes de fidèles et de prêtres qui 
s’en vont acclamer l’arrivée d’un roi ou d’un dieu. Qui veut se rendre compte 
du changement réalisé progressivement à cet égard doit comparer ces essais de 
donner l’illusion d’une foule qui gesticule et se démène aux épisodes de même 
ordre dans les tombes protothébaines ou dans celles de la première moitié de la 
XVIII e Dynastie. L’influence de l’école contemporaine d’Amenhotep IV (si inexac- 
tement qualifiée d’wamarnienne») semble marquée en l’affaire. Les souplesses 
d’échine qui en sont ujie des caractéristiques les plus frappantes s’enregistrent 
ici surtout dans les attitudes des personnages isolés (par exemple au registre 3 
de notre paroi C). Ou peut-être encore dans cette foule extraordinaire qui, 
dans une scène unique de son espèce, assiste à l’ouverture du naos contenant 
la statue de culte d’Arnon-am-Apit (=T. h \ . Cf. Prisse, Art égyptien , II, Sculp- 
ture, pl. à 5). 

Ces manifestations de la douleur dans les convois funèbres ont été considé- 
rées par Davies comme un des traits marquants des ateliers thébains vers la fin 
de la XVIII e Dynastie, et tenant à des causes qui relèveraient de la psychologie 
sociologique. Il est peut-être plus simple de voir dans ces changements le ré- 
sultat graduel d’une recherche plus laborieuse des ateliers vers limitation de 
la vie collective. Mais comment et par quelle voie s’est-elle manifestée aux 
débuts? A bien regarder, l'aspect voulu (ou plutôt cherché) d’un groupe aux 
attitudes désordonnées procède d’abord, si l'on considère isolement chaque 
acteur, des scènes de funérailles des premiers ateliers de la XVIII e Dynastie. 
Là déjà, les expressions individuelles en sont traitées avec le plus grand réa- 
lisme. Et ceci existe déjà dans les épisodes traités par les ateliers memphites 

Mémoires , t. LVII. 



5 



34 



G. FOUCART. 



de la VI e Dynastie (voir plus haut). C’est, donc par le groupement et non par les 
gestes mêmes que s’est manifesté l’effort vers le nouveau. Et sous ce rapport, il 
semble bien que l’art des tombes privées ait progressé plus rapidement que 
l’art officiel. Les scènes de foule animée échappent trop aux ordonnances de 
celui-ci. Là où un thème tiré du répertoire du temple vient en suggérer 
l’emploi (par exemple à propos de l’arrivée d’une 'STOf-nré), le dessinateur sait 
fort peu se dégager, lors de la mise en place de sa composition, des alignements 
traditionnels à personnages convenablement espacés. Les superpositions y obéis- 
sent encore aux vieilles règles, et tout essai de vie désordonnée finit par se 
concentrer, une fois de plus, dans les gestes mêmes ou dans quelques timides 
superpositions. Par exemple, dans le hâlage à la corde de l’escadre divine de 
Karnak, telle qu’elle figure sur la muraille ouest de la grande colonnade du 
Temple de Luxor. C’est beaucoup plutôt sur les scènes des murs extérieurs des 
Temples, pour les guerres et mêlées nécessaires des batailles que les artistes 
chercheront à résoudre le problème de la vie mouvante résumée en un seul 
tableau, telle que nos yeux la voient. Ailleurs, ils garderont les deux procédés 
primitifs qui demandent tellement moins d’efforts : d’abord la scène réduite à un 
geste ou à un épisode qui suppose, avant et après lui, tout ce qui fait le reste 
de la scène; c’est-à-dire, comme en une écriture, les procédés de la partie pour 
le tout, de la cause pour l’effet ou vice-versa etc.; et en second lieu, la scène 
qui se décompose en ses gestes successifs dans toute la mesure de la place 
disponible. Elle se trouve ainsi équivaloir au procédé de la pellicule cinéma- 
graphique qui les enregistre de même l’un après l’autre; et l’idée est bien la 
même, quant au but d’expression finale poursuivi. 

Chercher pourquoi l’art privé a devancé sur ce point l’art officiel, au moins 
fugitivement, dépasse le cadre de la présente notice descriptive. Mais l’examen 
de deux autres « foules » : celle du service mortuaire (en D, 1), et celle de la 
«Grande Sortie d’Amenhotep 1 » (en D', 2) fournira quelques éléments de plus 
à la solution de ce petit point d’archéologie thébaine. 

La qualification de «pleureuses» appliquée à ces groupes de femmes ne fait 
que traduire des gestes et des attitudes. Elle semble devoir inclure les femmes 
de la famille, celles qui étaient invitées aux funérailles, et celles qui, par leur 
rang ou leurs fonctions, étaient tenues d’y assister. On y joignait les jeunes 
enfants des deux sexes, comme on peut d’ailleurs le voir ici-même. Pourtant, 
les «pleureuses» d’Amonmos ne sont certainement pas de la même classe que 
celles de Roy; les unes précèdent le catafalque, les autres le suivent. H y a 
sûrement une règle qui assure les places dans l’ordre du cortège. En tous cas. 



TOMBES THÉBAINES. 



35 



les femmes de condition n’étaient évidemment pas mêlées à des pleureuses à 
gages. Et quant à celles-ci, rien n’est moins certain que leur présence dans les 
représentations du convoi, si l'on entend par cette désignation des femmes du 
commun payées pour faire montre de douleur. Là où quelques mots de texte 
viennent éclairer furtivement la chose, on voit, parmi ces pleureuses prétendues 
«à gages» — à Deir el-Medineh, par exemple — quelles tiennent dans la 
cérémonie le rôle d’acteurs véritables d’un drame funèbre. Elles sont souvent 
qualifiées de et on dit qu’elles doivent déclamer, chanter ou psalmo- 

dier des répons. (Cf. supra ce qui vient d’être noté à ce sujet). L’examen de 
tout cet ensemble de questions sera mieux traité dans la description du Tom- 
beu 277 (= Àmon-am-Anit), de documentation beaucoup plus étendue en celte 
matière. Provisoirement, et sans qu’il en soit donné encore immédiatement de 
preuves suffisantes, les «pleureuses» d’Amonmos seront considérées dans la pré- 
sente description comme représentant la confrérie des «Servantes d’Amenhotep» 
dont la femme d’Amonmos était la Supérieure. On verra au surplus, aux scènes 
du service funèbre, que la figuration du convoi, suivant un usage presque 
constant à l’époque ramesside, exprime à la fois les funérailles successives des 
deux époux, sinon même de tous les membres de la famille. Les «pleureuses» 
de notre registre seraient ainsi destinées à celui des deux services successifs ou 
le convoi figuré unique était tenu pour être celui de la femme. 



[IL — LA TRACTION DU CATAFALQUE. 




(STÈLE SU1) DE TAHOUTI, L. 9). 



Après les prétendues «pleureuses», la représentation d’Amonmos passe direc- 
tement au hâlage à la corde du catafalque. Beaucoup d’épisodes coutumiers de 
l’iconographie type de la XVIII e Dynastie ont disparu. La série des tombes de 
la XIX e et de la XX e Dynastie montrera, au fur et à mesure de sa publication, 
à quoi correspondent ces disparitions. Les lecteurs des Two Ramesside Tombs et 
des présents fascicules constateront, dès à présent, que ni Apouy ni Ousirhat ni 
Roy ne présentent non plus ces épisodes. Il n’est plus question du Tikanou, de 
son traîneau et de son escorte. Le tombeau 55 (Ramos) nous en donne la der- 
nière image connue dans la série chronologique de la XVIII e Dynastie. Disparait 

5. 



36 



G. FOUCART. 



également un vieux figurant qui remontait aux Memphites (1) : le te Grand Servi- 
teur», solennel officiant, étroitement drapé dans sa chasuble blanche (ex. : 
T. 54. 55. 69 , etc.), qualifiée un peu ignominieusement de «sorte de sac» par 
Scheil (= Mission du Caire, t. V, le Tombeau de Pâri ), et qui, portant sa lourde 
canne d’ébène avec une dignité d’ordonnateur de Pompes Funèbres, marchait 
à pas mesurés en avant de l’attelage du corbillard 1 ' 2 *. A peine est-il besoin 
d’ajouter qu’il n’est plus question des Mouou aux hauts bonnets de jonc, les 
tr farceurs» des Notices de Champollion. A de très rares exceptions près (3) , la 
XVIII e Dynastie les a déjà relégués dès le début dans les registres des «Mystères» 
(cf. infra, à la fin de la description de la paroi présente). 

La Grande Pleureuse en costume isiaque (e. g. T. 55), parfois nommée la 



(T. 54), et qui, suivant le vieux rite, de la main gauche étreignait 
son avant-bras droit, en marchant en avant du catafalque, disparaît, elle aussi. 

D’autres personnages également cessent de figurer, dont on voit par les 
tombes protothébaines qu’ils tenaient une place rituelle dans le cortège. Iis ne 
défilent déjà plus réglementairement dans les scènes complètes de la XVIII e 
Dynastie; et c’était peut-être là l’image fugitive de quelque usage local, comme 
c’est le cas pour nos propres cérémonies. Tel le batteur de mesure, qui tient en 



P) Lepsius, Denkm II 101, B. 

^ Sur la disparition du Grand Serviteur, et sa réapparition exceptionnelle dans les scènes 
ramessides archaïsantes, voir a l'appendice placé à la fin de la description du présent registre. 

Le costume et l’allure si caractéristiques du rr Grand Serviteur* des convois thébains sont à rap- 
procher des figurations de plusieurs officiants, très semblables d’aspect, dans les cérémonies des 
grands cultes officiels. Ce sont, par exemple, a Medinet-Habou, ceux qui défilent en tête du cortège 
de Mîn a la Fête des Moissons; ou ceux qui, au matin, viennent prendre dans sa chapelle parti- 
culière de l’opisthodome la statue portative de ce dieu. Parmi ces derniers, i’un por-te exactement 
la même canne lourde tenue à deux mains, et son geste, comme sa démarche, sont identiques à 
ceux du «-Grand Serviteur* des convois funèbres. 

I 3 ) Ce sont ceux de la tombe de Telaky (=*T. 1 5 ), Tune des plus anciennes de la XVIII e Dynastie 
(probablement contemporaine d’ÀhmosI) et des T. 12 et 172. Cf. infra , Appendice. On sait que les 
Mouou y s’avançant en dansant à la rencontre du convoi, au moment où il arrive aux portes de la 
Nécropole, font partie du répertoire canonique des scènes protothébaines. Sinouhit les considère, 
en son tableau idéal des funérailles (ex. B, 190-196), comme un des épisodes nécessaires à une 
tombe et à un rituel où rien n’a manqué. Comme les autres scènes des seconds thébains connues 
pour l’instant les ignorent presque toutes (malgré ce qu'assure le texte de Tohouti) la scène de 
Tetaky offre à cet égard, pour la série archéologique disposée chronologiquement, une des plus 
remarquables particularités à signaler en ce domaine. Elle permet d’assurer que les Mouou faisaient 
encore partie du convoi au tout premier début des seconds thébains, et qu’il n’y a donc pas eu, au 
moins sur ce point, de rupture avec le cérémonial protothébain. (La scène est reproduite dans 
Eàrl of Càrkàrvon and Carter, Five years ...... pi. VII). 



38 



G. FOUCART. 



main deux courts bâtons assez semblables de forme a des boomerangs, et que 
les bas-reliefs égyptiens nous font voir à propos de danses de soldats. Telle aussi 
cette femme qui précède les boeufs de 1 attelage, et semble faire claquer de ses 
deux mains une paire d’objets oblongs que Davies (Two Sculptors, p. A9) inter- 
prète comme un coquillage bivalve, forme rudimentaire d’encensoir, mais qui 
paraissent être des sortes de castagnettes, ou mieux, plutôt, de claquoirs, 
suivant un usage funéraire encore conservé dans plusieurs localités coptes du 
Saïd, notamment dans les régions de Sobag et de Nag’ Hammadi' l) . 

Pas plus que le reste de la cérémonie lunèbre, 1 épisode du halage na reçu 
au tombeau d’Amonmos aucune légende explicative. Quelques chapelles de la 
XVIII e Dynastie donnent des intitulés assez variables, tels que «hâler à la corde» 
(Montou-hir-kopshou-f) ou cr traction par les bœufs roux». Celui des «Deux Sculp- 
teurs», plus explicite, déclare : «(voici) la marche des Gens de la Ville de Pou 
vers l’Occident, vers cette terre de «ceux de la droite» (vers) le Bourg 
(Dimî)». 

Le hâlage d’Amonmos suit le type de l’immense majorité des tombes, en as- 
sociant à l’effort des hâleurs celui des animaux. Mais on doit noter tout de suite 
qu’il sépare les premiers des seconds en les répartissant en deux files super- 
posées. 

Les bœufs qui tirent ici sur le câble sont au nombre de trois (fig. 5 ). Jadis, 
le nombre rituel a été de quatre, les quatre animaux canoniques, correspondant, 
au moment de leur immolation devant la tombe, au grand sacrifice type, signi- 
fiant l’oblation du sang aux esprits des quatre cantons du monde. Chacune des 
bêtes avait son pelage réglementaire, le rouge, le noir, le blanc et le «tachete». 
Mais pratiquement, et dès la période memphite, on constate que le nombre des 
bœufs, pour l’attelage au moins, 11’obéit plus à aucune règle impérative. Ainsi, 
déjà quelquefois à GizelC 2 ', l’attelage 11e comporte plus quune seule paire de 
bœufs. 

La XVIII e Dynastie thébaine présente la même absence d’une représentation 
type constituant règle. La scène du hâlage de Montou-hir-khopshou-f déploie en 
éventail trois couples de bœufs, largement espacés entre eux. Et tandis que le 
Comte Gouverneur de Thèbes Rekhmara (Virey, Mission du Caire , t. V, pl. XXII) 

(U E. g., scènes (inédites) des T. 53 et 1 25. Voir plus loin, à F appendice . Quelques scènes iné- 
dites et exceptionnelles des convois peints sur les cotés de sarcophage des seconds thébains rempla- 
cent cette figurante par un joueur de tlùle. 

(2) E. g., dans le groupe des mastabas de la VI e Dynastie insérés entre les rangées de ceux de la 
IV 8 , en avant de la face orientale de la Pyramide de Gheops (fouilles de G. Reisner). 



TOMBES THËBA1NES. 



39 



se contente de quatre bœufs répartis deux par deux, Ramos, un de ses suc- 
cesseurs (T. 5 o), déploie tout un luxe d’étable funéraire. Pourtant, un grand 
seigneur du rang de Pou-am-Râ se contente d’une paire d’animaux, et un 
inspecteur des domaines royaux comme Menna (T. 69) se donne le luxe d’atteler 
au câble de remorque de son sarcophage les quatre bœufs, avec leurs couleurs 
distinctives, puis de les figurer une seconde fois dételés et prêts à être immolés. 

L’époque ramesside semble encore moins soucieuse d’adopter une règle à ce 
sujet. Les scènes des chapelles ou des dépendances du caveau dans les repré- 
sentations de Deir el-Medineh montrent les quatre bœufs canoniques pour 
Nakhti-Minou ( Mémoires I.F. A. O., t. LIV, p. i 5 et pl. III); mais ailleurs, deux 
ou trois animaux seulement. Même absence de chiffre réglementaire àGournah 
(e. g., T. hh, = Amon-am-habi) ou à Dira' Aboû’n-Nâga, où Roy, cependant, se 
fait traîner par les quatre animaux figurés de front, tout en prenant le soin de 
faire indiquer les pelages rituellement différenciés; et de même, le chef-prêtre 
Amonamanit, à Gournet Mourrai' (=T. 277) déploie le même luxe d’attelage 
que s’il était un Ramos. Mais Apouy et Ousirhati ne semblent avoir cure 
d’observer une règle. La suite de ces études démontrera (ou tentera de faire 
accepter comme plausible) qu’il y avait pourtant une loi ou au moins un usage, 
et qu’on se réglait en principe sur le nombre de funérailles réelles qu’expri- 
mait en abrégé le convoi unique. Voilà qui peut paraître pure subtilité. La 
suite de ces registres nous en fera voir bien d’autres, et beaucoup moins con- 
testables. 



Il est d iflicile , en ces conditions, de décider si les différences de pelage par 
lesquelles se distinguent les bœufs du Tombeau 19 procèdent d’une rémi- 
niscence du vieux rituel, ou s’ils sont tout bonnement un moyen facile imaginé 
par l’enlumineur pour les distinguer entre eux. Quoi qu’il en puisse être, le 
premier des trois animaux d’Amonmos est le blanc, et une enluminure sommaire 
indique qu’il faut reconnaître dans les deux autres le roux et le tacheté. 

Nos trois bœufs sont représentés marchant de front et se démasquant, sui- 
vant le vieux procédé de perspective. Mode d’attelage d’ailleurs assez invraisem- 
blable, et qui n’a été ainsi figuré, pourrait-on croire, que pour gagner de la 
place. Les détails de l’amarrage de la corde sont traités avec la même négli- 
gence, le câble figuré tout bonnement attaché à la corne gauche du troisième 
bœuf, et passant inexplicablement à travers toutes les cornes, au lieu de faire 
voir l’arrangement qui le fixait dans la réalité à une pièce de bois rigide attachée 



40 



G. FOUCART. 



au front des animaux. Le détail de cet appareil figuré au tombeau de Nibamôn 
(Davies, Two Sculptors, pl. XXIII, cf. ibid,., p. Ù 2 ) rend déjà mieux compte de 
l’agencement de l’objet, mais n’est aucunement l’image fidèle du mode réel d’at- 
tache. Celui-ci apparaîtra mieux dans les lombes ramessides qui seront décrites 
ultérieurement dans le prochain volume. 

Le jeune veau qui marche quelquefois à côté de l’attelage (par exemple au 
Tombeau de Nibamôn) a été omis ici. On le retrouvera dans la scène d’abattage 
des victimes, en la cour du tombeau (voir plus loin, au début de la descrip- 
tion du registre i cr de la paroi D). 

Suivant l’usage ordinairement adopté pour ces épisodes, le conducteur de 
l’attelage est représenté sous les traits classiques du rustre, du solchiti insou- 
cieux des soins capillaires; d’une main, il tient le court bâton des bouviers et 
de l’autre une silule semblable à celle dont se sert derrière lui l’homme des 
aspersions. 

Toutes ces variantes sans classement déterminé semblent provenir de ce fait 
que la traction animale ne correspond plus déjà qu’à une opération matérielle, 
et non pas à un acte ayant dans l’ensemble de la cérémonie une valeur rituelle 
obligatoire. Les boeufs sont destinés, une fois arrivés devant le tombeau, à être 
immolés dans la cour, et c’est là qu’ils gardent encore la valeur d’assertion picto- 
graphique (sans toutefois que le nombre rituel semble être, là non plus, rigou- 
reusement requis). 

Ce qui possédait dès le début et ce qui garde jusqu’à la fin sa valeur reli- 
gieuse, mais singulièrement évoluée, c’est la traction par les hommes. 

L’appareil en apparait cependant déjà très déformé dès les tombes proto- 
thébaines, où la tombe d’Antoufakir constitue un type déjà exceptionnel (cf. 
infra). Ainsi au tombeau de Zaoui, à Deir el-Gebraoui (Arch. Survey, Deir 
el-Gebrawi , t. II, pl. VIII), où il n’y a que des hommes pour traîner le sarco- 
phage, nous trouverons simplement 1’ et le Samir, à côté de simples 

hâleurs, personnages déjà sans qualification spéciale. La grande canne et le 
collier distinguent parfois du commun ces gens de qualité, qui circulent, sans 
prendre part à la traction, à la hauteur des hâleurs (comparer avec Montou-hir 
Khopshou-f, loc. cil., p. hlx'b-kh^). C’est que le hâlage du traîneau par les 
hommes a fait partie des actes royaux qui commémorent ou imitent symbolique- 
ment une partie du drame de la mort divine, et que le mythe osirien a fini par 
s’approprier. Les hâleurs sont ou ont été des acteurs. Des tombes comme celles 
de Montou-hir-Khopshou-f ou de Rekhmara (voir Mission du Caire, Mémoires, 
t. V, p. - 5 et 1x1x9.) nous livrent encore quelques noms qui rappellent en même 



TOMBES THÉBAINES. 



41 



temps leur rôle traditionnel : le •— «l'embaumeur » anoubien 
Youiti, et le Nibamôn nous les qualifie du nom des gens des localités fron- 
tières mystiques du Kosmos boréal égyptien, ceux de Pou et Doupou, les " 

j et les Amon-am-hati qui, par ses hautes fonctions, 
semble avoir affecté les mores velerum, donne des énumérations beaucoup plus 
complètes et ressuscite, à l’usage de son convoi, une grande partie des vieux 
intitulés (l * : les Shomsou (Gens de l’Escorte), le Lecteur, le Grand Serviteur, les 
« hommes » de Pou et de Doupou, d’Hermopolis, de Notir, de Sais, de l’Hâït 
Oïrit-Hikaou, de '©?. Et de même, aux «Mystères», un égal souci de la 
tradition mène notre homme, non seulement à la terre sacrée du nome thi- 
nite, mais encore à Sais, aux «Portes de Bouto», au Château du Si Oîr(?). . . 

De telles réminiscences, formellement énoncées, tendent toutefois à devenir 
de plus en plus l’exception. La plupart du temps, et aux diverses époques de la 
XVIII e Dynastie, la file des bâleurs, restée anonyme (2) , ne se compose plus que 
d’hommes tous semblables entre eux, sans escorte de protagonistes d’un drame 
sacré, et n’ayant ni dans leurs coiffures ni dans leur costume aucun signe 
distinctif : aussi bien dans d’imposantes funérailles comme celles d’un Har- 
m-habi ou d’un Ramos, que dans celles d’un Monna (=T. 69). A 1 époque 
ramesside, le hâlage peut parfois se réduire, sur l’image, à trois hommes (ainsi 
à Deir el-Medineh; ef. Rapports de Bruyère, t. V, n os 918-219, lig. 06 - 52 , 
p. 65 et y 7). Il semblerait au premier abord que l acté symbolique ait perdu 
de sa valeur. Mais dans ces cas, à Deir el Medineh comme ailleurs, les chiffres 
absolus delà réalité ne requièrent pas, en des scènes de ce genre, une exacte 
transcription par l’image, lorsque le manque absolu de place oblige à compri- 
mer la représentation^. L’essentiel symboliquement requis est ici que le sarco- 
phage soit figuré «halé». Et la même nécessité est apparue dans les scènes, 
encore si rares, des convois funèbres des Rois : ceux de Tout-Ankh-Amon et 
de Aÿ. Il y avait certainement des bœufs qui, dans la réalité y avaient aidé. On 
les a souvent supprimés et on a gardé ce qu'il, lallait garder avant tout : le 

(!) Cf. Gardiser, Tomb of Amenemhët, pt. X-XIIt. Voir également au tombeau de Houy (= T. 54) 
les ajvs ainsi qu’au T. 24 (=Nibamon) où figurent les gens de Pou, de Dapou el de 
Bousiris. 

W Ou simplement appelée «les gens», . E. g. au Tombeau de Tetaky (=T. i5) dans 

Earl of Carnarvon and Carter. Five years . . . . , pl. VII. 

( 3 ) E. g . et dès le début, au même tombeau précité de Tetaky. 

I 4 ) Il n’en est pas d’exemple au reste plus frappant à cet égard que la fresque des funérailles de 
Tout-Ankh-Amon, dans la chambre du sarcophage. 



Mémoires , t. LV1L 



6 



42 



G. FOUCART. 



traînage par les «Gens des Villes ». Un groupe d'homme quelconque y pour- 
voyait assez. Quant à la suppression des bœufs, on la constate dès la XVIII e 
Dynastie en plusieurs tombes. Par exemple au tombeau d’Amon-am-hati (voir 
Theban Tombs Sériés, 1. 1 , pl. XIII). Et même dès la période protothébaine : par 
exemple au tombeau de Zaou (cf. Arch. Survey, Deir el-Gebrawi , t. Il, pl. 7). 
Les bœufs ne sont plus représentés en de tels cas que comme indications du 
sacrifice funéraire. 

Malgré toutes ces variantes, le type moyen de la XVIII e Dynastie (dont la série 
des tombes thébaines du tome V de la Mission du Caire réunit provisoirement la 
seule et bien maigre série comparative) continue à être celui qu’adoptent le 
plus volontiers les chapelles au début de la période qualifiée Ramesside; c’est- 
à-dire la représentation simultanée des animaux et des hommes, hâlant à la 
fois sur le câble de traction. Il est assez souvent décomposé en deux sous-registres 
parallèles; et tel est le cas d’Amonmos, où le sous-registre du bas est consacré 
au hâlage par les animaux, tandis que celui de dessus nous montre huit per- 
sonnages en train de tirer sur leur câble. 

Cette décomposition en deux sous-registres n’est pas due exclusivement au 
manque de place qui suggérerait, pour pouvoir serrer -davantage la scène, de 
mettre sur deux plans des hâleurs humains et animaux qui, dans la réalité, 
tireraient sur le même câble. Et d’autre part, en pratique, ce hâlage serait 
aussi absurde qu’impossible sur les sentiers de la nécropole. Il correspond plus 
probablement à autre chose, si l’on note surtout que les bœufs sont placés au 
registre d’en bas, c’est-à-dire à l’indication, dans ce dessin égyptien, du geste 
matériellement le principal. Si les hommes sont en haut, c’est que leur geste 
11e joue plus physiquement qu’un rôle secondaire et que leur hâlage est devenu 
surtout un geste traditionnel, de pure révérence; peut-être même, pour les petites 
gens, et à part les acteurs permanents du drame funéraire, un peu comme 
celui qui dans les enterrements du Caire moderne, fait qu’un des assistants, 
voire un inconnu de passage, aide à porter pour quelques moments les bran- 
cards de la bière. 

Et que le hâlage humain ait à la fois perdu sa nécessité matérielle et gardé 
pour quelque temps encore son caractère archaïque de geste rituel est assez 
démontré par ces scènes où le catafalque, cessant d’être traîné, est porté sur 
brancards ou même est monté sur roues (voir plus loin). En nombre de cas 
semblables, la corde continue à être portée par une file d’hommes, et il 11’y a 
plus là qu'un simple simulacre (par exemple, au tombeau 3 A, ou en certains 



TOMBES THÉBAINES. 



43 



tombeaux de Sheikh Abd el-Gournah, ou encore pour le véhicule dessiné sur 
linge de momie reproduit par Wilkinson). La preuve la plus manifeste que de 
tels gestes puissent devenir de purs symboles apparaît encore dans certaines scè- 
nes de processions figurées dans les Temples. Ainsi, à Medinet-Habou, voit-on 
la châsse de Sokharis, jadis traînée, mais désormais portée sur brancards, en 
même temps que les princes et les grands dignitaires feignent cependant de 
tenir deux longs câbles aboutissant entre les mains de Ramsès III. 

Les hâleurs se distinguent ici-même les uns des autres par quelques diffé- 
rences dans la mise. Elles sont toujours intentionnelles, dans le dessin égyptien, 
et jamais introduites, comme on le ferait aujourd’hui, pour animer la scène d'une 
note pittoresque. Elles peuvent signifier tout simplement un abrégé des diverses 
classes sociales qui participent tour à tour au pieux geste du hâlage. Mais ici, il 
n’est pas impossible non plus que le souvenir des rôles primitifs apparaisse encore 
dans la composition des hâleurs du catafalque d’Amonmos. Des neuf compa- 
gnons reportés en quatre couples, les quatre premiers ont la tête rase et le torse 
nu, tandis que les deux suivants, à perruque frangée, peuvent correspondre à 
des figurants de plus haut rang; peut-être les «gens de Pou et de Doupou» du 
vieux drame (en fait, l’examen de la Paroi D nous montrera qu’il s’agit presque 
certainement de YAm-khent et du Samir, tels qu’on les voit encore dans les 
scènes de la XII e Dynastie et en certaines tombes de la première moitié de la 
XVIII e Dynastie, soucieuses de la tradition). Le personnage qui, la tête tournée 
vers le catafalque, vient immédiatement après eux, mais ne touche point au 
câble, et parait comme un surveillant de la manœuvre, correspondrait au Sam. 
Lui aussi porte la perruque à franges. Enfin la dernière paire de hâleurs a la 
tête rase, mais est vêtue de la tunique à larges manches courtes et plissées. 11 
est à noter, d’autre part, que ni dans ce groupe, ni pour aucun des personnages 
qui vont venir, on ne voit encore sur aucune tête la bandelette de deuil osi- 
rienne, dont le rôle va devenir de plus en plus marqué à l’époque ramesside, 
et dont les douze dignitaires de la cour (l) , hâleurs du traîneau de Tout-Ankh- 
Amôn, sont déjà tous munis. 



Cependant voici qu’à son tour, ce rite du hâlage à la corde par les hommes 
semble perdre lui-même son importance symbolique. Nous l’avons vu renoncer 



H) Cf. Carter, Tutankhamen , t. II, p. 27. Voir plus loin ce qui est dit des marques de deuil, 
à propos de l’assistance d’un service funèbre décrite à la Paroi D, registre 1. 



6. 



hk 



G. FOUCART. 



de plus en plus — et cela de très bonne heure — à ces mentions formelles qui 
faisaient de ses hommes les acteurs d’un grand drame religieux (ou tout au 
moins de ses débris) encore imité de la pompe des funérailles royales les plus 
anciennes. Or, des chapelles ramessides comme celles de Roy (1) , celle d’Ousir- 
hati, celle de Khonsoumosou, ne les font même plus entrer en scène. Ce sont 
les bœufs qui., cette fois, sont seuls représentés. Si bien qu’en apparence, c’est 
la traction par les animaux qui semble avoir la signification rituelle préémi- 
nente : le contraire, exactement, de ce qui paraissait se dégager des exemples 
précédents; et de ce qui, de piano, semblait trouver une preuve décisive à 
son appui dans cette chambre de Tout-Ankh-Amon, citée à l’instant, et où le 
rite du hâlage est exécuté par les douze gens de la cour. Sans doute, pour 
ce dernier exemple, l’exiguité des surfaces accordées à la décoration funèbre 
justi fie-t-elle partiellement cette extraordinaire abréviation d’un cortège royal, 
dont la pompe dut se dérouler dans toute la longueur de la Vallée des Rois 
pour le moins, si la réalité a vu défiler les porteurs de tous les trésors accumulés 
en ce tombeau et tous les corps constitués de la Monarchie. Ces douze hommes 
tirant sur une corde et qui résument ainsi la puissance et le faste des funé- 
railles d’un Pharaon, et cela en un tombeau qui fut rempli jusqu’à toucher les 
plafonds de toutes les richesses imaginables, il n’est j>as de contraste plus 
déconcertant. Mais le fait même qu’entre cinquante aspects ou actes de toute 
la pompe funèbre d’un Roi, le compositeur ait seulement retenu le groupe 
de nos hommes et le hâlage à la corde marque bien, d’autre part, qu’un tel 
acte a été tenu dans ce registre, où tout a été si étrangement abrégé, pour le 
résumé typique qui condense et signifie par irradiation tout le reste du cérémo- 
nial. 

Devant toutes ces variations, et surtout devant cette dernière contradiction, 
on inclinerait à croire qu’il faut renoncer à chercher à établir aucun schéma 
raisonnable d’évolution, parce qu’en fait il n’y en a aucun qui ne soit démenti 
par les faits; et qu’il n’y a, finalement, que des exposés, des énoncés de funé- 
railles, ou chaque atelier a mis à sa convenance tel ou tel mode de traction, 
telle ou telle figuration d’hommes ou d’animaux, l’essentiel étant de figurer un 
convoi en marche vers la nécropole. Cette solution de la libre fantaisie des ate- 
liers arrange toujours commodément toutes choses; et en particulier la recherche 
du moindre effort pour qui l’adopte. Mais jusqu’à la preuve la plus indiscutable 
du contraire, elle est celle à laquelle on ne doit jamais faire créance en 



W Le Tombeau de Roy, fig. 7. 



TOMBES THÈBA1NES. 



45 

matière de décoration funéraire — pour s’en tenir à ce seul domaine. Entre 
l’importance évidente qu’v attache la représentation de Tout-Ankh-Àmon et le 
peu de cas qu’en font Roy et tous ceux qui, à son exemple, ignorent le rite du 
hâlage du catafalque par les hommes, et lui prêtèrent la traction par les bœufs, 
la contradiction apparaît d’abord irréductible. Un essai de conciliation de ces 
données si foncièrement opposées sera pourtant proposé ici pour ce qu il peut 
valoir. Il sera donné l’examen du reste du convoi terminé, joint aux autres par- 
ticularités relevées en cours de route et qui peuvent, par leur ensemble, pré- 
senter par leurs traits communs une sorte de cohésion. Pour l’instant même, 
et sans en tirer encore aucune conséquence, mais à titre indicatif, on notera 
d’abord ces «bandelettes de deuil w uniformes dont les gens du convoi de Tout- 
Ankh-Amon, au lieu de costumes d’apparat distinctifs de leurs hautes dignités, 
ont tous ceint leurs têtes. On remarquera ensuite, dans les deux premières 
des chapelles qui viennent detre opposées à la scène du convoi royal, que si les 
hommes ne traînent plus le catafalque, la même bandelette de deuil apparaît 
portée par les assistants, les membres de la famille, et les officiants; puis, 
qu’au cortège de Nakhiti-Amon (=T. 34i), où il n’y a plus de traction, mais rien 
qu’un reste de simulacre, et où le portage à brancards est devenu le principal, 
tout le monde porte cette bandelette, devenue d’un usage si général également 
dans les scènes contemporaines de Deir el Medineh, comme dans les autres cime- 
tières. On constatera enfin, dans les scènes du Tombeau 3o (= Khonsou-mosou) 
l’apparition sur les têtes des tr pleureuses» et des officiants ou assistants de ces 
coiffes blanches (1) semblables à celles que vont nous montrer les statues des 
«Deux Sœurs» aux pieds du catafalque, et que portent, en certaines chapelles, 
les groupes des femmes qui assistent aux obsèques (cf. infra). C’est par I njuste- 
ment de ces détails nouveaux au reste des faits du même ordre (tous sans signi- 
fication bien marquée, si on les relève isolément ou pour eux-mêmes) que l'on 
peut arriver à établir qu’il y a tout autre chose que désordre et manque total 
apparent de séries à évolutions rationnelles. Ces faits, qui semblent n’avoir 
pour toute explication que le caprice du compositeur, correspondent à une série 
continue de petits changements incessants dans les idées; et la série matérielle 
des images en enregistre au fur et a mesure la traduction régulière; mais tantôt 
l’un, et tantôt l’autre seulement. 

0) Tombe 3 o. Paroi C'. Personnages à coiffes blanches. Registre 1 : les pleureuses, les gens de 
la famille se lamentant à la hauteur du traîneau funèbre. Registre 2 : les officiants du Rituel de 
1 ouverture de la bouche, les enfants aux pieds des cercueils, le porteur des situles, le sam encen- 
sant le catafalque, plusieurs porteurs (Tombe inédite. Notes p-ises à Thèbes, 1 9 3 3). 



h 6 



G. FOÜCART. 



Pour préciser cependant dès ici, on accordera de ne trouver pour l’instant 
qu’une assertion, dont l’argumentation ne peut être présentée qu’une fois le 
convoi examiné tout entier et qui peut se formuler ainsi : 

Les funérailles privées ont procédé jusqu'ici de la vieille donnée : l’Osiris 
évhémériste, Roi d’Egypte et ancêtre légendaire des Rois, aux drames et aux 
troupes funéraires que les défunts doivent avoir pour modèles. Le rite du traî- 
neau et des «Gens» des Villes Mythiques y est incorporé. R est concevable que 
le Cortège Funèbre d’un Tout-Ankh-Amon soit dans les derniers à renoncer à 
une telle tradition; quitte, comme le font déjà tant de particuliers, à ne plus 
énojicer expressément les noms des acteurs traditionnels. Dès l’immédiat pré- 
ramesside, i'Osiris des funérailles tend cependant à être surtout le Roi des 
Morts, et les défunts ses sujets directs. Aux rites traditionnels des drames d’an- 
tan, se subtituent les affirmations du drame osirien, et de tout ce qui marque 
l’union des féaux à un Maître. Plus que le traîneau et ses gens, les marques de 
l’appareil osirien, du deuil osirien, de la mort osirienne y pourvoient. En même 
temps que d'autres actes, plus personnels à la famille et aux proches, associent 
aux défunts la douleur et les prières privées des leurs ou de leurs groupements 
religieux. 

* 

L’évolution probable, de la valeur symbolique attachée à l'exécution du rite 
du hâlage ainsi provisoirement réservée, l’interprétation matérielle pure et simple 
de l’image reste à préciser. A quoi peut revenir, dans un convoi véritable, 
l’étrange figuration qui nous est proposée ici, de ces deux câbles où peinent 
d’un côté une file d’hommes et de l’autre des animaux? Comme toutes les autres, 
ou presque, elle peut correspondre à mainte chose, sauf à la réalité. Amonmos 
ne saurait faire exception. Et, en ces matières, l'image qui nous semble parfois 
la plus près d’une représentation exacte de la vie est généralement aussi la plus 
trompeuse. Une seule chose est bien certaine, c’est que jamais ni les hommes ni 
les bœufs n’ont été groupés comme on nous les fait voir de tant de manières 
différentes, et contradictoires au demeurant. Pour l’intelligence générale des 
tombes thébaines, la raison veut bien qu’on s’y arrête à ce propos particulier. 

C’est qu’en ces scènes où nous cherchons toujours une représentation, le com- 
positeur, en ordonnant la décoration générale du panneau, n’y a cherché, sur 
chaque énoncé de détail de sa démonstration, que l'exposé d’une assertion. Voilà 
qui n’a aucun rapport avec le souci de saisir et de fixer une image aussi exacte 
que possible de la vie. 11 s’agit d’affirmer ce qui s’est passé. C’est à nous de 



TOMBES THÉBAINES. 



47 



savoir comment, au cas où nous nous avisons de vouloir reconstituer l’image de 
levénement. Et si cette image se trouve d’aventure, fugitivement, ressembler 
à un tableau de la réalité vivante, ou tout au moins côtoyer cette réalité, ce 
n'est jamais, pour ainsi dire, qu’un effet du hasard. 

Ce caractère d’assertion, qui domine l'immense majorité de ces représenta- 
tions, commande tout essai d’interprétation, puisqu’elle fait d'un panneau de 
tombeau une série d’intitulés documentaires et non de tableaux. C’est parfois 
l'écriture qu’on emploie. C’est ailleurs une peinture qui, de vrai, est donc une 
pictographie. Mais — et en Égypte plus qu’ailleurs — pictographie signifie bien 
écriture, et l’écriture suppose une lecture. Une moitié peut-être des scènes de 
ces tombes veut dire autre chose que ce que l’assemblage de ses signes picto- 
graphiques nous fait prendre pour un tableau. Qui croirait, à voir le prêtre 
Khonsou (=T. 3o) assis sous un arbre au milieu des champs, qu'il s’agit d’une 
scène de la vie agricole serait certes fort loin de la vérité. . . Il ne s’agit même 
pas de l’intention générale, de la thèse d’ensemble qu’entend présenter le total 
des murs d’une chapelle, ou même d’un groupe déterminé de scènes, et où ce 
n’est pas de trop de tout ce que nous pouvons savoir de la société égyptienne 
pour tenter la synthèse. 11 s’agit, beaucoup plus humblement, de savoir à quoi 
pouvait servir telle figuration isolée et, le sachant, de la reconstruire en ce que 
nous appelons une image, c'est-à-dire une représentation de la vie. 

Sur le point des funérailles, et pour s’en tenir au plus gros, l’assertion peinte 
correspondait à ces articulations dont des stèles comme celle d’Àmon-am-hati, 
et celle de Tohouti surtout, ou un morceau littéraire comme la description de 
Senouhit nous présentent, en écriture cette fois, la série essentielle : le défunt 
avait bien subi le traitement rituel de l’embaumement possédait bien un ap- 
pareil funéraire®, une demeure, etc. . . . Sur la partie du rr convoi, service et 
enterrement», en particulier, il avait bien été mené à sa demeure dernière 
suivant les rites, on avait bien aspergé de lait la route qui y conduit. Il y avait 
bien eu tels personnages, tels gestes, telles manifestations traditionnelles et 
obligatoires de la douleur On verra, après le convoi, la peinture du 

W II n’est question ici que de ce qui intéresse directement le ou les propriétaires de ïa Tombe. 
Les assertions familiales, contemporaines ou .postérieures procèdent de façons très distinctes. Elles 
constituent assurément un des chapitres les plus curieux de l’histoire de la décoration funéraire. 
Les premiers exemples caractérisés en seront donnés ici à propos des pseudo-banquets. 

Cf. supra , p. 9, note i. 

Cf. Sinouhit, V. B., 190-196. 

Cf. T. 82 (= Amon-am-hati) et Davies-Gaudiner, op. laud , p. 72. 

^ Sur tous ces points, voir la stèle de Tohouti (= T. 110), dans l’étude déjà citée de Davies. 



48 



G. FOUCART. 



service reprendre une à une des assertions analogues. Toutes choses, en somme, 
aussi nécessaires que le serait, dans la rédaction d’une lettre de deuil, l’énoncé 
que le défunt a été pieusement inhumé, ou dans un «faire part», la mention 
qu’il a quitté ce monde muni des derniers sacrements. Quant au reste des 
afïirmations indispensables à ce qui suit les funérailles : la propriété du tombeau, 
les droits de la famille, la protection du Roi ou du Temple s’il est besoin, la 
garantie de l’entretien du culte, c'est à quoi va s’évertuer une bonne partie 
du reste des scènes : nous les appelons, pour les besoins de la description, 
cf biographiques », «calendriques», etc. Le surplus, à la façon d’un «Livre des 
Morts » guidera et assurera la survivance au delà du Tombeau et dans le 
domaine du Divin. 

A n’appliquer ici le fonctionnement de ce mécanisme qu’à l’interprétation 
matérielle du convoi, il est aisé d’en déduire l’application à sa «lecture». Ses 
articulations particulières mises en place, et dans l’ordre du temps, il s’en 
suivra plus ou moins, pour l’ordonnance générale, un ordre optique à peu près 
logique qui nous donnera faussement l'illusion d’un tableau. Pas toujours. Il n’y 
a rien de plus absurde, par exemple, au point de vue tableau, que le prétendu 
convoi deNofîrhotep ou que celui d’Ousirhati; et les invraisemblances de celui de 
Ramos sont éclatantes. Mais y eût-il même un semblant de copie de la réalité 
dans un défilé de convoi considéré en son ensemble, qu’il serait vain d’espérer 
l’y trouver avec sécurité à l’intérieur de chacun des éléments pris isolément. 
Pour chacun de ceux-ci, le dessinateur obéit à sa préoccupation impérative de 
lui faire rendre, dans le temps ou dans l’espace, le plus possible de ce qu’il doit 
assurer. Quitte à mêler ou superposer les actes; ou à en exprimer d’autres qui 
sont antérieurs à ceux que figure l’épisode précédent. . . On s’imagine aussitôt 
à quoi le total peut mener, en fait d’images invraisemblables ou incompré- 
hensibles, pour qui s’obstine à les voir au lieu de les lire, ou ce qu’en peut tirer 
celui qui se borne à décrire matériellement ce qu'il y a de peint ou de dessiné. 
Passe encore pour les funérailles, où la simplicité élémentaire du sujet s’oppose 
à la multiplication outrée de ces exubérances. Mais en matière d’assertion biogra- 
phiques ou de fondations de cultes, cela devient une autre affaire. 

Il y a les cas où l'invraisemblance se déchiffre à première vue. Quand, par 
exemple, elle s’en tient au procédé cumulatif. Comme au Tombeau 1 6 1 (== 
Nakhti E), où les deux phases successives du hâlage et du portage à brancards 
sont combinées en un acte hybride : et personne ne songe à ce que les deux files 
des hommes et des bœufs aient à tirer sur un catafalque qui vient ensuite porté 
sur ses brancards. L’indication d’actes successifs n’est toutefois qu’une première 



TOMBES THÉBAINES. 



h 9 



approximation, une « lecture v provisoire. II faut y préciser d’abord que les 
porteurs de brancards sont les mêmes gens que ceux qui tirent sur le câble — 
et ceci résulte des variantes à intitulés nominatifs. Il faut comprendre, ensuite, 
que ce hâlage à effort combiné des bêles et des hommes correspond à une série 
de tractions distinctes, où les bœufs seuls tirent dans les parcours rectilignes, 
et où l’effort des hommes intervient aux sinuosités du chemin. Mais cette inter- 
prétation, si peu compliquée, n’est pas vraie pour toutes les scènes construites 
d’après un tel procédé. Si le cercueil de Nakhti-Amon (=T. 3 Ai) est figuré porté 
de même à brancards, et si devant lui, deux files d’hommes, mais sans l’aide 
des bœufs, sont figurés en train de tirer sur le câble, il n’y a de certain qu’une 
chose élémentaire : c’est que le geste des hâleurs ne peut être qu’un simulacre. 
Mais il n’est plus sûr, cette fois, que nos hommes soient les porteurs des bran- 
cards figurés dans une seconde action; car les personnages ne sont plus tous 
les mêmes. 11 se peut donc que le tout représente des actes qui ont lieu en 
même temps, et que les gens à bandelettes qui tiennent le câble l’aient bien 
tenu dans le même temps que le cercueil est porté sur les brancards. Auquel 
cas leurgeste devient un symbole, un simulacre d’honneurpur etsimple, quelque 
chose comme tenir les cordons d’un poêle. 

Ce ne sont là que les lectures les plus élémentaires. Certaines invraisem- 
blances, plus compliquées, ne se laissent pas ramener aussi aisément à leur 
traduction assurée. Passe pour des figurations comme celle du convoi de Ramos 
ou d’Ousir-hati ou de Menna. 

Mais, au fur et à mesure que dans la série chronologique, l’attestation sym- 
bolique prend le pas sur la traduction picturale des épisodes matériels, on voit 
de plus en plus jusqu’à quel point, même dans des épisodes aussi simples que la 
traction d'un traîneau funèbre, le compositeur peut en prendre à son aise avec 
la réalité. Au convoi d’un certain Amon-am-Apit, les quatre bœufs rituels qui 
devraient traîner le catafalque se métamorphosent ridiculement en quatre 
Vaches-Haïthor, équipées avec tout leur appareil de plumes, de housses, de mo- 
nail, etc., des «Nourrices du Soleil». L'idée nouvelle des «chemins d Haïthor» l’a 
emporté sur toutes les autres (1) quitte à perdre tout souci de figurer la réalité. 
Mais l avait-on jamais eu? 

S’il est, en tous cas, quelque figuration qui soit bien la plus invraisemblable 
de toutes, c’est justement celle qui, à première vue, serait acceptée comme la 

W Cf. Rosellini, Mon. G., t. II, pl. 1 97 (n° 1 ). Cette déformation, et sa progression, ainsi que 
ses conséquences iconographiques, seront esquissées un peu plus loin, à propos du rituel de l'asper- 
sion du lait. 



Mémoires, t. LVII. 



7 



50 



G. FOUCART. 



moins conventionnelle : cette sage et longue file de bœufs et d’hommes qui 
tirent sur une corde unique. Elle remonte aux procédés archaïques d’étirement 
à l’infini sur une ligne unique de tous les acteurs d’un épisode, et elle n’est pas 
plus particulièrement employée à Thèhes qu’ailleurs. Le convoi ramesside de 
Miri, à Memphis (1) nous montre le même câble de longueur démesurée que les 
chapelles ou les autres monuments des ateliers théhains. Les dimensions de ce 
câble imaginaire sur les côtés de cercueils ramessides à scènes de convoi® nous 
expliquent comment l’absence des sous-registres a pu justifier autrefois le pro- 
cédé. 11 est aisé de se rendre compte de ce qui se serait passé, dans la réalité, 
et à la première sinuosité, avec un hâlage exécuté de la sorte. Mais quand on 
en arrive à la vision d’absurdité pure et simple, comme l’invraisemblable file et 
les câbles démesurés de Montou-hir-kopsbou-f (=T. 20 ), il est si évident que le 
dessinateur n’a jamais pensé à traduire la vision d’un acte réel que les erreurs 
de traduction sont moins à craindre que dans les images d’aspect plus accepta- 
ble. On sait à l’avance qu’il faut y chercher une assertion, et non une scène 
ayant quoi que ce soit de réel. Le procédé «par accumulation-» est là pour nous 
guider et suggère, s’il ne le démontre pas (le contexte est nécessaire pour y 
parvenir) qu’il s’agit, une fois de plus, d’épisodes successifs qui, ayant tous 
le hâlage comme thème initial, ont été condensés parce moyen d’une corde 
unique. 

Ce que voulait signifier la représentation d’Amonmos se rattache au processus 
général de tous ces moyens conventionnels. L’explication suggérée plus haut de 
cette double file, l’une exclusivement faite de bœufs, l’autre d’hommes, peut bien 
répondre à une partie des intentions du dessinateur. Mais elle se complique 
fort possiblement d'une autre idée, celle de grouper ensemble les quatre couples 
de hâleurs, à costumes distincts, pour en faire comme un raccourci des groupes 
canoniques qui ont participé encore, comme autrefois, au hâlage du défunt. La 
réalité les aurait séparés, en arrière des bœufs, peut-être sur chacun des deux 
câbles, simulant le hâlage, et prêts, à certains moments, à maintenir l’équilibre 
ou la direction du traîneau. Le groupement factice de ces huit compagnons, en 
ordre hiérarchique, rappelle mieux, pour le spectateur du temps, l’ordonnance 
de ceux qui participèrent aux funérailles d’Àmonmos. Et il est même possible, 
sans être taxé de subtilités imaginaires, que le chiffre des personnages ait été 
choisi avec art : qu’ils soient «les Huit» ou «les Quatre» répétés pour chacun 
des deux côtés symboliques de la route funèbre; ou encore que par l’adjonction 

M Musée de Leiden, Stèle 49. = Wreszinski, Atlas, I, pi. iai. 

^ Cf. e. g,, Earl of Carnaryon and Carter, Five years , pl. LXIII (cercueil n° 7/1). 



TOMBES TIIEBAINES. 



51 



du personnage unique qui ne haie pas, ils donnent l’image d’une Paouit, d'une 
«Neuvaine» avec son chef et ses quatre couples. 

Se figurer, en fin de compte, le dispositif matériel auquel correspond cette 
image irréelle d’Amonmos est grandement facilité par ce qu’en suggère l’aspect 
du terrain sur lequel le cortège avait à se mouvoir. 

Le champ des nécropoles thébaines ne ressemblait en rien, en ce temps là, 
à l’informe terrain bouleversé et d’aspect lunaire d’aujourd’hui. Il y avait beau- 
coup moins de sable, et beaucoup plus de rocaille et de pierraille. Les routes ou 
les chemins qui sillonnaient ces cimetières ne ressemblaient pas davantage à 
des avenues monumentales, hors ce qui menait de la lisière du désert à des 
Memnonia, à Deir el Bahari, aux vvadys royaux du Biban-el-Harîm ou du 
Biban-el-Molouk. Là où l'on devine encore, en terrain désertique, ce qu a pu 
être une route de l’Egypte ancienne, c’est la même rudesse grossière qui con- 
traste si fort, dans les entrées des Temples eux-mêmes, avec la magnificence 
des bâtiments. Une sorte de piste étroite, sommairement planée en terrain 
rocheux, et directement pavée, dans les creux sablonneux, de gros éclats in- 
formes, enfoncés vaille que vaille. Sa largeur et son poli ressemblent beaucoup 
à ces rudes glissières centrales pour sarcophages, avec bas côtés, que l’on peut 
voir si souvent aux entrées des syringes, des tombes des Reines ou de nombre 
de tombes privées à descentes au caveau en plan incliné. 

C’est bien, suivant. toute apparence, sur des «routes» de ce genre que devait 
s’avancer le traîneau mortuaire d’Amonmos, et, comme on le pense, non pas 
sans heurts ni secousses, mais à frottement dur. 

Une traction à câble unique et dans des chemins en lacis, à pentes ou à ram- 
pes successives est à écarter en de pareils terrains. Hommes ou animaux — et 
Bruyère l’a déjà signalé — , c’était sur les bas côtés et à courte distance qu’ils 
tiraient; en deux équipes placées pour l’ordinaire à la même hauteur, mais 
capables de se déplacer individuellement et rapidement dans les tournants et les 
mauvais endroits. Et somme toute, une fois dégagées les fausses indications de 
détails intérieurs des groupes ou de places respectives des hommes et des bêtes, 
ou celles des longueurs proportionnelles des câbles, etc.; et après que l'on a 
redressé les perspectives à l’égyptienne, les scènes qui serrent le plus près la 
réalité de ce hâlage d’un catafalque sur traîneau sont peut-être celles qui nous 
font voir deux attelages, en sous-registres superposés et tirant à la même hau- 
teur W. C’est finalement à ce type qu’il faut probablement ramener la traction 



E. g., T, 161, 277, etc. 



52 



G. FOUCART. 



d’Amonmos, dûment décomposée en ses éléments si facticement assemblés sur 
la fresque. 



Les premières buttes rocheuses des nécropoles marquaient à l’ordinaire le 
terminus de ces routes rudimentaires. La sente leur succédait. Là cependant où 
le cimetière se déploie, ou à peu près, en collines régulières, et où les tombes 
peuvent s’aligner, pour le gros, en banquettes superposées, naturelles ou com- 
plétées de main d’hommes, des rampes d’accès pouvaient conduire les attelages 
fort près des sépultures. Les routes de ce type, et jusqu a des auges pour les bœufs, 
ont été relevées fort exactement au cours des fouilles de Deir-el-Medineh 

Quel que fût le point où cessait le traînage, il marquait le début d’un nouvel 
acte religieux : le portage à brancards. Et l’on verra plus loin combien de petites 
questions encore mal connues soulèvent aussitôt le problème matériel de faire 
passer l’appareil funèbre du traîneau au pavois. Le traîneau et, le cas échéant, 
le catafalque extérieur étaient laissés. Ceux des Pompes Funèbres du temps re- 
prenaient le chemin du dépôt. Ceux que les moyens du défunt avaient permis 
à la famille de faire spécialement construire pour les obsèques étaient tôt ou 
tard démontés, et leurs pièces principales entassées dans quelque réserve annexe 
du caveau. Quelques débris s’en retrouvent parfois dans les décombres que l'on 
extrait à Deir-el-Medineh ou ailleurs des puits et de leurs ramifications. Parfois 
même, la pièce d’honneur du catafalque, le traîneau, était insérée, et non sans 
peine, par l’étroite porte, à l’intérieur du caveau. Il servait alors de socle 
mystique à ces naoi qu’à l’exemple des Princes, on édifiait au-dessus du cercueil 
et de son lit (voir plus loin, à ce qui en est dit à propos des types de catafalque). 



IV. — L’AFFUSION DU LAIT. 






m (2) 



(STÈLE SUD DE TOHOUTI, L. 910). 



Placé un peu en arrière des trois bœufs et de leur bouvier, un officiant à la 
tête rasée, chaussé de sandales et vêtu du simple pagne demi-long, tient de la 

W Voir à ce sujet la série des rapports de Bruyère, passim. 

^ N. de G. Davies, Tehuti , Owner of Tomb 110 ai Thebes, pi. ho ( = Studios presented to F. Ll. 
Griffith, i 932). 



TOMBES THÉBAINES. 53 

main gauche 1 anse de suspension d un vase ^ cjue terminent en haut deux 
anneaux ou oreilles, auxquelles viennent s’ajuster les deux extrémités inferieures 
de l’anse. Dans la main droite, il serre une sorte de petit balai, fait apparem- 
ment de brindilles dont les extrémités inférieures, ligottées ensemble par des 
tresses de paille ou des cordelettes (1) , forment le manche. Les pointes termi- 
nales sont tournées vers le sol, pour indiquer que l’officiant se sert de l’objet 
pour asperger le terrain. 

La couleur jaune employée par l’enlumineur (2) indique qu’il s’agit d un objet 
métallique, et non d'un récipient de terre ou d’une de ces gourdes ou calebasses 
dont on voit souvent par ailleurs les représentations. D’autre part (et compte 
tenu des inexactitudes habituelles au dessinateur dans la figuration de ces petits 
accessoires) l’aspect général de ce vase se rapproche trop de certains récipients 
réels que nous possédons encore pour qu’il y ait hésitation à y reconnaître une 
de ces belles situles de bronze (3) , dont on se servait dans les temples ou dans les 
nécropoles, et dont nos Musées possèdent de magnifiques séries. Cette identifi- 
cation est intéressante pour l’intelligence du rite représenté ici. 

La scène d’Amonmos place notre officiant en arrière de l’attelage des bœufs. 
Et voilà un nouvel exemple du peu de sécurité qu’offrent ces représentations à 
qui veut identifier le temps ou le lieu d’un geste rituel. Les emplacements du 
porteur ou des porteurs de silule varient d’une tombe à l’autre. La chapelle 
du Nakhti de Bruxelles place l’aspersion tout en tête du convoi (4) . Ailleurs, 

(D Plus probablement un de ces petils fagots, faits de liges de papyrus, dont on a retrouvé plu- 
sieurs specimens dans les caveaux thébains. Il est possible que ces sortes de goupillons, employés 
pour divers rites funèbres, aient été déposés près du corps après le service de l'inhumation, en 
manière de phylactères ou comme attestation de l'exécution du service. Plusieurs Musées en con- 
servent de très complets exemplaires, ordinairement classés dans les sections de la vannerie. Les 
antiquaires de Luxor en détiennent au surplus un nombre considérable provenant des spoliations 
habituelles de la nécropole. 

( 2 ) C’est de la même couleur qu’est figurée la situle du défilé funéraire des Deux Sculpteurs (voir 
note 2 , p. 58) et dans presque tous les défilés ramessides. 

CT Cf. Catalogue du Musée du Caire, Bissikg, Mctalgefâsse , n°’ 3 A A4 à 346g. 

Il n’existe pas d’étude monographique complète sur cette série archéologique. Comme la signale 
Boreux, les classements par les textes et les représentations aboutissent à discerner un certain nombre 
de catégories correspondant à autant d’usages différents, suivant quil s agit de celles employées 
dans le cérémonial du Temple ou dans les rites particuliers aux cultes funéraires. Cf. Boreox, 
Catalogue Musée du Louvre, éd. i 9 3a, p. 3ga. Le type à fond plat d’Amonmos est assez rare. 

( 4 ) = x. 161 , à Dira' Abou’n-Naga. Toute celte scène est détruite aujourd’hui dans la chapelle 
réelle. L’exactitude de la copie de Bruxelles sur ce point, d’après Hay, est assurée par des variantes 
similaires, encore inédites. 



54 



G. FOUCART. 



le rite s’accomplit à hauteur des bœufs, et l’aspersion semble se faire sur 
leur dos (l h Ailleurs, l’homme chemine mêlé aux hâleurs, et sans esquisser 
aucun geste, porte deux situles au bout d’un fléau à deux crochets {2) . Le cor- 
tège de Roy nous le montre directement en avant du traîneau funèbre. Ainsi, 
tout est de nouveau ici conventionnel et soucieux uniquement d’assurer que 
le rite du lait fut dûment accompli. Tout est probablement aussi abrévia- 
tion . 

La représentation du Nakhti de Bruxelles, sur ce détail au moins, doit serrer 
la vérité de plus près, en nous montrant deux officiants, chacun en avant d’un 
des deux attelages de remorque. Et les scènes comme la présente, dans la diffi- 
culté matérielle quelles avaient de placer convenablement les deux hommes à 
situle, ont recours au moyen consistant à n’en mettre qu’un, en confiant la 
seconde situle au bouvier. Sa profession, toujours reconnaissable à sa physio- 
nomie traditionnelle, indique assez que le vase qu’il tient aussi doit contenir 
de lait rituel et par déduction, on comprendra qu’un second vase suppose qu’il 
y avait un second officiant pour le manier. Une convention encore plus outrée, 
dans le cas où il faut condenser faute de place, supprime tout officiant véritable, 
et semble confier le rite au rustre de l’attelage {3) — ce qu’on aura peine à 
supposer être la traduction de la réalité, à moins d’admettre que des portions 
d’un cérémonial religieux pouvaient être exécutés par le premier venu. Mais si 
les deux personnages de Nakhti sont plus sincères sur la question du nombre, 
leur place est invraisemblable, en avant des attelages, ce qui leur fait asperger 
les bas côtés de la route, alors que la voie centrale où va passer le corps du 
défunt ne recevra rien. Et plus invraisemblable encore l'homme d’Amonmos, qui 
n’aspergera qu’une des deux sentes. En fait, le dessinateur, confiant dans la 
sagacité du lecteur de la scène, qui savait où et comment se passaient les choses, 
s’est borné ù lui affirmer l’existence de l’exécution du rite. Il s’est préoccupé 
seulement de loger son homme. Le placer derrière la file des hâleurs était 
impossible. Le mettre entre les deux files et dans l’axe du traîneau — c’eut 
été la vraie place — dérangeait toute l’économie des deux sous-registres. Et 
n’oublions pas qu'il aurait très probablement fallu mettre deux porteurs de 
situles. Tout s'est arrangé en supprimant le second et en mettant le premier 
n’importe où. 

(1! Ainsi, au Tombeau des «Deux Sculpteurs » et au Tombeau de Panehsy. 

121 Tombes inédites i4 et 3o. 

(3) E.g., Tombes des rDeux Sculpteurs», de Panehsy, et celle inédite de Sî-Roy (=T. 233, 
etc.). 



TOMBES THÉBA1NES. 



55 



L’aspersion par le lait au cours du transport sur les chemins de la nécropole 
est constante dans les scènes ramessides^, et on l’a déjà relevée ici même dans 
les scènes des chapelles de Roy et de Panehsi. Elle n’est pas cependant une 
nouveauté. D’abord, on peut la retrouver dans un certain nombre de scènes de 
la XVIII e Dynastie, et notamment, parmi les tombes publiées, au tombeau de 
Rekhmara ainsi que dans celui des Deux Sculpteurs. En même temps, le texte 
de Tohouti, cité en exergue de la présente section, prouve que le rite était re- 
gardé, dès cette date, comme une partie du cérémonial canonique. D’autre part, 
si l’on examine le détail des scènes de convoi de la XVIII e Dynastie avec quelque 
attention, on constate qu’en nombre d’entre elles, des situles de même forme et 
de même couleur jaune que celles employées pour l’aspersion sont tenues à la 
main, et souvent sans aspergeoir, par un des figurants mêlés au groupe des 
hâleurs du câble; ou encore, et de nouveau, par le bouvier de l’attelage. Tel 
est le cas pour le grand cortège d’Harmhabi (2) , celui de Ramos et plusieurs autres 
tombes, comme la précédente encore inédites^. La représentation du vase, avec 
la forme et la couleur consacrées, est donc regardée dès ce temps comme une 
assertion graphique de valeur sufïisante que l’acte de l’aspersion du lait a été 
dûment exécuté au cours du transport funèbre. Il en est encore de même pour la 
tombe saïte (e.g - ., T. 196). D’autre part, les scènes de convoi de Deir el Medineh 
(e. g., T. 218, 219, 3 ûo et Nakhti Minou) montrent que le rite de l’aspersion 
par le lait s’exécute encore aux Dynasties XIX-XX au moyen de simples récipients 
tenus à la main, et non de situles métalliques à anse. Il n’y a pas lieu, ce 
semble, de penser que l’appareil ait évolué en sa forme ou en sa matière de la 
XVIII e à la XX e Dynastie. Plus simplement, comme pour tout matériel de 
pompes funèbres, les récipients étaient proportionnés au reste du train du 
convoi. Les gens de Deir el Medineh, d’assez modeste condition, usaient de vases 
de terre. Pour ceux que les peintres nous ont montrés jaunes, c’est-à-dire en 
cuivre, les uns (ceux, probablement, de nos séries muséographiques qui n’ont 
pas d’inscriptions) (4) appartenaient aux entrepreneurs de convois; ceux à déco- 
rations et légendes appartenant en propre au défunt^, ou faits pour lui à cette 

W Les lombes ramessides inédites où ce vite a été relevé se montent provisoirement pour le 
moment à i 4. (Notes prises à Tkèbes, ig33.) 

W CL la reproduction en couleurs de Wilkinson, Mamers and Customs, t. V, pi. 83 (derrière le 
traîneau du Tikanou). 

(3) Notes prises à Thèbes , ig32. Ainsi, au tombeau de Menna. CL également les T. 53,55,56, etc. 

E. g., Musée du Caire, Catalogue , n os 3456, 3457, 3458, etc. 

^ CL infra pour les références. 



56 



G. FOUCART. 



occasion, devaient être, après la cérémonie, placés dans la chapelle où ils ser- 
vaient, par la suite, aux services célébrés au courant de l’année, et, notam- 
ment, à recevoir l’eau sacrée qu’on apportait tous les dix jours à Medinet 
Habou (1) . 

Les scènes de Deir el Medineh ne laissent pas de doute sur la destination de 
ces pots tenus à la main, puisqu’on y voit pratiquer le rite au moyen de l’asper- 
geoir. Mais si l’on applique à ces récipients le même procédé de comparaison 
que pour les situles proprement dite de couleur jaune, on découvre qu’égale- 
ment pour ces pots rouges ou noirs, les scènes de la XVIII e Dynastie, en assez 
grand nombre, les placent entre les mains de personnages qui se bornent à les 
tenir sans procéder à aucune aspersion. Il est bien probable que là également 
il s’agit toujours d’une assertion pictographique de l’exécution du rite. 

Il résulterait de cet ensemble de remarques que la XVIII e Dynastie a connu 
et pratiqué assez largement la représentation de l’acte. Mais celle-ci n’est pas 
encore d’un usage général et constant, comme il en sera pour les ateliers ra- 
messides (2 h La question de la date précise de l’introduction de ce rite dans 
l’économie de l’ordonnance du convoi resterait à 1 établir. Elle suppose au préa- 
lable la possession d’un répertoire chronologiquement dressé des scènes de funé- 
railles thébaines de la XVIII e Dynastie. Dans l’état encore si provisoire de la 
documentation, et à s’en tenir à la quarantaine de représentations utilisées 
ici-même, l’apparition de la situle ne semble pas antérieure au règne de 
Thotmès III. Il est très significatif quelle ne ligure pas dans des tombes de 
l’immédiate première partie de la XVIII e Dynastie, comme celle de Tetaky (= 
T. 1 5 ) f3) . 

A l'inverse, on voit progressivement se raréfier, puis disparaître la figuration 
bien connue, et si générale dès les scènes memphites, de l’homme qui, placé 
devant le traîneau, déverse les Ilots d’eau de son outre. Employée devant les 
figurations de transports sur traîneau de statues, de monuments lourds tels que 
des colosses (4) , les mastabas nous la montrent également usitée pour le bâlage 
du catafalque (5 h La représentation semble n’être plus qu’accidentelle dans les 

^ Cf. E. g., Pierret, Inscr. inédites du Musée du Louvre, II, p. n 3 et 121. 

(2) Pour le type ramesside courant, ajouter provisoirement aux spécimens donnés dans le pré- 
sent volume les trois exemples des tombes 222 , 2y3 et 277, toutes trois situées à Gournet-Mourraï, 
et toutes trois inédites. ( Notes révisées à Tlièbes, 1 g 3 3 . ) 

W Earl of Carnarvox and Carter, Five year’s.. . . , pl. VII. Ni au tombeau d'Eïnna (=T. 81). 

E. g., la célèbre scène d’El Bershèh. 

E . g à Gizeh (d'après des photographies inédites dont la communication est due à la cour- 
toisie du D r Reisner). 



TOMBES THÉBAINES. 



57 



tombes thébaines de la XVIII e Dynastie. A nouveau, la scène du tombeau de 
Tetaky s’avère significative, en montrant par sa date la persistance du rite de l’ef- 
fusion de l’eau, à l’exclusion du lait. En attendant que la date précise puisse être 
mieux assurée, nous avons toujours provisoirement un posl quern chronologique. 

On la retrouve encore par la suite à plusieurs exemplaires dans nos nécro- 
poles (1 h Mais le fait quelle coexiste alors avec l’aspersion du lait, et que les deux 
actions soient simultanément accomplies encore quelquefois à la XIX e Dynastie (2) 
semble écarter toute idée que le rite du lait ait pu se substituer, comme on l’a 
pensé quelquefois, à l’effusion de l’eau, ou correspondre à une idée analogue. 
L’eau n’a probablement pas eu en l'affaire de valeur religieuse (celle d’un rite 
de purification ou de magie mimétique, par exemple). Des deux explications 
proposées à l’ordinaire sur sa signification, la première, que c’est pour faciliter 
le glissement du traîneau sur le sol (et ce, en versant de l’eau à quelques centi- 
mètres en avant de ce traîneau) laissera profondément sceptiques tous ceux qui 
auront eu l’occasion de procéder sur le terrain à nos expériences de vérification. 
La seconde, suggérée en même temps par Maspero (3) , explique cette affusion de 
l’eau par la préoccupation d’empêcher le bois du traîneau de prendre feu par le 
frottement. Les expériences sur le terrain montrent en effet, qu’à la grande 
rigueur, un appareil de bois supportant une certaine charge et tiré à une cer- 
taine allure sur un terrain rocheux est susceptible de s’échauffer, et par instants, 
si on n’a eu la précaution de le suiffer, de dégager de la fumée, comme le ferait 
un berceau de construction navale au moment du passage du bateau à son lan- 
cement. Quoi qu’il puisse en être, la probabilité la plus grande, mais sans plus, 
est qu’il s’agit d'une opération de métier, sans signification religieuse. À titre de 
pure conjecture, on peut se demander, en pareil cas, si la disparition du porteur 
d’eau déversant les Ilots de son outre n’aurait pas coïncidé avec l’emploi de 
ces petites roues grossières, dont il sera parlé un peu plus loin à propos du 
traîneau, et qui rendaient inutile l’emploi de l’eau. 

O E. g., au T. de Ilekhmara. Cf. éd i Li on Virey, pi. XXI (= Mission du Caire, t. V). H ne reste 
plus que l'intitulé. La mutilation existant au T. (=Nibamon) entre les bœufs et l'homme qui 
déverse son outre devant le traîneau ne permet pas de se prononcer sur l’existence ou l'absence 
du porteur de situle. De même au convoi d’Eïnua (cf. Wilkinson, M. and C., S. 2, p. A22, 
fig. 5o2. Tout ceci est aujourd’hui détruit. Cf. la publication de Boussac, Mission..., t. XVIII). 

l2) Tombeau de Miri (XIX e Dynastie), Leiden, Stèle n° /19 (= Wreszinski , Atlas, pi. A21), où 
c’est le même officiant qui, de la façon la plus invraisemblable, répand l’eau de l’outre, et tient 
en même temps la situle du lait. Ceci vient encore à l’appui des remarques faites à propos des 
porteurs de situle. 

(3 1 Etudes Egyptiennes, t. I, p. j 1 4. Maspero attribue les mêmes utilisations pratiques au lait. 

Mémoires , t. LYII. 



8 



58 



G. FOUCART. 



L’aspersion du lait, elle, au contraire, constitue à l’évidence, un geste ayant 
un sens symbolique. Et il doit être tenu pour important, puisqu’on le voit 
figurer dans des scènes même extrêmement abrégées du temps ramesside; par 
exemple en celles des cercueils Davies a suggéré comme interprétation un 
simple geste évonyme, analogue au souhait oriental crque ton jour soit comme 
du lait 55. La plupart des tombes se contentent de figurer l’acte ou son abrégé 
par la situle, sans aucune légende explicative, comme c’est d’ailleurs le cas ici. 
Ou bien, ainsi que le fait Roy, de vanter l’excellence de ce lait. L’importance 
de l’acte est pourtant attestée par le fait que l’inscription de Tohouti en ait 
inscrit la mention dans son énumération des actes liturgiques dont la bonne 
exécution est assurée au défunt, et que Rekhmara ait eu un souci analogue^. 

A première vue, le seul fait qu’en un rite funéraire figure comme substance 
le lait autorise toujours à commencer par chercher une signification en rapport 
avec les Divinités nourricières, et en particulier avec Haïthor, et ses substituts 
tel que Nouit, Mihit-Oïrit, Marit-Sogar, Noubit, etc. C’est entrer alors dans une 
donnée bien connue. Dans la série des corollaires, 1 offrande du lait nous mon- 
trera, par exemple, sur le sarcophage de Kensit (4) , cette princesse, déjà figurée 
noire, et par conséquent absorbée dans le ciel nocturne, recevant le lait de la 
vache divine. 

Mais l’intelligence générale du rite nous devient soudain bien plus claire- 
ment indiquée si, à défaut des légendes murales des Tombes, et prenant la 
forme du récipient représenté dans les fresques thébaines, nous consultons la 
série des objets réels des Musées. Un certain nombre de ces situles de cuivre 
jaune ou de bronze montrent, comme thème principal — et par conséquent 
comme indice de la destination essentielle de l’objet — l’arbre divin Nouit, 
d’où émerge la déesse versant l’eau du qobhou; ou bien Nouit-Àrbre allaitant le 
défunt de son sein; ou encore la vache Haïthor en ce même rôle; ou enfin ces 

W Cf. E. g ., Eaiil of Carnarvon and Carter, Five years, pi. LXIII, cercueil n° 74 , face exté- 
rieure de droite. 

W Two Sculplors, p. 43. La planche XIII donne le meilleur spécimen actuellement publié en 
couleurs de cet épisode. 

t 3 ) Newberry, Life of Rekhmara , pi. VIII, L 43; cf. Gardwer, Tomb of Amenemhêt , p. 56, note 7 . 
Le rite, en tous les cas, ne paraît pas borné au domaine des funérailles, mais faire partie du céré- 
monial employé également pour les personnages divins. Sur la magnifique façade, encore non 
publiée, je crois, du T. 1 58 (= Tohouti-Nofir), un bas-relief nous montre le défunt, en présence 
des dieux, tenant la situle et son goupillon haut levé (comme dans la scène de Roy) et déclarant 
qu’il a purifié leur route avec du lait f J £££ ^ ^ ( Notes prises à Thèbes , i 933 .) 

Naville, Deir el Bahri, The Xl th Dynasty Temple , t. III, pi. 2. 



TOMBES TH ÉB AINES. 59 

divers thèmes à la fois^ffi Cette combinaison de beau céleste de Nouit et du lait 
d’Haïthor-Ciel, réalisée de bonne heure par la symbolique thébaine {2 \ montre 
assez clairement la valeur mystique attachée au « lait » que contenaient les 
situles — lait qui, à la rigueur, pouvait être de l’eau qualifiée de «lait 
d’Haïthor», dans le culte annuel. 11 s’agirait donc d’un rite apparenté à tous ceux 
où figure l'eau de renouvellement, le dans les cultes funéraires (3) . 

U | 

D’autre part, le texte de Tohouti énonce expressément que ce «laits n’est pas 
destiné directement au défunt, non plus qu’au catafalque, mais qu’il a pour 
rôle d’ouvrir, x, les chemins, ift 1 que suit la procession funèbre. Et ce 
sont également de «chemins» que parle le texte du T. 1 5 8 ( cf. supra, p. 58, 
n. 3). Ces deux précisions acquises et réunies : nature religieuse du liquide des 
situles et rôle auquel était destinée l'exécution d’un rite apparenté à l'idée des 
«chemins», il est d’abord plus difficile de préciser la signification ésotérique du 
rite. Le terme d’« ouvrir» la route dépasse le sens de simple purification. La 
première idée est celle d’un acte prophylactique, destiné à chasser des chemins 
les «esprits» qui pourraient rôder. Mais celui-ci s’exécute, comme toujours, 
devant le cercueil même, par l’eau et par l’encens. Il est tout à fait probable 
qu’ici comme pour les autres rites funéraires, correspond quelque part à l’acte 
matériel une formule ou un groupe de formules ou, à tout le moins, un com- 
mentaire explicatif. C’est dans le corpus des recueils funéraires qu’il peut se 
trouver; ou, plus simplement peut-être, dans un texte gravé sur la panse de 
quelque situle^. Une recherche monographique de ce genre ne pouvait être 
que signalée ici même. 

Provisoirement, et sous toutes réserves, on peut conjecturer cependant autre 
chose : c’est que le symbolisme de cette affusion du lait de Nouit-IIaïtlior tendait 

CE pour ie Musée du Louvre, les situles décrites sommairement par B or eux , op. cil., p. 392. 
Un des plus beaux spécimens de situles donnant de tels thèmes est celui de la collection égyp- 
tienne des Musées du Cinquantenaire à Bruxelles. 

(2) Voir ce qui est dit plus loin de ces thèmes dans l’iconographie générale, à la dernière 
section de la description de la paroi D, registre 1, ainsi qu’a la seconde partie de la description 
de la paroi C , registre inférieur, extrémité gauche. 

^ Il importe en la matière de distinguer les situles à destination funéraire de celles destinées 
au service du temple, les scènes gravées ou levées en relief servant à une répartition première. 
Dans la seconde de ces deux catégories, il y a lieu également de séparer les situles anonymes, 
destinées à un usage réel, de celles qui étaient des ex-votos donnés aux sanctuaires par les dévots. 

Cf. supra . Voir à ce sujet, mais pour le culte de la chapelle, Bexedite, Le Tombeau de Nefer- 
hotpou (— Mission du Caire, t. V, p. 5 i 8 et 622), ainsi que ce qui est dit de l’eau de renouvelle- 
ment apportée à Medinet-Habou par G. Foucart, Bull. Inst. Fr., t. XXIV. 



60 



G. FOUCART. 



à faire du chemin suivi par le convoi une sorte de préfiguration des chemins 
célestes par lesquels la survivance humaine parcourait l’étendue liquide de la 
voûte de Nouit firmament, et gagnait les séjours du repos éternel !1) . 

Nous pénétrerons, par cette hypothèse , dans tout un groupe de l’iconographie 
thébaine. Et voici quelques indices qui paraissent concorder avec elle : 

Si le rite de l’aspersion par le lait a bien eu comme fondement une idée de 
placer le défunt sous la protection de la Mère Divine dès l’entrée du convoi sur 
les chemins de la Terre d’Occident, on ne manquera pas, en effet, de noter que 
cette même idée s’est exprimée par d’autres moyens dans la symbolique du temps, 
et que les images mystiques de celles-ci sont, en pareil cas, la confirmation 
indirecte du sens que peut présenter la situle de lait. Souvent les sarcophages 
thébains nous font voir, dans leurs figurations intérieures, la momie du défunt 
couché sur le dos de la Vache llaïthor (2) , qui l’emmène ainsi dans l’Au-Delà. Et 
on pourrait croire qu’il s’agit surtout là d’une expression des destinées d’outre- 
lombe. Mais la scène du sarcophage de Nasikhonsou à Londres ne laisse pas de 
doute qu’il s’agisse d’une protection exercée par la bonne Déesse dès l’arrivée 
du convoi à la région du désert (3) . Car voilà que le peintre n’a pas craint de l’at- 
teler au catafalque à roues, quelle semble tirer à la place de l’attelage ordinaire 
des boeufs. Le comble de l’imagerie mystique — et aussi du risible — est cette 
peinture d’Amon-am-Apit, dont le compositeur n’a pas hésité à nous pré- 
senter un convoi funèbre où, à la place des quatre bœufs, quatre Vaches Haï- 
thor, aux pis généreux, aux flancs revêtus de l'étoffe rouge, et qui arborent 
entre leurs cornes tous les ai tributs ordinaires de la maternité solaire, tirent 
sur le câble du catafalque par les chemins des nécropoles (4 k Ainsi font encore, 

W Quelque chose d’assez semblable à ce que désiraient jadis les formules memphites, quand 
elles demandaient «un voyage excellent sur les chemins où voyagent les féaux du Dieu Grand*. 

I 2 ) L’emplacement ordinaire, mais non pas réglementaire, est l’extrémité du cercueil correspon- 
dant aux pieds de la momie, 

British Muséum, n° 36211. 

Cf. supra , p. li g, note 1. La tombe est aujourd’hui entièrement disparue. Cf. Porter-Moss, 
I, p. 189, tombe marquée U. La question qui mériterait une étude particulière serait d’arriver 
à déterminer si ce harnachement n’est qu’une pure affirmation d’ordre symbolique, transposée 
par le décorateur sur les parois de la chapelle, mais venant de l’iconographie mystique des vi- 
gnettes de papyrus ou dçs côtés de cercueil. Ou si la Thèbes Ramesside, en même temps que des 
corbillards à roues (cf. infra) a vu réellement défiler des animaux caparaçonnés et harnachés de 
la sorte, comme les chevaux à panaches et à housses noires de nos grands enterrements. Les bœufs 
à têtes couvertes d’emblèmes ou de décorations de fête étaient connus dans les processions (e. g., 
au Temple de Luxor, bas-relief de l’inauguration des constructions de Ramsès II. Cf. a ce sujet, 
Daressy, Notice. . . , p. 3 i). On sait d’autre part par Plutarque (De Iside, I, 1) qu’aux fêtes ratta- 



TOMBES THÉBÀINES. 



61 



en outrant de plus en plus le thème, ces cercueils post-raniessides (XXII c -XXVI e 
Dynastie) où le dos de la vache en venant à remplacer le traîneau, le cercueil 
du défunt est directement transporté par la Divine-Mère. 

C’est la même donnée que celle des vignettes ou peintures de cercueils où, à 
la place du cercueil, c’est le mort lui-même, délivré de sa gaine de momie, que 
l’on voit enfourcher la bonne bête maternelle, et gagner ainsi en sécurité les 
routes du paradis, parfois escorté de son principe ailé, en forme de per- 
ché, lui aussi, sur le dos de la Vache. 

Et c’est encore au même groupe symbolique que, par une hardie transposition, 
la symbolique munit un des lits, ou plutôt un des tréteaux funèbres du mobilier 
royal d’une tête de Vache Haïthor à attributs solaires 111 . Le tréteau devient alors 
une expression mystique de cette route de l’au-delà qui sera toute entière sous 
la protection de la Mère, ou, bien plutôt, sera la substance même de cette Mère, 
dès le début du voyage nocturne au départ de cette terre. 

Finalement, le rite de 1 aspersion par le lait de la vache du chemin du con- 
voi apparaît comme un des moyens d’expression de la même idée, traduisant à 
sa façon ce que disent, d’autres manières, les vaches attelées à quatre^' 21 , la Vache 

chées à l’anniversaire de ta mort d’Osiris, on promenait une image de bœuf lugubrement drapée 
de noir, jSovv hiâ%pv<Jov tpLarlco p.éXavt j Bvaafato '&ept€<xXXov tes. 

U) Ce sont ces étranges rdits* dont la série canonique, au moins dans l’état actuel de nos con- 
naissances, comportait trois types : celui à tête de vache, celui à tête de lion et celui à tête d’hippo- 
potame. On ne les a connus longtemps que par les croquis de Belzoni, pris dans la tombe de Séti I. 
Le mobilier de Tout-Ànkh-Àmon nous a prouvé qu’ils faisaient bien partie du rituel des luné- 
railles royales, et sous forme d’objets réels. (Cf. Carter, t. I, pi. XVI et XXVIII, ainsi que p. 98 et 
ii 5 ). Sur leur signification intégrale, des explications telles que celles proposées par Elliot Smith 
(Tutankhamen . . . , p. 108 ff) ne couvrent qu’une petite partie du mythe. La série archéologique 
paraît procéder d’un appareil beaucoup plus ancien, et sa donnée générale se rattacher au formu- 
laire des mythes stellaires du Nord. 

La généralisation, dans l’iconographie thébaine, de l’attestation du rite de 1 aspersion lactée 
paraît avoir eu pour conséquence de modifier, sur un détail, la représentation traditionnelle des 
animaux de la traction du traîneau. On note, à dater de là, une proportion croissante de convois 
ou l’animal placé au premier plan en perspective du couple, du trio ou du quadrige est une vache. 
Ceci a pour but d’expliquer pourquoi le bouvier, seul au besoin, tient en mains une situle. Comme 
maître-valet des animaux, il signifie par là que c’est bien de lait qu’est faite l’affusion. Détail qui 
exclut, soit dit en passant, l’hypothèse que le lait rituel ait pû être quelque eau savonneuse, baptisée 
lait pour la circonstance. Ce sont des vaches qu’emploient le convoi de Roy, de Panehsy et celui 
même de notre Amonmos. Il en est de même, dès le milieu de la XVIII e Dynastie un peu partout. 
E. g., pour les tombes publiées, les scènes d’Harmhabi = T. 78, de Rekhmara =T. 100, des 
Deux Maîtres Sculpteurs = T. 181. Pour la même période, on a également, dans les documents 
provisoirement inédits, ceux des T. 69, 122, ou dans les éditions encore sans illustration suffi- 
sante, le T. 1 39. 



G. FOUCART. 



62 

Monture, ou la Vache Tréteau. Le tout, avant d’avoir été absorbé dans le drame 
de TOsiris-Horus, a commencé par procéder du mythe du Jour Mourant, qui en 
sa course nocturne se recrée en embryon de Lumière Nouvelle dans les flancs de 

L’emploi du mot « bœufs » dans la présente description n’a cependant pas été laissé ici-meme 
par inadvertance. Mais sa justification, à sa place matérielle exacte, eût requis par anticipation 
l’examen du rite du lait. On en donnera donc à présent les raisons : 

a) Les figurations protolhébaines {e. g., le T. 60), et les archaïques (e. g., les T. 12, 82, etc.) 

sen sont tenues à la représentation traditionnelle du bœuf; et la traduction de l’image par ' oxen 
dans les notes descriptives de Davies et Gardiner est aussi exacte que quand ce dernier traduit par 
le même mot le passage de Sinouliit ^ 1 ^ | ^ (= P. B. , 1 . 1 9 i. Cf. l’édition de la Bibho- 

thèque d’Êtudes, p. 16, 1. 6). Et c’est probablement sur le total de cette iconographie ancienne que 
Maspero maintenait jadis, à propos de Roy, la traduction de par le mot «bœulsn (Cf. 

Ét. Égyptiennes, t. I, p. 1 1 A, et note 1). 

b) Les termes employés dans les légendes descriptives ont continué à être très fréquemment le 

^ ‘ '. (E. g., le T. de Rekhmara ^Édition Virey, pl. XXII, ou la stèle de Tohouti, citée en exergue 
ici-même); et Davies, avec raison, a traduit par e bétail», adoptant même cette traduction pour 
des cas comme le \ de la Tombe 1 8 1 (cf. Two Sculptors, pl. XXII et p. AA). C’est touU 

fait par exception que Montou-hir-Kopshouf(= T. 20) désigne les animaux de trait t : “*■ 
l’anomalie s’étendant ici au pelage uniforme des trois couples. Cette singularité est a ajouter a 
toutes celles dont foisonnent les scènes de ce tombeau. 

C ) Pas plus que le terme || -'im n’a définitivement supplanté le '$m\' , la représentation des 
génisses n’a formellement remplacé celle des bœufs. Si 1 état actuel de trop de tombes (e. g., 
T. 5 j , 55 etc.) ne donne plus que des figurations bien indistinctes, il y en a encore (e.g., T. 122, 
233 ) 0 11 l’on retrouve la figuration du bœuf. 

d) En substance, il semble que l’idée ait persisté qu’après le bâlage, les animaux abattus devant 

la porte de la chapelle restaient rituellement des | quitte, dans la réalité et pour les gens 

de fortune moyenne, à abattre une vache ou une génisse. La distinction, à ce point de vue, entre 
les animaux du traîneau et ceux destinés au sacrifice est peut être la raison qui a fait placer par 
Menna (=T. 69) des vaches pour tirer un catafalque, et des bœufs en tete du défilé des offrandes. 
(Même idée, probablement, au T. 2 2 A). 

e) 11 est possible qu'un jeu d’esprit graphique, si l’on peut dire, ait développé l’emploi du terme 
de \ - 1 \ 'im\\ avec métalhèse du - , pour faire allitération ou assonnance avec le verbe ^ 

que suggérait Timage du bâlage. 

f) Il va sans dire que les scènes archaïsantes des saïtes (e. g., le Tombeau d’Aba, pl. IX, dans 
la Mission du Caire, t. V) s’en tiennent, en règle, à la figuration ancienne. 

Le concept essentiel de la traction ne paraît donc pas avoir été radicalement altéré. Sa repré- 
sentation matérielle elle-même l’a-t-elle été entièrement? Il est permis d’en douter, et de penser 
que l’idée de «bétail», avec mélange de bœufs et de vaches, a persisté dans 1 image tout autant que 
le terme général de 'W,'- Ainsi que certaines figurations permettent de le soupçonner, il y a en 
toute celte affaire une nouvelle ingéniosité puérile du dessinateur égyptien. L’animal figuré au 
premier plan est bien une vache, pour signifier le rite du lait; mais celui ou ceux — qu il 



TOMBES THÉBAINES. 



63 



la Mère Céleste. Et les morts, eux aussi, vont suivre les mêmes destinées. Lais- 
sons de coté les figurations qui expriment cette idée par la Vache attelée ou la 
Vache véhicule. N’en soulignons pas l’apparence comique. L étude comparée 
des symboliques de tous les temps aurait tôt fait d’en produire, à l’actif de la 
nôtre, des séries d’un aspect plus déconcertant encore. Considérons seulement ici 
le rite, très grand en sa simplicité, de l’aspersion de la route que suit le mort; 
cet acte qui transforme le chemin suivi par le convoi en une préfiguration de 
celui que va prendre le défunt. Et pour ce faire, il l'imprègne, comme en est 
imprégnée la route céleste, des principes de renouvellement de vie éternelle 
que la symbolique du temps exprime partout par le lait d'Haïthor. Elle en fait 
une route de lait divin. Une Galactique est le mot qui nous vient immédiate- 
ment à l’esprit. Il eût été volontiers employé ici-même, s’il ne présentait un 
grave inconvénient : celui de suggérer aussitôt, par équivoque, des rapproche- 
ments aussi faciles à imaginer qu’impossibles à prouver. En l’état actuel de nos 
fragments de connaissances sur les mythes stellaires de la Vallée du Nil, de 
telles analogies supposées ne reposeraient encore que sur de pures homony- 
mies, sur un verbalisme factice, créé à la façon des équivalences de la vieille 
scolastique en matière d’Universaux. 

Aussi bien, et tout comme la figuration des vaches en place de boeufs, 
l’aspersion des roules par le lait d’Haïthor n’est-elle qu’une manifestation isolée; 
et le groupe même des thèmes généraux dont elle dépend, 1 Haithor-Nouit- 
Arbre et l'Haïthor Vache de la Montagne d’Occident, ne constitue, lui non 
plus, qu’un des aspects particuliers d’une donnée initiale d’étendue beaucoup 
plus compréhensive. Elle se dégagera au fur et à mesure de 1 examen analy- 
tique des parois successives. 

masque presqu’entièrement est — ou sont — encore le ou les bœufs des scènes anciennes; ceci 
aussi bien pour le T. 19 que pour le T. 2&5 ou le T. 16. 

A défaut du mot «bestiaux», traduction plus fidèle de , mais mal approprié en l'espèce, 
le terme «bœufs» a paru mieux correspondre à l’ensemble des laits qui precedent. Il a donc été 
maintenu dans la description, ainsi que le faisaient les anciennes publications de la Mission du 
Caire (e.g., t. V, p. 7 5 = Rekhmara; p. 43 1 = Harmhabi; p. 553= Mâï ; p. 565 = les Graveurs, 
etc.). Et donné qu’il s’agissait moins, cette fois, d’une description monographique, comme c était 
le cas pour Roy ou Panehsy, que d un examen in généré des animaux de traction dans les convois 
thébains. Quant au cas, encore unique, de l’attelage d’Amon-am-Âpit (tombe Z7. Cl. supra), il est 
certain qu’il 11’y a là que quatre vaches. Mais 011 a vu plus haut les raisons qui semblent avoir 
fait prédominer cette fois l’idée mystique sur toute autre. 



64 



G. FOUCART. 



Y. — LE RITE DE L’ENCENS. 

Au motif central constitué par le catafalque et son traîneau, l’iconographie 
thébaine ramessi de associe à l’ordinaire deux épisodes : en avant l’exécution, 
par un officiant, du rite de la purification de l’appareil funèbre par l’eau et par 
l’encens; aux côtés ou à l’arrière immédiat du traîneau, les manifestations de la 
douleur des proches du défunt. Ni l’un ni l’autre de ces deux thèmes ne sont 
spécifiquement ramessides. Mais ils n’existent pas dans les figurations des débuts 
de la XVIII e Dynastie, non plus que dans celles où l'iconographie perpétue, 
jusqu’aux abords du règne d’Amenhotep III, les dispositifs archaïques; ceux qui 
viennent ensuite, et jusqu’au préramesside inclusivement, témoignent à cet 
égard d’une assez grande confusion apparente, et semblent n’obéir à aucun 
usage ayant un certain caractère impératif. C’est, en quelque sorte, une pé- 
riode d élaboration. Les ateliers ramessides, en faisant de ces deux épisodes un 
emploi désormais constant, au moins en règle générale, tendent à créer un type 
dont le dispositif a ses règles, et où les variantes des espèces particulières ont 
pour chaque cas pris séparément une explication rationnelle. 

Les deux épisodes sembleraient n’avoir entre eux aucune relation, sinon celle 
de l'emplacement matériel. On verra cependant qu'il n’en est pas ainsi. Mais 
procédons par ordre, et ne voyons pour le moment que le premier. 



Presque toute la partie antérieure du naos funèbre d Amonmos a disparu 
aujourd’hui (fig. A). Le dessin de Hay (fig. 5) la présente encore en son inté- 
grité (cf. infra). A l'extrémité gauche de la file des hâleurs à la corde, on voit 
un personnage marchant dans le même sens que ceux-ci, mais ayant la tête et 
le torse tournés dans la direction du catafalque. Il a la tête rase et le corps nu 
jusqu’à la ceinture, sans bandelette ni écharpe. Il porte la longue jupe blanche 
à retour supérieur plissé, et ayant, sur le devant, un empiècement gaulfré à 
longues franges. Comme ceux de tous ses compagnons, les pieds de cet officiant 
sont chaussés de sandales. La main gauche tient la cuiller à encens à long 
manche du modèle usuel (1) , tandisque la main droite est vide. 

La palette à encens est placée en apparence dans les banderoles inférieures du faisceau qui 
flotte attaché au sommet de droite du naos (fig. 5). En fait, le manuscrit de Hay, apparemment 
déchiré en cet endroit, semble avoir été raccordé un peu trop bas dans sa partie gauche. La dé- 
chirure supposée passant par le bras de notre personnage, il en est résulté qui la reproduction, 



TOMBES THÉBAINES. 



65 



Si nous examinons la tombe protothébaine d’Àntoufakir qui demeure, en 
toutes ces matières, le plus important document de base, on y constate deux 
points : le rite de l’encens y existe bien, mais sans être orienté vers le cercueil, et 
il n’est pas confié au Sam. Celui-ci, revêtu de la peau de félin, marche en avant 
de YAmkhent ; et c’est à un simple |îj, sans costume autre que le pagne court, 
qu est confié le soin de procéder au rite de l’encens. Il marche immédiatement 
en avant du traîneau, sur le plancher duquel est placée la «Sœur Cadette » (1) . 

Les scènes de funérailles des débuts de la XVIII e , toujours si intéressantes 
par le lien qu elles établissent entre les thèmes protothébains et ceux des seconds 
thébains, sont malheureusement en très petit nombre ou en très mauvais état. 
La mauvaise fortune commune aux tombes de toute cette première période 
semble s’être particulièrement acharnée, non pas simplement sur la représen- 
tation générale du convoi, mais sur le point précis qui y correspond au cata- 
falque et à ses abords immédiats. Celui qui, sur le vu du nombre infime des 
tombes de cette époque dûment publiées, entreprendra d’en faire I nspection 
sur place, se prépare, à ce point de vue, une longue série de déceptions pour 
ne retirer finalement, après beaucoup de recherches de tombes parfois malaisées 
à retrouver et de visite difficile, que quelques trop rares débris. Et cela non 
seulement pour les tombes expressément attribuées par les listes officielles à un 
règne déterminé des commencements de la XVIII e Dynastie, mais aussi pour 
toutes celles que l’on inclut provisoirement sous la dénomination de «débuts 
XVIII e ». Ici, l’inspection révèle la destruction irrémédiable des scènes du con- 
voi^; ou s’il en subsiste encore quelque partie, la section présente en est dé- 
truite (3) . C’est ainsi que les bas-reliefs d’un art exquis de la petite chapelle 
d’Horiy (=T. 12), contemporain d’Ahmos I, sont mutilés à ce point précisé. 

la palette apparaît placée beaucoup trop bas par rapport à l’officiant. Le geste est anormal, et il est 
plus probable, d’après la pose et la hauteur de l’avant-bras droit, que l’original montrait, suivant 
le procédé bien connu, l’officiant lançant une série de pastilles ou de boulettes d’encens dans la 
coupelle de la cuiller. Ce détail a pu être omis par le copiste de Ilay, ou bien il était déjà trop 
effacé pour être visible au temps de la copie. La scène parallèle d’Antoufakir (=T. Go) est assez 
indistincte en ce point précis de la fresque, et ne permet pas de décider si l’omission apparente 
d’Àmonmos pouvait être pratiquée à l’occasion par les ateliers thébains. 

W Davies, The Tomb of Antefoher, pl. XXI. 

(2] E'g-> T- 21, 5 q, 19/j, 162, 167, 171, 199, 20A, 229, 23 o, 234 , 238 , 281, 297. 

(3) E. g groupe des T. 245 - 248 , 3 o 8 , 3 i 5 , 319. 

^ Il 11e reste plus que la première partie comportant les mouou, l'attelage, les ^ Gens des Villes» 
aux gestes d’affliction (cf. infra), et les premiers hâleurs à la corde. Là commence la brèche des 
spoliateurs menant au T. \ \ . Le convoi reprend de l’autre côté, avec les épisodes du Tikanou et 
du coffre anoubien(?) sur traîneau. (Notes prises à Thèbes, ig 33 .) 

Mémoires, t. LYI1. 



9 



66 



G. FOUCART. 



Ou bien, s’il s’agit d’Eïnna (=T. 81), il se trouvera que le reste du couloir, 
encore en fort bon état à l’ordinaire, présente à la hauteur du catafalque deux 
lacunes trop sérieuses pour que l’on puisse faire état du dispositif. Ailleurs, la 
tombe, comme celle, par exemple, de Pabikmen (=T. 3 A 3 ) est d admirable 
conservation, mais elle appartient à la catégorie bien connue des parois à 
thèmes abrégés. En sorte que l’attestation pictographique du convoi s’y borne au 
minimum indispensable : le traîneau et son funèbre chargement, et le rite du 
hâlage parles «Gens» de Pou et de Doupou (,) . C’est par grande chance que les 
admirables scènes du Tombeau d’Ahmos (=T. 2 2 A) et de Tetiky (= T. 1 5 ) vien- 
nent nous assurer que les débuts de la XVIII e présentent ici un dispositif de 
place et d’ordre analogue à celui de la scène protothébaine. 

Mais à défaut d’une documentation archaïque assez fournie, l’expérience 
enseigne qu’une série très consistante de tombes thébaines a garde très long- 
temps, et jusqu’aux temps d’Amenhotep II, les dispositifs des ateliers contempo- 
rains des premiers règnes de la Dynastie, c’est-à-dire durant environ un siecle 
et demi (2) . Des tombes comme celle d’Amonamhati (= T. 82), contemporaine de 
Thotmès III, y montrent dans leurs thèmes et mieux, dans le détail d’exécution 
de ceux-ci, une continuité remarquable d’une tradition déjà séculaire; en sorte 
qu’ils procèdent encore directement du protothébain dans les traits principaux 
du convoi funèbre, mais avec un certain nombre de modifications secondaires à 
la fois claires et dévolution rationnelle. C’est ainsi que l’on y voit l’officiant, 
sans titre spécial qui le qualifie, marcher en avant du «Grand Serviteur». 11 
continue à ne porter aucun costume distinctif; il continue à marcher, sans se re- 
tourner, dans la même direction que le reste des figurants ou des officiants du 
cortège (3) . La différence la plus saillante avec la scène d’Antoufakir est que 
notre officiant tient à la fois, suivant un procédé conventionnel bien connu, le 
vase des choachytes et la palette à encens. Sous peine, à propos d’un détail, de 
procéder à un inventaire des scènes de funérailles de la XVIII e à Thèbes, on 
arrêtera ici les énumérations d’une liste déjà trop longue. La tombe 125 , 
pour le règne d’Hatshopsouit; les T. 53 , 85 , 92, 122, pour l’époque de 



U) Cf. Robert Moîsd and W. B. Emery, Excavations at Sheikh Abd el Gurneh , 1925-1926, 
pl. XXVIII. 

( 2 ) La chronologie acceptée ici étant c. a. î 58o pour l'avènement d’Ahmos I, et c. a. j Zi 2 o pour 
l’avènement de Thotmès IV. 

i 3 ) Gàrdiner-Dàvies, Tomb of Amenemhet , pl. XII, registre du bas. Il ny a pas de Sam dans le 
cortège, mais il n’y a pas de raison de penser que l’officiant sans costume que voici puisse avoir 
eu celte qualité. A noter en passant la forme inusitée de la cassolette à encens. 



TOMBES THÉBAINES. 



67 



ïhotmèsIII; les T. 56 et 80 pour celle d’Amenhotep II constituent une docu- 
mentation de références qui sera jugée suffisante. Pour le gros, l’officiant a 
comme caractéristique d'y tenir à l’ordinaire les deux instruments du rite de 
la purification à la fois, d’y marcher toujours, et sans retourner le torse ni la 
tête, dans la même direction que les hâleurs et les autres officiants, et d’être 
souvent mêlé à eux en apparence, et non pas à proximité du catafalque. Il y a 
déjà, dans cette série, un certain nombre d’images où notre homme, innovation 
remarquable, porte la peau de félin du Sam. Les types les meilleurs et les plus 
caractéristiques sont malheureusement des documents inédits, aussi bien poul- 
ies tombes exécutées en reliefs méplats que ceux en enluminures. La meilleure 
de celles de ce dernier type, celle d’un Amonamhati (=T. 122) se cache dans 
la colline de Sheikh Abd el Gournah, et est encore à moitié ensablée. Ses fines 
et délicates images reproduisent, en style excellent, le dispositif archaïque, où 
l'homme qui libe et qui encense précède immédiatement le grand servi Leur (1) . 
Et le T. 125 , un peu plus ancien, s’en tient à ce dispositif qui, dans le schéma 
d'évolution, serait donc bien à la base de la série archéologique. Les bas-reliefs 
de Son-am-aho (=T. 127), qui ne le cèdent peut-être pas en finesse aux plus 
vantés de la nécropole, tels que le T. 5 7 (=Kha-m-Hati) ou le T. 55 (= Ramos) 
sont, suivant la règle fatale, détruits à l’endroit précis où débutait, en avant du 
catafalque, la troupe des hâleurs et des officiants. 

Les T. 78 (= Hapmhabi) et i 3 ()(=Paari) montrent une modification assez 
sensible de ce point du cérémonial. Au i 3 q, contemporain de Thotmès IV, 
l’officiant revêtu des insignes du Sam, marche bien en avant du Grand Serviteur, 
mais il n’exécute plus aucun rite. 11 se contente de tenir en mains le vase et la 
cuiller à long manche, mais sans procéder à l’aspersion ni à l’encensement. Il 
garde la même attitude inactive au convoi du 78, contemporain d’Amenhotep III, 
où il porte également la peau de félin, mais marche cette fois tout à fait en 
dehors du cortège du catafalque, pour se joindre au groupe du Tikanou 
L’usage de la peau de félin, en ces deux monuments, 11’est pas une innova- 
tion, puisqu’on la déjà signalée comme figurant dans le groupe rr tradition- 
nel » cité il y a un moment. Et la mention formelle, en plusieurs tombes, qu’il 
s’agissait bien du Sam, dissipe toute hésitation sur l’identité de notre person- 
nage. 

A partir de l’époque ramesside, le thème possède d’autres caractéristiques à 

111 Corridor, paroi droite. (Notes prises à Thcbcs, 1 rj 33.) 

® Le cortège de Ramos (=T. 55) est trop indistinct en cet endroit pour décider s’il en est 
bien ainsi. Les photographies prises personnellement en ig33 ne sont pas assez nettes. 



9 - 



68 



G. FOUCART. 



peu près constantes (1) ; l’officiant y est placé le plus près possible du catafalque. 
11 marche à reculons, lui faisant face; ou tout au moins tourne-t-il en sa direc- 
tion la tête, le torse et les bras (2> . 11 exécute à la lois les deux rites de l’eau 
et de l’encens (3) ; il porte en règle le costume distinctif du Sam {ll) et il est 
quelquefois, d’ailleurs, qualifié de tel par le texte. 

Tels sont les laits. Les oppositions entre le type franchement ramesside et 
ceux qui procèdent directement du protothébain viennent d’apparaître assez 
nombreuses. Ecartons d’abord celles qui tiennent à la place matérielle de 
l’officiant. Pas plus pour lui que pour les autres acteurs, l’image qui nous en est 
donnée ne correspond à une indication d’emplacement réel. L homme qui, plus 
ou moins près du catafalque ou du rr Grand Serviteur», chemine en apparence 
derrière les hâleurs, ou est confondu avec eux ou même marche en avant, n’oc- 
cupe d’autre place que celle où le dessinateur a trouvé expédient de le loger, la 
file des gens et des bœufs ne correspondant à aucune réalité. Et le seul point 
à peu près certain est qu’il était sur la sente de liâlage , entre les deux groupes 
qui tiraient chacun sur les bas-côtés (cf. supra). 

Parmi les points réellement difficiles, il y a, en premier lieu, la substitution 
du Sam au simple ||| dans l’accomplissement du rite. Tout ce qui touche au 
rituel des funérailles est réglé dans les moindres détails. Si un changement y 
est constaté, il implique une modification des conceptions qu’il traduit. L expli- 
cation commode que dans les funérailles de rang plus modeste, un seul et 
même homme cumulait le rôle du Sam et celui du |lj est démentie par la cons- 
tatation qu’un pareil cumul figure dans des scènes de convoi de personnages du 
plus haut rang. Elle rend compte plus mal encore du fait que des obsèques de 
gens relativement modestes, comme Amonmos et Panehsy, reprennent, à lé- 
poque ramesside, un officiant que rien ne distingue par la mise des autres 
acteurs de la pompe (5) . 

La seconde difficulté est de comprendre pourquoi l’accomplissement du rite, 
qui se faisait en marchant dans la même direction que le reste du cortège, se 

11) E.g., T. 1 6 , 19, 3 1 , 217, 233 , 073, 277, 3 ki etc., ainsi que tes vignettes des papyrus 
du temps ou les imageries des côtés de sarcophages. 

Exception : le grand cortège archaïsant du 222 (XX e Dynastie). 

Exception : T. 16, où il n’y a que le rite de l’encens. 

( 4) Exception : T. iG et Amonmos, où l’olficiant n’a aucun insigne distinctif. 

( 5 ) Et de même au convoi de Nibamon (==T. 17), où l’officiant qui tient la cuiller à encens al- 
lumée, en même temps qu’il répand l’eau de l'aiguière kobh, ne porte aucun ornement distinctif. 



TOMBES THÉBAINES. 



69 



fait, à l'époque ramesside, en se tournant clans la direction du catafalque, et 
place désormais l'officiant tout près de celui-ci. 

Mais quelle était l’intention qui dictait l’accomplissement de ce rite? La purifi- 
cation, au sens du terme (J. Et cette purification semble avoir été, d’abord, 
non pas celle du défunt ou de son naos funèbre, mais celle de la route qu’il 
parcourait. 11 se pourrait donc que, sur ce point, l'usage de l’aspersion par le 
lait, employée dès la XVIII e Dynastie concurremment avec le rite de l’eau et 

de l’encens, ainsi qu'il résulte de plusieurs scènes (1) , ait eu pour résultat de 

diminuer l’importance de la purification des chemins par l’eau et l’encens au 
profit de l’idée plus complexe attachée au lait divin Et ceci expliquerait 

l’inactivité apparente de ces figures de date intermédiaire, où le Sam se con- 
tente, sans exécuter aucun rite, d’apparaître dans le défilé, ses instruments 
à la main 

Une autre intention se serait alors subtituée à celle de purifier ou de pré- 
parer à « ouvrir » les chemins. Le rite persista bien en son exécution matérielle, 
mais il ne fut plus une des sections de l’appareil du voyage dramatique sur les 
routes de l’Amentit. Il se rattacha à l’ensemble de ce qui se fait à l’intention du 

catafalque osirien, et à l’Osiris momie qui y repose. Sur un détail de plus, 

l’effritement continuerait ainsi delà vieille mimétique des obsèques royales. Et si 
nous regardons avec attention les scènes où les cultes ramessides insèrent, de 
plus en plus prolixes à cet égard, les assertions familiales, nous trouvons peut- 
être l’explication finale de ce qui tourne désormais l’officiant vers la dépouille 

W Cf. supra. 

Ceci peut expliquer subsidiairement ies variantes ou le rite de l’encens (e. g T. 16 et ici 
même) est seul exécuté. 

C’est sous la forme purement conjecturale que sera proposée l’explication que voici, et qui 
paraîtra probablement bien compliquée et bien subtile au lecteur, encore mal persuadé du degrc 
de convention et de fiction auquel peut arriver la représentation thébaine. Et pourtant on en 
verra, dans là suite de la description de ce tombeau, de plus audacieuses encore en fait d'abré- 
viations ou d'indications mensongères et pour lesquelles il n’v a pas, cette fois là, d’hésitation. 
Dans le cas présent, l’explication suggérée est que le Sam n’était pas l’officiant chargé réellement 
du rite de beau et de l’encens, pas plus au reste qu'il ne portaiL ses insignes dans le cortège. 
Les rituels comme celui de IV Ouverture de la boucliers montrent qu’il ne les revêt qu’à certains 
moments de l’office (SS 10, 12, 16, 23 - 25 ) et nullement au temps des purifications, qui sont 
d’ailleurs accomplies par un Samir (SS 2 à 8). La peau de félin qu’il portait dans le convoi n’aurait 
qu’une valeur d’indication de son identité. On 11'exigeait pas, d’ailleurs, qu’il eût la tête coiffée de la 
perruque à tresse infantile, alors cependant qu’elle est l’accompagnement obligatoire du costume 
rituel régulier, comme le montre toute l’iconographie. L’eau et l’encens que bon place dans ses 
mains, par abréviation, étaient maniés dans la réalité par son acolythe, comme le Samir de IV Ou- 
verture de la Bouche^; et c’est cet acolythe que nous voyons quelquefois reparaître. 



70 



G. FOUCART. 



mortelle couchée sous son catafalque comme le fait se tenir aussi près que pos- 
sible de cet Osiris. C’est un fils du défunt qui, marchant à reculons, encense et 
purifie par l’eau l’appareil funèbre de Nakhti-Amon (=T. 34 1 ), comme c’était 
un tr serviteur » qui encensait celui de Roy (1) ; et comme tout ce qui va se grou- 
per, au temps des Ramessides, autour de ce catafalque et de ce cercueil. A la 
notion de personnages dramatiques va se substituer, de plus en plus fortement 
affirmée, celle des proches parents ou celle du groupe social ou professionnel. 
Ainsi se justifie, si l’explication qui vient d’être proposée est admise, le lien 
dont il a été parlé, au début de ceci, entre les épisodes groupés auprès du cata- 
falque par la composition ramesside : le rite de l’eau et de l’encens, et l’image 
de la famille éplorée. 



VI. — LES DEUX SOEURS. 

Le lecteur tant soit peu familiarisé avec les scènes des chapelles thébaines de 
la XVIII e Dynastie, soit sur le vu des originaux, soit par les quelques tombes 
publiées, aura remarqué aussitôt l’absence ici-même, en avant du traîneau, d’un 
des acteurs ordinairement obligatoires dans le drame funéraire : la «Grande 
Pleureuse r. Et il aura déjà noté, au cours du présent volume, qu’on ne la voit 
figurer ni au convoi de Roy, ni en celui de Panebsi; non plus qu’ici-même pour 
la troisième fois. La dissemblance entre la composition ramesside et l’époque 
précédente apparaît donc ici très nette. 

A la différence de plusieurs autres détails du rituel, dont la modification ou 
la disparition s’inscrivent, sans date expresse, mais plutôt aux alentours de la 
fin de la première moitié de la XVIII e Dynastie, la Grande Pleureuse, et sa 
compagne la Petite Pleureuse (celle-ci ordinairement placée derrière le traî- 
neau) sont l’accompagnement classique de la représentation du catafalque jus- 
qu’aux abords du Ramesside. Depuis le groupe archaïque (T. i5, 81 , 2 2 4, 
2 ^ 3 , 343) jusqu’à l’époque voisine d’Arnarna (T. 55) et à l’immédiat préra- 
messide (T. i 8 i) (2) . 

Dans cette longue série iconique, le fait que plusieurs tombes qualifiées 

O Cf. Le Tombeau de Roy, p. 1 □ , fig. 7, et p. 3 o, inscr. n° 8. 

(2) Liste à titre d’exemples : 

Epoque d’Hatshopsouit : T. 179 et ia 5 ; groupe contemporain de Thotmès III , environ : T. 53 , 
82, 122, 123 , 127, 260; d’Amenhotep II : T. 17G), p2, io 4 ; de Thotmès IV : T. 54 , première 
occupation et T. 9 76 (?) ; d’Amenhotep III : T. 1 3 q. 



TOMBES THEBAINES. 



71 



en archéologie de «début XVIII e » (e.g\, T. i 5 , 8 1 , 343 ) placent nos deux 
«Pleureuses» sur le traîneau, à la mode de la XII e Dynastie (e. g'., T. 6o)^ 
rattachent bien le procédé pictural au thème protothébain ; mais cette façon de 
les montrer, en se prolongeant pendant tout le reste de la période (e. g., T. 53 , 
io4 et 276), alors que le reste des scènes contemporaines les montre marchant 
à pied, en avant et en arrière du traîneau, nous prouve que Parchaïcisme sup- 
posé ne consiste pas dans un dispositif réel, mais dans la façon conventionnelle 
de l’interpréter. L’étude du catafalque et de sa troupe nous montrera bientôt ^ 
que, pas plus que les officiants penchés sur le cercueil à l’intérieur du dais 
funèbre, les Deux Pleureuses ainsi campées sur le traîneau ne correspondent à 
rien de réel. Ce sont là de ces procédés de «condensation», si l’on passe un tel 
terme, par lesquels l’imagier groupe autour d’un personnage ou dans un décor 
unique les épisodes successifs d’un drame Certains compositeurs continuèrent 
à user de ce mode de figuration. 11 n’avait jamais été que procédé conventionnel. 
Aussi conventionnelle est la figuration, assez fréquente, d’une seule des Deux 
Pleureuses (e.g., T. 54 , i 3 q, 181, 260, et peut être le T. 55 ) (4) accompa- 
gnant le convoi. C’est, à l’ordinaire, et en avant, la «Grande Pleureuse», mais 
parfois aussi «la Petite». Ici, il ne s’agit plus que d’abréviation graphique cou- 
rante. Chacun savait assez bien que la présence de l une ne signifiait rien dans 
le rituel sans la présence de l’autre. Les Deux Pleureuses y sont les Deux Sœurs 
d’Osiris (5) , et jamais Osiris ne fut pleuré par une seule des deux, en ce service 
tout au moins. 

Leurs noms peuvent en effet varier d’une tombe à l’autre. Ils ne sont jamais 
que l’une des épithètes que les textes accordent au couple Isis-Nepbtys dans leur 

O) Cf. infra à l’étude comparée des catafalques, aux formes dites « archaïques ». 

W Cf. infra , ibid. 

W 11 y a peut être une réminiscence de ce rôle dramatique dans les figurations (e.g., T. 60) 
où la te Sœur Cadette* est représentée plaçant une de ses mains sous la tête de la momie (cL Da- 
vies, Antefoker, pi. XXI). Comme la momie était dans la réalité dans le sarcophage rectangulaire, 
il ne peut s agir que d’un geste fictif, indiquant un des moments du drame des funérailles, où 
cette officiante accomplissait quelque rite dont ceci est la traduction symbolique. 

( 4 ) Il est difficile, dans l’état de destruction de cette partie du convoi, d’assurer que la Petite 
Pleureuse ne figurait pas a Carrière du catafalque. Autant que j’en puis juger par les restes, les 
deux personnages qui suivent immédiatement Carrière du traîneau seraient les deux héritiers de 
Ramos. (Notes prises à Thèbes , 1983.) 

l 5 î La comparaison étant limitée, en cette étude, aux Dynasties XVIII et XIX respectivement, 
on n’étudiera pas ici les trDeux Sœurs* dans le rituel ou dans les figurations du convoi protothé- 
bain, non plus qu’en celles du memphite. Le ternie dVOsirien* a été employé ici par pure com- 
modité et comme correspondant au syncrétisme déjà réalisé dès les Memphites. 



72 



G. FOUCART. 



rôle de gardiennes et d’incantatrices dans le drame de la mort de l’Osiris-Homme. 
Elles sont F« Aînée et la Cadettes, ou les «Deux Faucons » ou la rr Grande et la 
Petite Pleureuses, ou simplement «la rr Grande et la Petites, ou les «Deux 
Magiciennes s ou encore les «Deux Incantatrices s , etc. Le convoi de Houy 
(T. 54, partie ancienne) énonce en termes plus formels que l'officiante qui 
marche devant le traîneau est bien «Isis, la Soeur du Dieu s W. 

En substance, les deux Sœurs figurées marchant aux abords immédiats du 
catafalque, l'une en avant, l’autre en arrière, reconstituaient ainsi, au cours du 
convoi, l’attitude que toute l’iconographie égyptienne leur prête au cours de la 
veillée osirienne (2) . C’est ainsi que l’entend la majorité des compositeurs (3) . Le 
costume rituel varie suivant les exemplaires; et seul, un inventaire complet, 
chronologiquement classé, de toutes ces figures pourrait nous dire si la mode 
en a régulièrement évolué au cours de la XVIII e Dynastie; ou si, plus simple- 
ment, le costume exact comportait telle ou telle variante, suivant la classe du 
convoi ou d’après quelque motif analogue. Le plus souvent, c’est le pagne blanc 
collant, à bretelles, laissant la gorge à découvert, serré à la taille par la cein- 
ture, rouge ou blanche, dont les deux longues extrémités plissées retombent en 
avant le long du fourreau Sur la tête (5) , la coiffe blanche ou la simple per- 
ruque archaïque maintenue par F afnit. Leur geste le plus fréquent, emprunté 
au rituel archaïque, consiste à étreindre de la main gauche le poignet de l’avant- 
bras droite. 

Considérée au point de vue exclusif de leur présence dans un convoi funèbre, 
l’origine des deux Sœurs divines ressort de l’examen des épisodes rassemblés 
en recueil factice sur les parois de la XVIII e Dynastie, et dont l’ensemble, cons- 
titué déjà en ses traits essentiels sous les protothébains {7) , reçoit la dénomina- 
tion provisoire de « Mystères ». C’est à l’ordinaire dans les deux épisodes de l’ar- 
rivée de la Châsse à tête de lion par le fleuve, sur une pirogue, ou du hâlage de 

Notes prises à Thèbes , 1933. 

La question qui reste indécise est de savoir si elles accompagnaient ainsi le corps pendant 
toute la route; ou si elles sont figurées dans le registre comme indication d’un moment du convoi 
où elles apparaissaient pour jouer quelque épisode du drame. 

E. g., T. i 7, 82 , 122, 123, 125, 127, 179, 224, 343 . 

C’est le costume traditionnel des Isis-Nephtys de riconographie lliéfiaine, et, d’une façon 
générale, des déesses funéraires ou des mortes divinisées en Osiris (cf. e. g., au Biban el Harîm, 
les figurations féminines de la Tombe de la Reine Nolri tari Miri-n-Maut). 

l5) CL infra, a ce qui est dit de la coiffure des Isis-Nephtys de la barque osirienne. 

ou vice-versa, suivant l’orientation de la composition (cf. e. g. , les T. 55 et 139). 

E. g. } Tombeau Go (= Antoufakir) cf. Gàrjs-Davies, Antefoker, pi. XVIII et XIX. 



TOMBES THÉBAINES. 73 

cette pirogue sur un traîneau, ou à loccasion du service devant l'Osireion (1) . 
Mais la tombe ramesside d'Hikmaâït-Ra-Nakhtou (= T. 2 2 2) (2) , si pleine de 
versions particulièrement riches en détails exceptionnels pour ces «Mystères», 
nous montre encore plus clairement limitation littérale quen a fait le convoi 
privé des Tbébains, en représentant la Grande Pleureuse, non plus sur 1 esquif, 
mais marchant derrière le Coffre, dans l’attitude et le costume qu’on lui voit 
aux funérailles. 

Ces différents points établis, la disparition définitive^ des deux Soeurs Di- 
vines dans les convois ramessides semblerait s’expliquer le plus simplement du 
monde, par le fait qu’en ces cortèges, le catafalque comprend toujours un simu- 
lacre de la barque osirienne, et par conséquent, les Isis— Nephtys de rigueur en 
poupées de bois (4) . Les deux officiantes réelles seraient devenues inutiles, parce 
qu elles avaient désormais leur équivalent dans les deux effigies de 1 appareil 
canonique de l’esquif d’Osiris. 

Mais cette supposition rencontre aussitôt une objection de fait. Ce sont tous 
ces dais funèbres de la XVIII e Dynastie, où le naos mortuaire est déjà place sur 
une barque^, et où, par conséquent, il y a les deux Sœurs en statues; cepen- 
dant que les deux figurantes en chair et en os continuent à marcher dans le 
cortège (6) . L’explication de cette sorte de pléonasme par la force d un usage 
persistant, quoiqu’inutile, pendant un certain temps, puis disparaissant peu a 
peu est, à la rigueur, *une explication plausible. One autre, que voici, rend peut- 
être mieux compte des causes intimes du changement. 

Les deux poupées de l’esquif osirien sont un simple fragment d’un appareil 
canonique. Elles en font traditionnellement partie, et depuis si longtemps qu il 
serait impossible, en archéologie, de déterminer à quelle période elles ont pu 
s’y insérer ou y remplacer des personnages réels. Elles remontent ù la même 

W Cf. T. 6o. ibid et Amenemhêt (=T. 82), pl. X, XI et XIII. 

( 2 ) Inédite . La scène figure à la paroi I du grand couloir (ou Chambre 2), apres les Mystères de 
nie Sacrée. [Notes prises à Tkèbes , iq 33 .) 

( 3 ) La seule tombe qui les figure a nouveau aux funérailles — au moins a ma connaissance 
— est encore celle de Hikmaâït-Ra Nakhtou (T. 222; cf. note précédente) à Gournet-Mourraï, où 
tout le personnel archaïque, disparu depuis 1 époque contemporaine d’Amenhotep IV environ, 
reparaît soudainement en pleine XX e Dynastie. (Chambre 2 ou couloir, paroi I, registre du bas, 
près delà porte). Notes prises à Tiièbes , 1 9 3 3 . 

W Cf. infra , à la description du catafalque, section de la barque. 

t 5 ) Sur Tépoque de cette introduction, cf. infra, ibid., et à l'Appendice. 

Cf. T. 55 , 92, 189. Il nimporte quil ny ait parfois qu'une seule des Deux Sœurs; le point 
est la coexistence de personnages réels et d'effigies pour signifier les mêmes Entités Divines. 



Mémoires , t. LVII. 



74 



G. FOUCART. 



antiquité que les équipages rituellement composés des autres vaisseaux divins 
Les deux figurantes (ou, bien plus exactement, les deux actrices), qui incar- 
nent dans le convoi lsis et Nephtys ne viennent pas, elles, d'un équipage de 
barque divine. Elles peuvent bien devoir leur origine à un drame d’Abydos, 
de Bousiris, de Sais ou de Bouto, et il n’importe ici. Elles ont été, de toute 
façon, des protagonistes en un drame qui s’est joué littéralement : soit qu’il 
reproduisît un épisode de la légende divine, soit qu’il fût un acte des funérailles 
royales. C’est à ce titre quelles sont venues dans le cortège du convoi privé, avec 
les «gens des Villes», ceux de Syout, de Sais, d’Hermopolis, de Bouto, de 
Bousiris, etc. Comme eux, jadis, elles ont pris part à toute cette 'mofxiry à 
caractère tragique qu’a été le convoi archaïque. Comme eux, et pour les mêmes 
raisons (2) , elles disparaissent peu à peu, en même temps ou presque. Le résumé 
où l’on trouvera réunies les autres manifestations de ce changement si profond 
dans le convoi ramesside fera ressortir, mieux qu'à propos d’un détail, le carac- 
tère général de ces modifications et la cause identique qui a produit à la fois et 
celle-ci et celles du reste du cortège. 

Comme contre partie à ces disparitions, d’autres personnages vont apparaître 
par la suite, en arrière des hâleurs et en avant du traîneau funèbre. Mais c’est 
seulement plus tard — au moins dans l’état actuel de notre documentation — 
que nous les verrons défiler. Ce sont ces porteurs d’enseignes divines dont la 
tombe saïte ( e.g . , au T. de Pabasa = n° 279) nous donne une troupe déjà impo- 
sante. A l’ordinaire, la tombe ramesside se contente d'insérer ces nouveaux venus 
de façon abrégée et en forme d insignes. Une exception encore unique (3) montre 
déjà cependant, en tête d’un catafalque ramesside, un officiant tenant une en- 
seigne surmontée de l’image de l’Anoubis Ouap-Ouaïtou. Au Tombeau du prêtre 
Ilori (XIX‘‘ ou XX e Dynastie), une représentation, jusqu’ici unique également 

B) La symétrie du couple Isis-Nephtys et ses origines sortent de notre sujet. C’est sous réserves et 
pour garder les usages que l’épi thète osirienne sera gardée ici pour la barque. En fait — ceci donné 
en bref et à titre indicatif — le thème ne paraît ni osirien, ni même abydénien en ses origines. Ni 
le Khont-Amentit primitif d’Abydos, ni l’Osiris de Bouto ne justifient, par l’iconographie ou par 
la légende classique, une barque d’Osiris ou une veillée par les Deux Sœurs. C’est bien plutôt d’un 
O si ris Soleil Mort — probablement celui de Bousiris (celui de Memphis ayant son équipage tout 
différent) et d’un équipage céleste (l’Isis d’Orient et la Nephtys d’Occident) qu'ont procédé le 
thème iconographique et sa traduction liturgique. 

Voir un peu plus loin, au catafalque, à la section de la barque osirienne. 

t 3 ) T. inédite. [Notes prises à Thèbes, 19 3 3.) 



TOMBES THÉBA1NES. 



75 



dans une scène privée, place en avant du catafalque deux porteurs d'enseigne, 
l’un tenant le , l’autre le (1) . Et rien cependant dans la titulature de 
notre personnage, simple administrateur des WaJtfs du Domaine d’Àmon, ne 
justifie l’emploi d’un pareil faste. L’intérêt de ces manifestations encore ex- 
ceptionnelles est double. Archéologiquement, on voit que l’appareil saïte pro- 
cède pour partie d’éléments ramessides qu’on n’a pas coutume de lui attribuer. 
Pour l’histoire générale des idées funéraires attachées aux représentations du 
convoi, la constatation est de plus d’importance. Elle pose en effet une ques- 
tion inattendue. Si, à chaque détail, nous venons de constater ou nous aurons 
encore à constater que le cérémonial antique, copie des grands cortèges de la 
monarchie, perd peu à peu sa force traditionnelle, en même temps que son 
personnel; et si, dans le même temps se multiplient les manifestations de la 
prépondérance croissante de la famille et des groupes sociaux, rien n’est-il 
plus déconcertant que de voir apparaître de nouveaux acteurs, issus directe- 
ment, à première vue, de la pompe pharaonique? Cette apparente contradiction 
sera peut-être plus aisée à expliquer, lorsque nous aurons examiné le cata- 
falque osirien. On y retrouvera en effet des manifestation analogues; mais leur 
explication ressortira mieux qu’ici d’un ensemble homogène de caractéristiques 
semblables entre elles, et issues d’un concept commun. 

Vil. — LES "GENS DES VILLES”. 

La question de la présence ou de l’absence des éléments familiaux dans un 
cortège funèbre peut n’apparaître encore que comme un détail bien secondaire; 
tout au plus un très petit paragraphe du chapitre de l’histoire des thèmes dans 
la décoration murale du tombeau thébain. Il en est peu, en fait, dont, la déter- 
mination exacte entraîne avec elle une telle série de corollaires ou qui touche 
de plus près à l’évolution des données esehatologiques accomplie au cours du 
second Empire Thébain. 

L’un des traits qui frappent le plus quiconque veut bien considérer avec 
quelque attention les scènes de funérailles, c’est à quel point, jusqu’à l’époque 
préramesside, les manifestations de la douleur privée en semblent presque 
exclues, et à quel point également les proches parents du défunt y tiennent peu 

^ T. inédite. Paroi B', registre inférieur. Il est très significatif que ces personnages remplacent 
précisément les hâleurs à ia corde, et viennent entre les bœufs de l'attelage avec leur bouvier et le 
traîneau du catafalque. ( Notes prises à Thebes, 1 933*) 



76 



G. FOUCART. 



de place. Des porteurs de mobilier, des prêtres ou des officiants, hommes ou 
femmes, des gens occupés à tirer rituellement sur un câble y constituent en 
somme tout le gros du public d’un convoi. 11 y a nombre de scènes où, ni en 
avant ni en arrière du catafalque, on ne voit apparaître d’autres personnages. 
11 y en a beaucoup qui terminent, avec le traîneau funèbre, tout leur essai de 
figuration du défilé. 

Cette conception, qui obéit à un ensemble logique de directives initiales, est 
instinctivement contraire à l’idée que notre formation classique, comme nos 
propres mœurs, nous ont habitués à nous faire de la composition d’un cortège 
funèbre. Autant il nous semble naturel d’y retrouver, à l’approche du prérames- 
side, les enfants, la veuve, les proches, les familiers ou les collègues du défunt, 
(ce qui n’est pourtant advenu que lentement, et au prix de toute une série de 
changements fondamentaux), autant leur absence, dans les scènes qui précè- 
dent, nous semble-t-elle le résultat d’une pure omission de fait, omission que 
nous sommes toujours prêts à tenir pour réparée, si la moindre apparence s'y 
prête. Volontiers, en cet ordre d’idée, on prendra pour des «invités» le groupe 
d'hommes à longues cannes qui clôt à l’ordinaire les cortèges un peu détaillés. 
Et pourtant ils sont, eux aussi — ou ils ont été très longtemps — une troupe 
de figurants sacrés (1) . Et de même si, d’aventure, quelque représentation de 
la XVIII e Dynastie classique vient à mêler aux acteurs tactiques du convoi des 
personnages non spécifiés nommément, le lecteur moderne croira aussitôt y 
retrouver enfin ce public de parents ou d’invités dont il lui semble qu'aucun 
cortège funèbre ne saurait être dénué. Une telle présence supposerait cependant 
révolue une donnée nouvelle sur le but essentiel de la représentation des funé- 
railles. H importe donc fort de ne l’admettre qu’après vérification sérieuse; et 
c’est ce qui nous excusera d’insister comme nous le faisons ici sur les caractères 
exacts de tous ces personnages que l'on voit s’évanouir peu à peu, au cours de 
la XVIII e Dynastie. 



Les cortèges des débuts de cette XVIII e Dynastie et ceux qui, à leur image, s’en 
tiennent par la suite aux thèmes traditionnels ne présentent pas seulement ce 
caractère remarquable de faire si peu de place aux gens de la famille, nommé- 
ment désignés ou encore reconnaissables à leurs gestes de douleur dégagés de 
tout rituel. Ils associent très souvent au convoi un certain nombre de person- 



W Cf. infra , aux «Neuf Compagnons 75. 



TOMBES THÉBAINES. 



77 



nages que l'on voit justement diminuer de nombre et disparaître, au fur et à 
mesure que l’on voit les proches ou les «invités» entrer plus nombreux dans la 
scène du convoi. Et la transition se fait si insensiblement qu’au premier abord, 
on pourrait confondre ceux-ci avec ceux-là. Rien ne distingue les premiers des 
seconds, hors un emplacement, et encore plutôt coutumier que rigoureusement 
fixé; hormis aussi, un geste liturgiquement traditionnel, mais que l’on retrouve 
plus tard, à l’occasion, dans les «gens du cortège». 

Le compositeur, sauf de très rares exceptions, ne s’est guère préoccupé d’é- 
noncer par quelque intitulé ce qu’étaient ces personnages, et la raison très 
simple en apparaîtra un peu plus loin. Ainsi n’est-il guère surprenant que rien 
n’ait attiré jusqu’ici grande attention sur ce qu’ils sont ou ce qu’ils ont été dans 
l’ordonnance des funérailles. A l’ordinaire, on s’occupe peu de nos gens. Ou 
bien, si l’on vient à les mentionner, ils sont considérés comme des «gens affli- 
gés» ou une sorte de public bénévole et non spécifié; quelque chose comme une 
figuration insérée par le compositeur, pour mieux marquer le caractère doulou- 
reux de l’ensemble de sa composition (1) . 

On les trouve dans la première moitié du convoi, celle qui nous montre, soit 
dans le temps, soit dans l’espace, les gens ou les épisodes qui précèdent l’arrivée 
du catafalque. La règle à cet égard est jusqu’ici vérifiée assez constante pour 
pouvoir sembler constituer une sorte de premier signe d’identification, ou plutôt 
de distinction, d’avecdes familles ou les invités. S’il ne s’agissait au moins que 
des hommes. Car si règle il y a, on va la voir d’application plus nuancée à 
l’égard des femmes. Mais l’on chercherait en vain quelque emplacement bien 
déterminé qui leur serait assigné et qui pourrait nous apprendre où ils se te- 
naient au cours de la ^o(i ntf. Ce qui vaut d’ailleurs beaucoup mieux, parce- 
qu’ils étaient à la fois partout et nulle part, et qu’une fois de plus, nous ferions 
fausse route en voulant toujours chercher à reconstituer un tableau. Fidèle aux 
vieux procédés, le dessinateur d’Àntoufakir (=T. 60) les a mis tout en avant de 
son défilé, sur deux petits sous-registres, employant, avec une puérile habileté, 
l’alternance d’un homme et d’une femme, de façon que ses six personnages, 
(trois et trois) donnent également l’idée de pluriel par triplication. Gardons-nous 
de prendre cette place pour une indication topographique ou une indication de 
Y or do ou de la xaftsdes obsèques. Soucieuse des procédés conventionnels de la 

(D D’autant plus que le nombre des lombes intégralement publiées étant encore très petit, les 
excerpta ont, à l’ordinaire, fait assez peu de cas des scènes du convoi, jugées « stéréotypées r>, et 
11e détenant, par ailleurs, aucun de ces caractères artistiques ou singuliers qui motivent l’extrait 
particulier. La majorité des scènes qui vont être citées ici sont inédites.